Prix Inria

L'intelligence artificielle de PlantNet au service de la biodiversité

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Mis à jour le 26/11/2021
Cette année, le Prix de l'innovation Inria – Académie des sciences – Dassault Systèmes est décerné au projet interdisciplinaire PlantNet. Une récompense qui vient couronner dix ans de recherches au service de la biodiversité : cette plate-forme collaborative, basée sur le deep learning, est aujourd'hui utilisée par une dizaine de millions de personnes pour l'identification de plantes.
Pl@ntNet Prix Inria 2020
© Inria / Photo G. Scagnelli

Inventorier la biodiversité

PlantNet. Dans le nom déjà, presque tout est dit : ce projet interdisciplinaire allie botanique et informatique. Il est d'ailleurs né de la rencontre de deux équipes, chacune spécialiste de l'un des sujets (voir encadré). En quoi consiste-t-il exactement ? En la création d'une plate-forme collaborative d'identification des plantes. «Au lancement de PlantNet, il y a dix ans, il s’agissait d'un projet de recherche très théorique visant à utiliser des techniques de reconnaissance d'images dans une optique d'inventaire de la biodiversité », retrace Alexis Joly, coresponsable du projet. Ce chercheur Inria et Pierre Bonnet, son alter ego au Cirad (Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement), en sont les deux moteurs... et ont démarré avec les moyens du bord : « Nous nous sommes notamment appuyés sur des feuilles de plantes scannées, se souvient le scientifique. Au départ, nous n'envisagions même pas d'application mobile, car cela se faisait très peu, mais seulement une version site web. »

De la graine au fruit : le mûrissement d'un projet commun

En 2009, pour répondre à un appel à projet d'Agropolis Fondation, le laboratoire Amap (Botanique et modélisation de l'architecture des plantes et des végétations) du Cirad, à Montpellier, se tourne vers l'équipe Imedia d'Inria. Sous la tutelle d'Inria, du Cirad, de l'IRD (Institut de recherche pour le développement) et de l'Inrae (Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement), la collaboration s'enclenche : PlantNet est né. L'histoire continue aujourd'hui entre l'équipe Amap et l'équipe Zenith, d'Inria Sophia-Antipolis, qu'a rejointe Alexis Joly en 2011.

Des algorithmes pour la recherche de similarités

Cependant, au cours du premier projet de R&D, entre 2010 et 2014, d'autres collaborateurs viennent renforcer l’équipe. Hervé Goëau, chercheur Cirad en science des données, lui aussi présent dès le départ, est ainsi rejoint par trois ingénieurs Inria : Julien Champ et Antoine Affouard, en 2012, puis Jean-Christophe Lombardo, en 2014. Et les recherches avancent. « Nous avons beaucoup travaillé sur les algorithmes de reconnaissance d'image et en particulier sur la recherche de similarités, précise Alexis Joly. Celle-ci permet non seulement de prédire le nom de la plante, mais de présenter aussi les espèces qui lui ressemblent le plus. Elle implique donc l'utilisateur dans la boucle, car celui-ci choisit la bonne plante parmi celles qui lui sont présentées. Ce qui permet à l'algorithme de s'améliorer encore. »

Un moment de doute

« Lorsque nous avons sorti la première version de l'application mobile, elle a fait du bruit médiatiquement, mais les performances n'étaient pas au rendez-vous et beaucoup de botanistes n'étaient pas du tout convaincus, raconte Alexis Joly. Heureusement, il y a eu une communauté de gens à comprendre qu'en partageant leurs images, ils amélioreraient l'apprentissage de l'algorithme. Aujourd'hui, les botanistes se sont approprié l'outil et sont nos premiers utilisateurs ! » - Alexis Joly

Une innovation majeure dont les concurrents de PlantNet ne bénéficient pas. La tâche est fastidieuse au démarrage mais en 2015, le deep learning vient faciliter le travail des chercheurs. « Nous avons alors été dans les premiers à développer l'identification des plantes à une telle échelle en répertoriant 8 900 espèces », se félicite Alexis Joly.

