Environnement et planète

BurnMonitor : une solution IoT de détection des feux de forêt

Date:
Mis à jour le 14/10/2022
En 2020, la Californie a connu la pire saison des feux de forêt de l'État de l’histoire contemporaine : près de 2 millions d’hectares détruits, 31 personnes décédées et plus de 12 milliards de dollars dépensés pour lutter contre ces incendies. Le projet BurnMonitor, mené par Inria et plusieurs partenaires, propose une solution de détection anticipée des incendies. Décryptage !
Feu de forêt
© Unsplash / Marcus Kauffman

 

Le point commun entre tous les incendies ? Ils démarrent par une simple étincelle.

Par exemple, lorsqu'une cigarette est jetée depuis une voiture, elle enflamme l'herbe et déclenche un départ de feu dont la progression est relativement lente. À ce stade, il faut moins d'une heure à un seul camion de pompiers pour sécuriser la zone. Si ce départ de feu n'est pas détecté au bout d’environ 90 minutes, il atteindra la lisière des arbres et se transformera en un feu de forêt beaucoup plus important. 

Détecter les départs de feu le plus tôt possible est donc crucial pour lutter contre les incendies.

Le projet BurnMonitor

Les pompiers de Moraga-Orinda

Les pompiers de Moraga-Orinda (Moraga-Orinda Fire District, MOFD) opèrent près de San Francisco. La zone est composée de collines occupées par des zones résidentielles, parcs naturels, plusieurs écoles, et est traversée par une autoroute. Le MOFD est à la pointe de l'innovation dans le domaine de la détection anticipée des incendies en Californie et aux États-Unis.

Le projet BurnMonitor est mené par l'équipe-projet EVA (Inria de Paris), UC Berkeley, Analog Devices, Planet et ZoneHaven pour répondre aux besoins des pompiers de Moraga-Orinda (MOFD). 

Le MOFD avait besoin d'un système permettant de surveiller de près les zones très sensibles, comme par exemple une école dans une zone boisée, d'être alerté grâce à des alarmes en temps réel dès qu'un incendie se déclare et d'avoir les informations nécessaires afin de pouvoir réagir en conséquence et coordonner l'action. 

Tous les acteurs ont établi ensemble une solution IoT (Internet des objets, en anglais Internet of Things) de détection anticipée des incendies de forêt qui combine capteurs au sol, outils d'analyse de données et images satellites.

Comment fonctionne la solution ?

Une clôture virtuelle de capteurs sans fil autour des zones à protéger est installée : les boîtiers en plastique sont ignifugés et contiennent des capteurs permettant de détecter le feu, et les composants électroniques permettant une communication sans fil. Le boîtier des capteurs est conçu pour résister à une température allant jusqu'à 125°C, la solution continuera donc de fonctionner pendant un incendie, le feu restant dans la plupart des cas proche du sol. 

Les capteurs sont montés sur un poteau de 1 mètre de haut et installés à 50 mètres l'un de l'autre pour former une clôture virtuelle. L'espacement de 50 mètres garantit qu'aucun feu ne traverse la clôture sans être détecté.

Les capteurs forment ainsi un réseau maillé sans fil à faible consommation et hautement fiable, autour de dispositifs de passerelle. La fiabilité du réseau, supérieure à 99,999 %, est cruciale pour ne manquer aucune alerte d’incendie.

 

Vue aérienne d'une forêt, on y voit des capteurs qui forment un réseau sans fil fiable et sécurisé
© Inria / Thomas Watteyne

 

Au fur et à mesure que le front de l’incendie progresse, il franchit la clôture virtuelle de capteurs qui, les uns après les autres, détectent la présence du feu.

La technologie de réseau maillé utilisée est autoréparatrice : des capteurs sans fil relaient les informations et dans le cas où un capteur est détruit pendant l'incendie, le réseau se réorganise pour s'assurer que les données parviennent à la passerelle, qui est elle-même connectée à Internet.  

