Perception

Réalité virtuelle : quel rôle dans le sport de haut niveau ?

Date:
Mis à jour le 17/04/2024
Les fédérations sportives, longtemps sceptiques face à l’arrivée de la réalité virtuelle dans leur domaine, s’intéressent désormais de très près aux avantages de cette technologie dans le cadre de l’entraînement des athlètes.
VR et sport
© Inria / Photo C. Morel

 

Avec des programmes d’entraînement sophistiqués, une alimentation sur mesure et des entraîneurs toujours plus spécialisés, les athlètes de la dernière décennie semblent toujours plus forts, plus rapides, plus performants, brisant sur leur passage tous les records de leurs prédécesseurs.

Pourtant, les sportifs professionnels actuels semblent finalement rencontrer, pour de nombreuses disciplines, les limites de ce que leur corps et leur mental seraient capables de réaliser comme performances. Les innovations technologiques seraient ainsi, dorénavant, les principaux facteurs qui permettraient de nouvelles améliorations.

La réalité virtuelle, nouveau bras droit des entraîneurs sportifs ?

Parmi les technologies ayant le potentiel d’améliorer considérablement la préparation physique et mentale des athlètes : la réalité virtuelle, qui a profité cette dernière décennie d’avancées significatives. Ses progrès fulgurants notamment dans le développement d'environnements virtuels 3D et 360 degrés, offrent aux sportifs la possibilité de s’entraîner différemment, en complément de leur pratique traditionnelle.  

« L’une des plus grosses difficultés auxquelles sont confrontés les entraîneurs est d’identifier un certain nombre de sous-compétences que les sportifs doivent développer, comme l’intelligence du jeu, l’anticipation ou encore les réflexes », explique Franck Multon, responsable de l’équipe-projet MimeTIC, avant de préciser : « Dans le domaine du football, par exemple, un gardien de but doit avoir une bonne détente verticale ou horizontale, une résistance à l’effort, mais aussi une bonne connaissance de la stratégie du jeu, une capacité à réagir rapidement et à anticiper. La difficulté, c’est qu’il va lui falloir mobiliser toutes ces compétences en même temps lors d’un arrêt de but ».

La réalité virtuelle va ainsi permettre de "tricher" avec l’environnement, d’isoler les sous-compétences dont le sportif va avoir besoin pour exceller afin de les entraîner individuellement. Un véritable atout pour les athlètes, qui peuvent ainsi répéter certains mouvements isolément, dans un environnement le plus réaliste possible, tout en minimisant le risque de blessure.

Boxeurs et réalité virtuelle
@MimeTIC

Toutes les disciplines concernées

Une technologie qui a le potentiel de s’appliquer à tous les sports et qui, si elle intéresse depuis peu les fédérations, a attisé l’intérêt des chercheurs depuis plusieurs années déjà. « On a commencé à travailler sur la réalité virtuelle dans le sport il y a près de vingt ans. Au départ ce n’était pas facile, les sportifs et entraîneurs ne voyaient pas ce que cela pouvait leur apporter, et notre matériel n’était pas ce qu’il est aujourd’hui. On a commencé à travailler avec des gens qui avaient déjà une sensibilité technologique mais on a quand même dû montrer patte blanche », raconte Franck Multon, avant d’ajouter : « Aujourd’hui on est sursollicités, mais il reste quelques réfractaires dans le domaine sportif ».

Les applications de la réalité virtuelle dans les différents sports sont aujourd’hui nombreuses. En danse, par exemple, il est difficile de reproduire les sensations du danseur, mais la réalité virtuelle permet de travailler sur un pas technique avec un coach virtuel en miroir ou en superposition. En tir à l’arc, l’idée est d’immerger les sportifs dans un environnementdans lequel le public est agressif, afin de les préparer à subir ces stress-là lors des compétitions, et ainsi s’y préparer. En athlétisme, la réalité virtuelle permet de travailler, entre autres, sur le passage de témoin au relais sans pour autant s’épuiser, en faisant travailler les coureurs sur la coordination en leur donnant les indicateurs dans l’environnement qui peuvent leur donner un point de départ. Dernière illustration en football, où la technologie permet aux gardiens d’apprendre à lire les informations dans le geste de l’attaquant pour anticiper la trajectoire de la balle.

