Industries du futur

VeriQuB : un projet européen pour assurer la fiabilité des systèmes quantiques

Date:
Mis à jour le 22/02/2024
Comment garantir la fiabilité des systèmes quantiques ? C’est le défi entrepris par un ambitieux projet de recherche européen, dénommé VeriQuB, coordonné par l'équipe QAT (Inria, École normale supérieure - PSL, CNRS) du Centre Inria de Paris. Son objectif : identifier de nouvelles méthodes de vérification de la performance des ordinateurs quantiques basés sur les bosons. Ulysse Chabaud, son coordinateur, nous en dévoile les contours.
Veriqub Logotype

Le challenge :  assurer la fiabilité des architectures de calcul quantique

Garantir le fonctionnement fiable et précis des nouvelles architectures quantiques : c'est l'ambition du nouveau projet européen VeriQuB, lancé et coordonné par le Centre Inria de Paris, à la suite d'un appel à projet du Conseil européen de l'innovation (EIC). Le nom de ce projet de recherche signifie "vérification efficace des architectures de calcul quantique utilisant des bosons". Les "bosons" sont des systèmes physiques qui sont utilisés comme porteurs d'information : il s'agit, par exemple, des photons qui constituent la lumière d’un laser.

Les travaux s'étaleront sur une durée de 48 mois et impliqueront quatre partenaires scientifiques européens aux compétences complémentaires : l'équipe QAT, commune au Centre Inria de Paris et à École normale supérieure - PSL (ENS-PSL), l'université de technologie de Chalmers en Suède, l’université de Milan, et une équipe du Laboratoire Kastler Brossel commune à Sorbonne Université et au CNRS. Ensemble, ils ambitionnent de proposer une boîte à outils efficace pour la vérification de la fiabilité des architectures de calcul quantique utilisant des bosons. Des architectures qui souffrent de problèmes de fiabilité, même si elles pourraient prochainement surpasser les ordinateurs classiques.

L’alliance de quatre partenaires européens aux compétences complémentaires

Financé à hauteur de quatre millions d'euros par Horizon Europe (le programme européen pour la recherche et l'innovation), le projet VeriQuB sera officiellement lancé les 3 et 4 octobre 2023. Ulysse Chabaud, chercheur de l'équipe commune QAT, en est le coordinateur. Il sera épaulé par un responsable de programme, notamment pour tout ce qui touche à l'animation du consortium, à la communication et à la gestion administrative.

Comment ce travail collectif s'organise-t-il ? Les chercheurs et postdoctorants d'Inria se concentrent « sur tous les aspects liés à la vérification ». Des scientifiques de l'université de Milan travaillent parallèlement « sur les aspects théoriques liés au traitement de l’information quantique basée sur les bosons ». D’autres spécialistes de la physique quantique, équipés de technologies de mesure de pointe, sont en charge du volet expérimental, d’une part à l'université de technologie de Chalmers, d’autre part au Laboratoire Kastler Brossel. Les premiers effectueront des tests sur une plate-forme physique de circuits supraconducteurs basés sur les bosons, tandis que les seconds mèneront des expériences sur une plate-forme de bosons optiques, constituants des rayons de lumière. « Les systèmes physiques, dans lesquels l'information est encodée, sont différents », relève Ulysse Chabaud. « Mais nous utilisons les mêmes outils mathématiques pour décrire leur fonctionnement et avons donc fait le choix de faire porter les tests sur ces deux environnements, qui pourraient être complémentaires dans les systèmes de calcul à venir. »

De nouvelles méthodes de vérification quantique 

Pour réussir à garantir la fiabilité, le projet VeriQuB développe de nouvelles méthodes de vérification quantique : les mesures sont effectuées à l'aide de variables continues (englobant un nombre infini de valeurs), qui se démarquent des bits classiques (0 ou 1). « L'utilisation de ces variables a notamment pour avantage de nous permettre d'utiliser des méthodes de vérification que nous avons déjà identifiées et qui ne sont pas compatibles avec des variables discrètes » (contenant un nombre défini de valeurs), explique Ulysse Chabaud.

Image
Photo Ulysse Chabaud
Verbatim

La finalité du processus – identifier les failles potentielles – est comparable à celle des crash tests effectués par les constructeurs automobiles sur leurs prototypes

Auteur

Ulysse Chabaud

Poste

Coordinateur du projet VeriQuB

« Mais la tâche est plus délicate dans la mesure où l'information quantique nous arrive par toutes petites bribes, qu’il faut ensuite recombiner afin d'évaluer la performance d’une machine quantique dans sa globalité. »

Une autre spécificité des travaux liés à VeriQuB tient à l'utilisation d'indicateurs de performance appelés "témoins de fidélité". Ils servent à déterminer si un état quantique est proche d'un autre état et ainsi à mesurer rapidement sa qualité. « À l'inverse des bits classiques, pour lesquels on peut indiquer rapidement s'ils ont une correspondance parfaite ou nulle, il existe en effet toute une diversité d'états quantiques pour lesquels on va chercher à déterminer leur degré de proximité », relève Ulysse Chabaud. « Les témoins de fidélité nous donneront une indication rapide sur la proximité potentielle entre ces états quantiques, et donc sur la conformité des informations encodées et la validité du calcul quantique en cours d’exécution. »

À terme, l'Europe à l'avant-garde de l'informatique quantique basée sur les bosons

Autre ambition, le projet européen VeriQuB devrait aider les chercheurs à identifier tous les scénarios d'utilisation (calculs, design d’algorithmes, développement technologique…) pour lesquels les machines quantiques pourraient présenter rapidement un intérêt notable, comparées aux machines classiques.

Ces données devraient ainsi être très utiles aux startups et aux scientifiques du quantique, estime le chercheur, car elles leur donneront des indications sur les propriétés quantiques essentielles à chaque tâche, et pourraient par la même occasion, les inciter à renforcer un certain nombre de fonctionnalités de leurs plates-formes de calcul.

À terme, la mise en œuvre de méthodes de vérification fiables et efficaces devrait positionner l'Europe à l'avant-garde de l'informatique quantique basée sur les bosons, en pleine évolution. « Les startups du secteur développent actuellement des indicateurs de performance pour leurs propres plates-formes, observe Ulysse Chabaud, mais ces indicateurs ne permettent pas de comparer les plates-formes entre elles. » A contrario, le cadre théorique de vérification développé par VeriQuB aidera l’Union Européenne dans son mouvement de standardisation des machines de calcul quantique. Une évolution majeure dans ce domaine.