Touti Terre et Inria : au service de la robotique agricole

Date:
Mis à jour le 04/10/2022
Depuis 2015, Inria et la PME Touti Terre collaborent étroitement pour mettre au point Toutilo , un cobot enjambeur de culture polyvalent. L’objectif ? Faire entrer le numérique et les nouvelles technologies dans les exploitations maraîchères. Et réduire ainsi la pénibilité du travail tout en augmentant la productivité. La mission est déjà en partie remplie et les recherches se poursuivent afin que Toutilo puisse aider les agriculteurs dans leurs tâches quotidiennes, mais également dans la planification de celles-ci.
Capteurs, équipe Pervasive-Interaction
© Inria / Photo C. Morel

Au départ, c’est une histoire familiale. Une sœur maraîchère, une autre designer industriel et un père qui travaille dans l’électronique… voilà les trois personnes qui ont fait naître la PME Touti Terre en 2014. « Le but était de répondre à la problématique de ma sœur pour rendre le travail agricole moins pénible, retrace Flore Lacrouts-Cazenave, présidente de Touti Terre. Nous avons donc conçu un cobot : un robot qui collabore avec l’humain. » Celui-ci, nommé Toutilo , enjambe les planches de cultures et permet au maraîcher de planter, désherber et récolter dans une position ergonomique, en étant par exemple allongé sur le cobot. Celui-ci peut également être utilisé pour le transport de charges lourdes. « Nous avons d’abord mis au point une télécommande simple, qui permet d’utiliser Toutilo manuellement, poursuit Flore Lacrouts-Cazenave, mais dès notre rencontre avec Inria, nous avons cherché à améliorer la relation "Humain-machine" et donc le développement de la partie robotique. »

Un potentiel d’innovation élevé

En 2015 en effet, Touti Terre est accueillie au sein de la Société d’accélération du transfert de technologies (SATT) de Grenoble Alpes, Linksium, dont Inria est membre. « À l’époque, Touti Terre n’avait qu’un prototype mécanique, construit par les membres de la PME, se souvient Philippe Broun, responsable du service Transfert innovation et partenariat au centre Inria Grenoble Rhône-Alpes. Mais les créateurs de la PME avaient déjà dans l’idée d’y intégrer des briques technologiques numériques, des modules d’intelligence artificielle et une plate-forme de gestion des données. Nous avons donc trouvé du potentiel dans le projet. »

Comme le but d’Inria est justement de faire émerger des projets numériques innovants pour répondre à des défis sociétaux, un premier partenariat avec Touti Terre est rapidement monté. Grâce au programme Inria Hub, Inria recrute ainsi un ingénieur, à l’époque lié à l’équipe Chroma, pour travailler sur le guidage laser de la machine. Les recherches aboutissent, un brevet est déposé… mais la collaboration entre la PME et Inria ne fait que commencer. « Nous avons eu envie de continuer ensemble car l’esprit du partenariat était très positif, le potentiel d’innovation nous semblait élevé et parce que les nouvelles technologies pour l’agriculture, en particulier numériques, sont en plein essor », explique Philippe Broun. Un deuxième projet est déposé auprès d’Inria Hub, cette fois pour une durée de trois ans, sous la forme d’un programme Inria Innovation Lab. Celui-ci donne naissance à un laboratoire mixte Touti Terre /Inria, nommé Toutirobo 2.

Différentes briques technologiques

L’équipe-projet Inria Pervasive Interaction et l’Equipex Amiqual4Home prennent au sein de celui-ci le relais de Chroma. Et une petite dizaine de personnes avancent ainsi de concert sur différentes briques technologiques. D’abord, le déplacement autonome de Toutilo, d’un point A à un point B, puis de manière plus sophistiquée.

Ensuite, la récolte et la restitution de données.

Le but est d’offrir un outil numérique intégré au véhicule, qui permette la collecte des données sur le terrain afin de faciliter le travail de l’agriculteur 

détaille Stanislaw Borkowski, ingénieur responsable de l’Usine d’innovation (et de prototypage rapide) de l’Equipex Amiqual4Home. Des algorithmes utilisant ces données peuvent par exemple faire des suggestions ou donner des conseils pour la gestion de l’exploitation ou pour la réorganisation des tâches déjà planifiées.

Enfin, l’interaction multimodale, c’est-à-dire la communication avec la machine, par commande vocale notamment, mais également via les feedbacks audio (la machine émet des sons pour indiquer ce qu’elle a compris par exemple). « Avec la télécommande, nous pouvons guider le véhicule de la zone de récolte à l’endroit de stockage. Mais c’est laborieux. Alors que si nous combinons les déplacements autonomes avec la cartographie de l’exploitation et la reconnaissance vocale, c’est beaucoup plus simple », illustre l’ingénieur.

Une démarche centrée sur l’usage

Les recherches ont déjà donné des résultats et le guidage avec caméra est au point. Mais comme le projet Toutirobo 2 s’achève cet été, Inria et Touti Terre ont décidé de passer au niveau supérieur et ont répondu à un appel à projets de la région Rhône-Alpes. L’objectif ? Poursuivre leur collaboration, pour encore au moins trois ans, et terminer les recherches sur la récolte des données et l’interface utilisateur.

En attendant, Toutilo est déjà commercialisé depuis 2017 et les machines vendues (une cinquantaine jusque ici) sont mises à jour au fur et à mesure des avancées d’Inria et de la PME. Les agriculteurs peuvent ainsi choisir les briques logicielles qu’ils souhaitent installer. « Depuis le début, notre démarche est centrée sur l’usage et c’est lui qui conduit les recherches, souligne Flore Lacrouts-Cazenave. Résultat : Toutilo réduit la pénibilité du travail et fait gagner du temps aux agriculteurs. Et tout ça leur permet d’être plus productifs ! »