Lorsqu'un capteur détecte un incendie, il envoie cette information vers ce qu'on appelle une « passerelle». Si cette passerelle est hors de portée du capteur, les données seront relayées par d'autres capteurs : c'est ce que l’on appelle le « saut » des données. Dans le cas inverse, la passerelle elle-même transmet les données au cloud BurnMonitor à l'aide de son modem 3G. 

Les serveurs du cloud BurnMonitor sont localisés au sein des locaux Inria de Paris. Cette proximité permet de voir les données en temps réel et d’exécuter les algorithmes qui traduisent les mesures brutes des capteurs. Le cloud BurnMonitor se coordonne également avec les autres partenaires pour d'autres informations cruciales au MOFD :

  • Un événement de détection d'incendie par le cloud BurnMonitor amène l'un des satellites de la constellation Planet à prendre une photo de la zone dans laquelle se trouve le capteur. Avoir une image satellite en temps quasi réel d'un départ de feu à mesure qu'il se développe est essentiel car cela permet au MOFD de comprendre comment le feu progresse et ainsi décider combien de camions doivent être expédiés et quel est le meilleur côté pour l’approcher.
  • Lorsque le cloud BurnMonitor détecte un incendie, ZoneHaven combine ces informations avec des données météorologiques et des informations sur la zone (type de terrain, quantité de végétation) pour prédire la façon dont le feu se propagera dans les prochaines heures. Ces informations servent d'outil d'aide à la décision pour coordonner des actions telles que l'évacuation du quartier le plus à risque.
Borne avec capteurs sans fil dans un incendie
© Inria / Thomas Watteyne

Six partenaires pour une solution clé en main de lutte contre les feux de forêt

Pour rendre le projet réalisable, les pompiers de Moraga-Orinda alimentent le consortium des parties prenantes avec des besoins réels et coordonnent les tests. Inria, et plus particulièrement l'équipe-projet EVA gère l’architecture de la solution et le cloud BurnMonitor. L'université de Californie à Berkeley teste l'équipement et le système et coordonne son action avec celle du MOFD lors d'incendies réels. Analog Devices fournit les composants des capteurs et les construit. Planet, une société basée à San Francisco, met à disposition une constellation de plus de 130 satellites équipés de caméras haute résolution et enfin Zonehaven construit le modèle de propagation du feu et transforme les données du capteur en recommandations d'évacuation.

Chacun des six partenaires est essentiel pour créer une solution clé en main, qui ne se contente pas de détecter les incendies de forêt au moment où ils commencent, mais fournit au service de lutte contre les incendies des données exploitables. Grâce à l'installation de la clôture virtuelle de capteurs autour des zones à protéger, le MOFD reçoit une alerte dès qu'un feu de forêt traverse cette clôture, ainsi que des images satellites en temps quasi réel de la zone et une simulation de la propagation du feu.

Une série de tests concluants

En mai 2020, le MOFD a commencé à mener des tests sur des incendies réels pour vérifier la capacité du système non seulement à détecter avec précision un incendie, mais également à générer des données significatives.

Lors d'un test, la première étape consiste à démarrer un feu contrôlé dans une zone représentative. Les pompiers de Californie effectuent régulièrement des essais d'incendie au printemps pour s'assurer qu'ils sont prêts pour la « saison des feux de forêt » qui commence aux alentours du mois de juin.  

Titre

Et après ?

Verbatim

Les prochaines étapes impliquent des déploiements plus importants de cette technologie dans différentes parties de la Californie. Nous sommes très enthousiastes à l’idée d'apporter cette technologie aux services d'incendie en France et en Europe !

Auteur

Thomas Watteyne

Poste

Directeur de recherche de l’équipe EVA

Le projet en vidéo

 

Photo portrait de Thomas Watteyne

Plus d'information

Thomas Watteyne

Directeur de recherche de l’équipe-projet EVA