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Les aventures de Stéphane Cotin, acteur de l'innovation médicale

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Mis à jour le 26/07/2021
Des simulateurs de chirurgie aux masques de plongée pour les patients atteints de Covid-19, du campus de Harvard à l'IHU de Strasbourg ; des laboratoires de recherche Inria au monde des startups, le parcours de Stéphane Cotin est une série de cycles couronnés de succès. Retour sur la trajectoire du directeur de l'équipe MIMESIS, ambassadeur Inria expert de la simulation médicale.
Stéphane Cotin dans un bloc opératoire
©Damien Fournier Perret / Stéphane Cotin

 

Au printemps de l'année 2020, les services de réanimation de l'hôpital civil de Strasbourg sont durement éprouvés par la pandémie de COVID-19, c'est un défi lancé à la réactivité des médecins et des scientifiques. Pour faire face à la pénurie d'appareils respiratoires, une équipe de recherche italienne prend l'initiative d'adapter les masques de plongée vendus par Decathlon aux standards et besoins hospitaliers. À Strasbourg, en moins d'une semaine, l'équipe MIMESIS adapte et améliore ce concept, met en place une chaîne de production pour des valves de raccord et fait valider l'efficacité du dispositif par les médecins. À la manœuvre, Stéphane Cotin, directeur de cette équipe Inria. Voilà un peu plus de 20 ans que ce chercheur reconnu et récompensé (prix de l'Innovation Inria – Académie des sciences – Dassault Systèmes 2018) fait bouger les lignes entre la recherche scientifique et la pratique médicale.

En 1997, alors jeune docteur en informatique à l'université de Nice, Stéphane Cotin vient de soutenir une thèse sur les modèles anatomiques déformables en temps réel. Les recherches en simulation médicale en sont à leurs balbutiements et le jeune chercheur est l'un des pionniers de ce nouveau territoire entre informatique et médecine. Après ce brillant doctorat, Stéphane Cotin doit choisir entre rester dans le monde académique et diversifier ses connaissances ou conduire plus loin et ailleurs cette recherche. Il choisit de partir dans d'autres sphères. Poussé par une « envie d'aller vers du concret, de ne pas lâcher si vite ses résultats », Stéphane Cotin s'installe à Cambridge où il rejoint une startup d'une demi-douzaine de personnes réunies autour d'un projet de simulateur destiné à la formation des cardiologues. L'entreprise échoue à se pérenniser et rend incertain l'avenir du jeune entrepreneur en biotechnologie. Une rencontre avec un expert médical l'encouragera alors à revenir vers la recherche, et à poursuivre l'aventure « dans un environnement exceptionnel », vers la côte Est des États-Unis entre le campus de Harvard et les laboratoires du MIT.

 

 « La médecine a davantage changé en quelques décennies qu'en plusieurs siècles. »

 

Stéphane Cotin dit avoir souvent l'impression que les choses n'avancent pas assez vite mais il reconnaît pourtant que ses rêves les plus fous de jeune chercheur se sont tous réalisés, « ou presque ». Selon lui, avec les progrès en imagerie, en modélisation et en robotique, « la médecine a davantage changé en quelques décennies qu'en plusieurs siècles ». Si l'assistance peropératoire (la chirurgie robotique par exemple) en est encore à ses premiers développements, les simulateurs destinés à la formation des médecins et l'imagerie médicale sont en revanche devenus incontournables. Stéphane Cotin et ses confrères sont les cartographes de cette zone d'interface avec la médecine. Ils guident en temps réel, prédisent et anticipent la trajectoire des chirurgiens dans leur travail opératoire. Depuis les années 1990, Stéphane Cotin est pris de passion pour des recherches qui l'amènent à influencer les interventions médicales et à produire des résultats concrets et visibles sur la santé des patients.

 

C'est cette passion et une expertise dans la modélisation et la simulation médicale qui ont convaincu le professeur Jacques Marescaux, pionnier et acteur émérite de la téléchirurgie et des opérations mini-invasives, d'appeler Stéphane Cotin à participer au projet d'institut hospitalo-universitaire de Strasbourg. C'était au début des années 2010, quelques années après son retour en France, dans le centre Inria de Lille. Après huit ans passés à Boston, Stéphane Cotin « recommençait alors une nouvelle aventure ». Il conditionne son arrivée à Lille à la mise en place de ce qui est devenu la plate-forme SOFA (imaginée sur un canapé). Inria l'a soutenu dans le développement de cette vaste bibliothèque de codes en open source utilisée par les universitaires et les industriels. Aujourd'hui, SOFA est une précieuse ressource laissée en accès libre (sauf pour les codes les plus « stratégiques ») qui contribue à valoriser le travail des chercheurs Inria et à créer de nombreux ponts avec le secteur privé. C'est avec SOFA, avec ses codes, ses technologies et ses compagnons d'aventures lillois que Stéphane Cotin entame son nouveau cycle strasbourgeois.

 

En 2013, en même temps qu'il importe les savoir-faire d'Inria dans l'équipe MIMESIS intégrée à l'IHU de Strasbourg, Stéphane Cotin fonde InSimo, startup centrée sur la simulation médicale. La jeune pousse est rapidement repérée par la fondation américaine HelpMeSee qui lui offre un « défi complètement fou » en lui confiant d'importants moyens pour produire un simulateur destiné à former les chirurgiens à l'opération de la cataracte. Le simulateur a été livré avec succès en 2020 et la startup échafaude déjà de nouveaux projets. Stéphane Cotin partage aujourd'hui son temps entre InSimo et l'équipe MIMESIS. Il collabore également avec l’hôpital Paul Brousse sur le projet HECTOR, enfant de SOFA qui dotera un jour les chirurgiens d'une technologie de réalité augmentée permettant de visualiser l'anatomie interne d'un organe pendant une opération. Ces travaux s'inscrivent dans un partenariat signé en 2019 entre Inria et l'IHU de Strasbourg, pôle d'excellence au sein duquel Stéphane Cotin a encore « beaucoup de belles choses à faire ».