Valérie Issarny : « la recherche européenne est une source de liberté »

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Mis à jour le 08/06/2020
À l’occasion d’une semaine consacrée à l’Europe, Inria Paris donne la parole à ses chercheurs. Valérie Issarny de l’équipe MiMove, a reçu l'une des 12 "étoiles de l'Europe" en 2013 pour sa coordination du projet collaboratif européen Connect. Spécialiste des systèmes et des développements logiciels, la chercheuse témoigne sur son expérience européenne.
Valérie Issarny
© Inria / Photo S. Tetu - La Company
Valérie Issarny, directrice de recherche dans l'équipe MiMove.

Pourquoi avez-vous opté pour des projets européens plutôt que d’autres formes de financements de la recherche ?

Ses chiffres-clés :

  • 10-15 projets européens
  • 2 coordinations de projet
  • Période de participation : 1992-2013

Valérie Issarny : J’ai toujours été impliquée dans ces projets qui sont naturels pour moi. Ils m’ont permis d’avoir une grande liberté dans mes recherches. Quand on se sent bien dans un système de financement, qu’il nous correspond et que l’on maîtrise ses fonctionnements, c’est facile de rester dans la machine. D’autant que je lui trouve beaucoup d’avantages. Dans mon domaine, l’avancement de nos études dépend beaucoup des moyens humains et l’Europe est une source de financements conséquents qui n’a pas d’égal à mon sens. C’est aussi pour cela que je n’ai eu que très peu recours à des financements nationaux qui offrent beaucoup moins de possibilités. D’ailleurs, comme j’ai toujours collaboré à l’Europe et à l’international, je pense que mon réseau national est beaucoup moins important.

Comment s’organise le montage d’un projet collaboratif européen ?

VI : Lorsque l’on a l’habitude de faire des propositions, on comprend comment monter un projet dans les programmes cadres européens, FP7 (2007-2013) ou H2020 (2013-2020) pour les plus récents. Il y a une sorte de recette : avoir des exemples et de l’expérience aide beaucoup à remporter le projet. Mais cela ne signifie pas que l’on est seul face à un appel d’offre. J’ai notamment travaillé sur de la coordination de projets avec un soutien énorme de la part d’agents administratifs. Pendant un temps, Inria impliquait également des entreprises de conseil pour nous aider. 

Investir dans un projet européen peut-il mener à des recherches complémentaires ?

VI : Il faut avoir en tête que nous présentons toujours des projets ambitieux car, à nouveau, les financements européens nous permettent d’investir dans des recherches à la marge. Cela signifie qu’il est possible d’investiguer des sujets en complément, d’ouvrir des perspectives et de nourrir la recherche future avec des recherches complémentaires à mener qui ont déjà été identifiées. Les projets fonctionnent souvent en séries.

Quels sont les avantages des projets européens ?

VI : Les moyens favorisent l’ambition. Collaborer sous cette forme m’a donné la liberté de chercher et d’entreprendre. Certains projets ont ainsi abouti à la création de startups et d’innovations. Les réseaux jouent également un rôle essentiel et s’étendent au fur et à mesure des collaborations.

De plus, on choisit forcément notre niveau d’implication dans nos collaborations. Il y a toujours des partenaires qui suivent le mouvement et d’autres qui s’impliquent pour définir les recherches qui vont être menées. Cela signifie qu’il existe une réelle possibilité d’influencer la direction que va prendre une recherche de grande ampleur, ce qui est très stimulant.

Son projet coup de cœur : Connect

« Connect est un projet d’envergure achevé en 2013. Il visait à traiter un défi toujours d’actualité : l’interopérabilité, avec une approche pluridisciplinaire en informatique. Notre objectif était d’apprendre les protocoles à la volée pour ensuite synthétiser des traducteurs de protocole. Aujourd’hui, il y a encore des travaux à la suite de ceux lancés à cette époque. L’arrivée de l’IoT et de nombreux jeux de données à intégrer ont renforcé l’importance de cette thématique de recherche. »

Vous avez été coordinatrice et évaluatrice de projets européens. Comment décririez-vous ces fonctions ?

VI : J’apprécie d’avoir été coordinatrice et donc un peu le chef d’orchestre. Ce rôle m’a permis d’impulser à la fois la thématique et le projet afin qu’ils correspondent à des problématiques de recherche qui m’intéressent. De plus, la coordination est un moyen de choisir des collaborateurs que l’on apprécie et dont on respecte la recherche pour aboutir ensemble à des travaux d’autant plus intéressants. Il y a une importante maîtrise du projet et de ce qui en découle.

J’ai également évalué des projets européens sur la thématique européenne « futur et technologies émergentes ». Il s’agit d’une fonction proche de celle de relecteur de publications scientifiques à une importante différence près : on évalue une vision et non ce qui a été fait. Comme je suis plutôt portée sur l’avenir, je trouve cela très intéressant d’observer où les laboratoires veulent aller et les perspectives qui s’ouvrent derrière chaque projet. 

Est-ce exigeant de s’engager dans des projets européens ?

VI : Oui cela demande un engagement humain important, mais le retour sur investissement n’en est que proportionnel. Il est forcément plus simple de travailler son sujet dans son coin, mais cela ne vaut pas la contribution à quelque chose de plus grand qui nous ouvre d’importantes perspectives au-delà de sa propre recherche. On est chercheur parce qu’on aime le métier et l’investissement fait partie du jeu.