Medtech

Pulse Audition : permettre aux malentendants de converser dans le bruit

Date:
Mis à jour le 04/10/2023
Grâce à des lunettes auditives dotées d’une intelligence artificielle, les deux porteurs de la future startup Pulse Audition comptent aider les personnes malentendantes à converser en environnement bruyant et à garder une vie sociale active. Ce projet MedTech est hébergé par Inria Startup Studio.
Photo floue oreille de Laurie Barbarin avec reflet
© Inria / Photo B. Fourrier

Des lunettes auditives intelligentes pour capter les conversations

Être malentendant, ce n’est pas être sourd, mais subir une baisse d’audition qui se manifeste par divers signes : difficulté à échanger par téléphone, à entendre la sonnerie de la porte d’entrée, le chant des oiseaux ou le bruit d’une voiture qui approche… mais aussi incapacité à suivre une conversation dans l’environnement bruyant d’une rue à fort trafic, d’un grand magasin ou d’une soirée festive. 430 millions de personnes dans le monde sont concernées, dont moins de 20% sont appareillées avec des prothèses auditives.

Le projet Pulse Audition, récompensé en 2021 par un Grand Prix au concours d’innovation i-PhD, ne se place pas en concurrence des cinq acteurs qui dominent ce marché. « Nous visons uniquement les situations en environnement bruyant, très pénibles pour les personnes malentendantes, explique Manuel Pariente, l’un des porteurs du projet Pulse Audition, qui a commencé à développer la technologie au cours d’une thèse dans l’équipe projet Multispeech Inria/Loria (Inria Nancy – Grand Est). Leurs amis ou proches sont présents, mais la communication est très difficile ; ils sont frustrés, tristes, se mettent en retrait voire décident de ne pas venir du tout. »

6

millions de personnes malentendantes en France

17%

des personnes malentendantes sont appareillées dans le monde

23%

d'Européens appareillés

10%

seulement de personnes malentendantes appareillées en Afrique

« Notre priorité : la qualité de vie des malentendants »

Manuel Pariente et son futur associé Thibaud Moufle-Milot en ont fait l’expérience lors de fêtes de famille. « J’étais assis à côté de mon grand-père, je me tournais vers lui pour lui parler, mais il ne me comprenait pas, raconte par exemple Thibaud. Ou alors il fallait que je demande à tout le monde de faire silence. »

Ces souvenirs ont inspiré pour partie Pulse Audition, qui devrait se traduire avant la fin 2022 par la création d’une startup MedTech. Permettre à des individus malentendants de converser dans le bruit, c’est les réintégrer dans les interactions sociales qui font le sel de l’existence.

Verbatim

Nous pourrions cibler des applications dans l’industrie, la sécurité ou la défense. Mais notre seule priorité, c’est la qualité de vie des malentendants. 

Auteur

Manuel Pariente

Poste

Co-fondateur de la startup Pulse Audition

De l’intelligence artificielle pour cartographier l’espace sonore

Alors, que proposent les futurs créateurs ? Des lunettes d’apparence ordinaire, mais équipées de micros qui capturent le son à 360°, de capteurs qui détectent l’orientation du visage et d’une transmission du son par conduction osseuse, via les branches de lunettes : le conduit auditif reste libre.

Invisibles, mais essentiels, des logiciels d’intelligence artificielle et de traitement du signal enregistrent tous les sons et cartographient la « "scène auditive" : qui parle, depuis où, à quelle distance, à quel moment ? Cette cartographie est croisée avec l’orientation du visage pour déterminer la conversation que le porteur des lunettes veut suivre. Celle-ci est alors "nettoyée" des bruits, échos, réverbérations, etc. pour parvenir à l’auditeur avec une netteté optimale.

Les créateurs : un chercheur en informatique et un ingénieur MedTech

Pour mettre au point ce "rehaussement de la parole" – terme consacré des experts du sujet – il a fallu développer et intégrer pendant trois ans des outils d’intelligence artificielle, de traitement du signal et des statistiques bayésiennes (approche reposant sur des déductions issues de l’observation réelle). Le traitement du signal est multicanal, puisque les lunettes sont équipées de plusieurs micros. Le dispositif doit atteindre un temps de latence (décalage entre le son entrant et le son amplifié) inférieur à 10 millisecondes, afin d’être au niveau des prothèses commerciales et d’éviter toute gêne pour l’utilisateur. « Au-delà de 15 millisecondes, ce décalage deviendrait perceptible, ce qui serait extrêmement perturbant » explique Manuel Pariente.

Malgré ces avancées, les deux porteurs de projets tablent encore sur plusieurs années de travaux pour mettre au point leur produit, en s’appuyant sur leurs complémentarités. Manuel Pariente est chercheur en informatique ; Thibaud Moufle-Milot, son ami de lycée, est ingénieur en MedTech et Business Developer. Il apporte à l’aventure son expérience de l’entrepreneuriat : « Il faut comprendre le marché qui se segmente en différents troubles auditifs et profils de patients, équipés ou non, souligne-t-il. Il faut concevoir les lunettes proprement dites, ce qui relève d’autres compétences que l’informatique. Il faut embarquer les logiciels, les capteurs et la batterie dans les lunettes, assez discrètement pour que celles-ci ressemblent à des lunettes de vue… »

Lancement de la startup en octobre 2022

Plus important encore, Pulse Audition doit se confronter aux retours des utilisateurs potentiels. Arriveront-ils enfin à entendre la conversation qui les intéresse ? Que penseront-ils de la qualité du son restitué ? En environnement bruyant, percevront-ils une nette différence avec les meilleures prothèses du marché ?

Verbatim

Nous prenons actuellement contact avec des services hospitaliers de CHU et avec les pôles de compétitivité de Provence-Alpes-Côte d’Azur. L’objectif est de recueillir beaucoup de retours, puis d’améliorer notre solution par itérations pour la rendre la plus performante et la plus satisfaisante possibles pour les utilisateurs. 

Auteur

Thibaud Moufle-Milot

Poste

Co-fondateur de la startup Pulse Audition

La startup devrait officiellement voir le jour en octobre 2022, peu après sa sortie d’Inria Startup Studio où elle a été hébergée, accompagnée et soutenue financièrement pendant un an. « Ces douze mois nous ont donné la confiance nécessaire pour nous lancer et la sécurité pour le faire », se félicite Manuel Pariente. « Au lieu de nous précipiter pour créer, nous avons eu le temps d’avancer, de faire des erreurs et d’en tirer des enseignements », précise Thibaud Moufle-Milot. Difficile à ce stade de connaître la date de commercialisation des lunettes auditives : « Pas en 2023, ce serait prématuré ; mais dans moins de trois ans, c’est certain. » Affaire à suivre…