L’application à l’épreuve du grand public

2015 marque aussi l'année où PlantNet prend une nouvelle ampleur : le projet obtient un financement de quatre ans via l'initiative Floris'Tic, financée par le programme gouvernemental d’investissements d'avenir, et inclut dorénavant un volet éducation. L'application mobile, lancée en 2013 à destination des botanistes, s'ouvre ainsi au grand public. À présent, n'importe qui peut télécharger l'application, prendre une plante en photo, obtenir une liste d'espèces susceptibles de correspondre à cette plante et « voter » pour celle qui lui semble la bonne. PlantNet peut ainsi servir à l'enseignement et à la sensibilisation, à l'agroécologie, pour l'identification d’auxiliaires de culture par exemple ou encore pour le repérage précoce des plantes invasives.

« Nous avons donc particulièrement travaillé sur la validation des données, poursuit le coresponsable de PlantNet. Car dans une plate-forme collaborative comme la nôtre, les utilisateurs participent à la détermination des plantes via leur vote et il faut que l'algorithme prenne des décisions par rapport à ces votes : quelle valeur leur donner ? Comment les prendre en compte ? »

Visionner l'interview de PlantNet

Un serious game pour la validation des données

Pour creuser ce sujet délicat, l'équipe développe un jeu sérieux, ou serious game en anglais, nommé ThePlantGame. Celui-ci présente par exemple aux joueurs une espèce A et leur demande s'il s'agit de l'espèce A, B ou C. « En analysant les échecs et succès d'identification, l'algorithme va pouvoir dresser une sorte de profil de compétences et, en fonction de celui-ci, accorder plus ou moins de poids à tel ou tel vote », explique Alexis Joly.

PlantNet en 5 dates :

2011 : première version web

2013 : première application mobile

2015 : intégration du deep learning

2018 : première étude en écologie utilisant des données PlantNet

2020 : intégration des données PlantNet au GBIF (Global Biodiversity Information Facility) et Prix de l’innovation Inria – Académie des sciences – Dassault Systèmes

Autant d'enseignements qui permettent de faire progresser PlantNet. L'application devient ainsi un outil fiable, reconnu… et le nombre d’utilisateurs explose. « Quand nous avons dépassé les 100 000 téléchargements, cela nous a déjà paru incroyable !, se remémore Alexis Joly. Nous en sommes à 20 millions depuis 2013. Et au printemps cette année, nous sommes montés à environ 500 000 utilisateurs par jour. Tous les ans, ce chiffre est multiplié par deux. Et on se demande jusqu'où cela va aller ! » Les données intégrées à l’application augmentent en parallèle et concernent à présent 27 909 espèces de plantes.

Faire de PlantNet un outil de prédiction

L'équipe ne compte donc pas s'arrêter en si bon chemin. Depuis 2019, PlantNet est devenu un consortium InriaSoft et les recherches se poursuivent. « Nous étudions par exemple les biais d'échantillonnage de nos données, détaille Alexis Joly. Celles-ci sont récoltées par des utilisateurs qui sont majoritairement des urbains... donc nous avons une surreprésentation de certaines espèces dans ce milieu. Nous cherchons alors à faire des modèles de distribution des plantes qui ne soient pas biaisés. »

Autres pistes de recherche : utiliser le deep learning pour apprendre les préférences environnementales des végétaux et prédire où telle plante pousse probablement. Et mettre au point une version embarquée « hors connexion » de l'application.

Enfin, depuis cette année, les observations les plus fiables de PlantNet sont intégrées à la base de données du GBIF (Global Biodiversity Information Facility), qui vise à fournir à tous et partout un accès libre aux données sur toutes les formes de vie sur Terre. « Nous sommes les premiers à y intégrer des données provenant de l'intelligence artificielle, annonce Alexis Joly. C'est une reconnaissance importante de la performance de notre application. » Un succès auquel s'ajoute aujourd'hui le Prix de l’innovation Inria – Académie des sciences – Dassault Systèmes.

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