Chercheur et médiateur : quand Inria investit le Palais de la découverte

Date:
Mis à jour le 05/05/2020
Né d'une collaboration entre le Palais de la Découverte et l'équipe-projet Sierra d'Inria de Paris, « l'apprenti illustrateur » vise à expliquer les capacités mais aussi les limites de l'intelligence artificielle au grand public. Comment ? En s'appuyant sur la reconnaissance des dessins... un outil simple et efficace pour s'adresser aux enfants, comme aux adultes ! Cette action de médiation scientifique enrichit aussi les chercheurs, qui y trouvent l'occasion de faire sortir leurs recherches du laboratoire.

Tout commence au Palais de la découverte. Le célèbre musée parisien décide de consacrer une exposition permanente à l'informatique et d'ouvrir ainsi une salle informatique et sciences du numérique où l'intelligence artificielle (IA) doit évidemment avoir sa place. Mais comment la présenter ? Pour y réfléchir, les organisateurs de l'exposition contactent fin 2016 l'équipe-projet Sierra d'Inria de Paris, reconnue dans le domaine. "Trouver la bonne activité pour présenter l'IA n'était pas évident", retrace Francis Bach, responsable de Sierra.

Il ne s'agissait pas juste de montrer le résultat de ce que pouvait faire l'IA mais aussi d'expliquer le comment, le pourquoi et les enjeux scientifiques qui s'y cachent ! 

L’apprenti illustrateur : une activité de médiation coconstruite

À force d'échanges et de discussions, entre chercheurs et avec les professionnels de la médiation scientifique, une idée émerge : se baser sur le traitement d'image. « C'est simple et visuel, donc adapté à des enfants à partir de 7 ans. Et la reconnaissance des dessins par les algorithmes commençait justement à bien fonctionner », poursuit Francis Bach. Restait ensuite à établir le scénario qui permettrait de faire participer les enfants et là encore, l'expertise du Palais de la découverte combinée à celle d'Inria s'est avérée précieuse.

Le système retenu, après plusieurs tests et modifications, est de s'appuyer sur une tablette sur laquelle l'enfant peut dessiner. Il « apprend » d'abord à la machine à reconnaître les sujets des différents dessins en y glissant des étiquettes : maison, escargot, voiture... Puis c'est la phase de test : l'enfant dessine et la machine reconnaît le dessin. « L'un de nos étudiants, Jean-Baptiste Alayrac, a écrit l'algorithme nécessaire en une semaine et a fait un travail techniquement admirable, souligne le responsable de Sierra. C'est un prestataire du Palais de la Découverte, qui s'est chargé de la réalisation de l'excellente interface qui l'utilise. »

Fin 2017, l’apprenti illustrateur est né !

Apprivoiser l’intelligence artificielle, chacun à son niveau

Palais de la découverte
Photo Pascal Ferry

En mars 2018, la nouvelle salle du Palais de la découverte est inaugurée, l’apprenti illustrateur avec… et l’ensemble rencontre un franc succès. Une réussite qui donne à Inria l’idée de dupliquer la démonstration pour l’utiliser à l’extérieur, lors d’événements tels que la Fête de la science ou le Salon culture et jeux mathématiques. Francis Bach ainsi que les étudiants et doctorants de son équipe s’en saisissent alors pour parler IA hors d’Inria. 

Cette démonstration permet d’expliquer aux enfants, et aux adultes, que sans base de données, il n’y a pas d’intelligence artificielle et que la machine ne connaît que ce qu’on lui apprend

explique Raphaël Berthier, doctorant dans l’équipe-projet Sierra et qui a présenté l’apprenti illustrateur à plusieurs occasions. "En fonction des publics, nous pouvons essayer d’ailleurs de sensibiliser aux biais introduits lors de l’apprentissage ou aux erreurs critiques". Ainsi, la machine sait reconnaître le dessin d’une maison, mais pas celui d’une maison sous la pluie. Elle identifie donc cette illustration de manière complètement aléatoire. « Il y a d’ailleurs des enfants qui essayaient de prendre la machine en défaut ! », s’amuse Raphaël Berthier. Car si l’étonnement est du côté du public en ce qui concerne les capacités de la machine, il est aussi du côté des chercheurs face aux interactions qu’apporte la médiation scientifique. 

« C’est toujours une expérience intéressante : les enfants ont plein de questions et en fonction de leur niveau, on peut leur apporter différents degrés de réponse, se souvient Raphaël Berthier. C’est aussi un moyen de prendre la température du public, de voir comment il réagit face à un tel sujet, d’essayer de démêler les fantasmes et les craintes de chacun autour de l’IA. Et puis c’est valorisant, car nous sortons de nos bureaux pour partager un peu de connaissance. » Une fierté que partage Francis Bach : « J’étais même particulièrement heureux de pouvoir montrer à mes propres enfants un échantillon du sujet sur lequel je travaille ! » 

Partager la connaissance de ses recherches : gagnant-gagnant !

Au-delà du ressenti, la médiation est aussi pour les chercheurs l’occasion d’améliorer leurs talents de communicants et d’enseignants.

Interagir avec les enfants et avec leurs parents pour leur expliquer un sujet complexe sans travestir la réalité, s’adapter à un public différent, est un état d’esprit qui m’a beaucoup plu et que je trouve dans la continuité de mes activités d’enseignant, détaille Francis Bach.

Ce projet nous a en outre fait travailler avec des gens passionnés du Palais de la Découverte et si on me propose de nouvelles actions, je dirais très probablement oui ». C’est une très « bonne formation en communication », renchérit le doctorant de Sierra. L’autre avantage conséquent est qu’une action comme celle-ci permet de mieux s’intégrer à l’écosystème Inria. « Grâce à ce projet, j’ai appris à travailler avec la communication, les services administratifs et j’ai trouvé intéressant de participer à la vie de mon centre de recherche. » Francis Bach et Raphaël Berthier sont prêts à poursuivre l’aventure.

Dans la médiation scientifique, nous récupérons plus d’énergie que nous n’en donnons, conclut le doctorant. Ce genre d’actions nous remotive et nous rappelle que nos recherches s’inscrivent dans un grand cadre.