Chez Inria, une équipe en particulier travaille au quotidien sur les applications de la réalité virtuelle dans le domaine du sport : MimeTIC, basée au centre Inria Rennes Bretagne - Atlantique. L’équipe collabore par ailleurs depuis plusieurs années déjà aux côtés du Stade Rennais : « On a développé un serious game en réalité virtuelle, dans lequel on apprend de manière recontextualisée au gardien de but comment anticiper les mouvements des joueurs, en suivant des cibles de couleur qui bougent dans tous les sens. Les joueurs passent régulièrement, ça fait partie de leur routine », raconte Franck Multon. Des travaux réalisés de concert avec des spécialistes des sciences du sport, à commencer par le laboratoire M2S (Université Rennes2 et ENS Rennes), mais qui s’appuient également sur des plateformes technologiques uniques en Europe comme ImmerStar (Rennes), un espace collaboratif immersif qui comprend des salles de grande dimension.

JO 2024 : les chercheurs Inria impliqués dans la préparation des sportifs

Dans le cadre d'un appel à projets du PAI (Programme d'investissements d'avenir "Sport de très haute performance", des chercheurs et chercheuses d’Inria participent à trois projets interdisciplinaires visant à développer des outils d’aide à l’amélioration des performances sportives de haut niveau à l’horizon des Jeux olympiques et paralympiques 2024.

Parmi les projets retenus, Revea, porté notamment par l’équipe MimeTIC, utilise la réalité virtuelle pour compléter l’entraînement d’un athlète. En boxe par exemple, l’outil permet de travailler l’anticipation des attaques de l’adversaire, sans avoir à subir les coups d’un entraînement réel.

Des limites à gommer, progressivement

Pour que la réalité virtuelle puisse occuper pleinement la place qu’elle mérite dans le secteur sportif, certains obstacles restent encore à franchir. À commencer par les limites techniques imposées par la technologie elle-même. Certaines problématiques relatives au domaine sportif ne peuvent aujourd’hui en effet pas être abordées du fait des contraintes imposées par le port du casque, qui ne permet pas de se déplacer à l’infini et d’avoir une vision exacte de la réalité. Quoi qu’il en soit, Franck Multon met en garde : « L’erreur classique en réalité virtuelle c’est de vouloir recopier la réalité, alors que la simulation n’est pas et ne sera jamais aussi développée ». Par contre la réalité virtuelle apporte de nouveaux paradigmes, pouvant ainsi tricher avec les lois de la physique, ou modifier les perceptions de l’utilisateur.

Une autre problématique à laquelle est aujourd’hui confrontée la réalité virtuelle est la mise en condition du sportif avant un entrainement en réalité virtuelle. En d’autres mots : une expérience en réalité virtuelle avec un sujet qui n’a pas été préparé à s’immerger dans l’expérience échouera, même avec le meilleur système du monde. « Quand quelqu’un joue à un jeu vidéo de pilotage de voiture, on estime que l’expérience est réussie à partir du moment où celui-ci se penche dans les virages dans son canapé, parce qu’il anticipe les virages », indique Franck Multon.

Des méthodes et des protocoles existent aujourd’hui pour maximiser les chances d’immerger le sportif dans son expérience en réalité virtuelle, en l’incarnant par exemple dans un avatar, en lui apprenant à manipuler son environnement, ou en préparant le cerveau à ce même environnement. Les casques, eux, s’améliorent progressivement en s’allégeant et en promettant des latences réduites, pour faciliter cette expérience.

Des évolutions qui promettent de belles perspectives pour la réalité virtuelle dans le domaine, dans les prochaines années.