Intelligence artificielle

Lab IA : Inria au service de l’État pour sa transformation numérique

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Mis à jour le 14/06/2022
Les services publics de l’État doivent se convertir au numérique… mais il leur faut pour cela des outils adaptés à leurs besoins. C’est tout l’objectif du Lab IA, qui vise à faire entrer la datascience et l’intelligence artificielle dans l’administration, afin d’offrir de nouvelles possibilités de travail aux agents et de nouvelles fonctionnalités aux usagers.
Illustration IA
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La recherche, alliée indispensable de la transition numérique des administrations

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© Inria / Photo S. Erôme - Signatures

Accompagner au mieux les administrations françaises dans leur transition numérique et leur modernisation par l’intelligence artificielle. Voilà l’un des objectifs que s’est fixés la Dinum (Direction interministérielle du numérique). Pour y parvenir, celle-ci a lancé en 2018 un premier appel à manifestations d’intérêt (AMI) à destination des administrations, centralisées ou non.

L’idée : financer la mise en place d’outils numériques ou d’intelligence artificielle répondant à un besoin particulier. Le problème : certaines demandes nécessitaient une véritable recherche scientifique et n’ont donc pu trouver leurs réponses dans les solutions déjà disponibles sur le marché. Le remède : faire entrer en jeu Inria afin d’apporter une expertise en recherche supplémentaire.

Et c’est ainsi qu’est né le Lab IA, début 2019.  « Ce dispositif est en fait un ensemble de personnes et d’efforts qui visent à faire adopter l’IA à différents niveaux, afin de faciliter la vie des citoyens et des agents des services publics », résume Ioana Manolescu, directrice scientifique du Lab IA.

Miser sur la faisabilité des projets 

Concrètement, Inria participe aux côtés de la Dinum et de la Direction interministérielle de transformation de l’action publique (DITP) à la sélection des dossiers déposés lors de l’AMI. Dans ceux-ci, les administrations décrivent de façon détaillée les données dont elles disposent, ce qu’elles aimeraient en faire et l’impact attendu. « Notre premier critère est la faisabilité du projet car le financement, de 100 000 euros environ par dossier, est attribué pour un an seulement, ce qui est très court pour de la recherche, précise Ioana Manolescu. Nous prenons bien sûr également en compte l’intérêt du projet et le fait qu’il apportera une solution en plus de celles existant déjà sur le marché. »

Durant tout ce processus, la directrice scientifique du Lab IA garde en tête les équipes Inria qui pourraient répondre à tel ou tel besoin. « Je suis entrée à l’institut en 1997 lors de mon stage de master 1… et j’y suis restée depuis. Je connais donc bien la structure !, raconte-t-elle. J’ai en outre été membre pendant plusieurs années de la commission d’évaluation d’Inria, qui contribue à l’évaluation des chercheuses, chercheurs et équipes. Ce qui permet d’avoir une vue d’ensemble des activités et thématiques de l’institut. » En se basant sur les rapports d’activité annuels des 200 équipes-projets d’Inria, Ioana Manolescu garde ses connaissances à jour.

Portrait de Robin Reynaud

Robin Reynaud, chef de projet du Lab IA à la Dinum et qui travaille en collaboration étroite avec Ioana Manolescu, vient de son côté de réaliser une cartographie des équipes Inria pour avoir une vision exacte et actualisée de leurs sujets de recherche. Un outil précieux pour faire le lien entre les équipes et les demandes des administrations.

« À travers les projets du Lab IA, nous mettons en relation des chercheurs d’Inria avec des datascientists de l’administration afin que ces derniers bénéficient de techniques innovantes à la pointe de l’état de l’art. »

Objectif : une preuve de concept en open source

« Lorsque les dossiers sont sélectionnés, nous les classons par degré de maturité technologique, détaille Ioana Manolescu. Ceux qui sont bien avancés sont confiés à des entreprises. Ceux qui relèvent de la recherche viennent chez Inria. » En 2019, sur les quinze projets sélectionnés, quatre (dont trois sont en cours ; voir encadrés) ont ainsi donné lieu à une convention de collaboration avec Inria : la Dinum finance l’emploi d’un postdoc ou d’un ingénieur, accueilli dans une équipe Inria pour répondre aux besoins du porteur de projet. « Inria met de son côté à disposition 20% de mon temps de travail, 50% de celui de ma collègue Oana Balalau et le temps des chercheurs qui encadreront le nouvel arrivant lors du projet », poursuit Ioana Manolescu.

L’objectif au terme de cette année de collaboration est d’obtenir une preuve de concept.  Libre ensuite à l’administration de passer à la production industrielle en interne ou en recrutant des entreprises privées… ou encore de repostuler à l’AMI suivant pour approfondir le sujet. « Ce qui est important, c’est que tout ce qui est créé dans le cadre du Lab IA est en open source et donc réutilisable par tout un chacun, insiste la directrice scientifique. Nous faisons ainsi émerger des briques technologiques qui peuvent servir ensuite dans d’autres administrations ou pour d’autres applications. »

Des résultats à large impact

En parallèle, Inria monte aussi des conventions de stage avec des administrations pour des projets moins exigeants ou plus en amont de la recherche, lorsqu’il faut déjà affiner un peu les besoins avant de postuler à l’AMI. Oana Balalau encadre ainsi trois stages qui commenceront au deuxième trimestre 2021. « Le Lab IA est intéressant pour chacun : pour la Dinum et les administrations bien sûr, mais aussi pour les chercheurs d’Inria, qui peuvent travailler sur des données réelles et avoir des résultats à large impact », se félicite Ioana Manolescu. En 2020, crise sanitaire oblige, l’AMI n’a pas pu avoir lieu mais il sera reconduit cette année… avec, espérons-le, au moins autant de beaux projets qu’en 2019.

Découvrez les projets pilotés par le Lab IA

Illustration croûte terrestre

Suivre les mouvements de la croûte terrestre

En partenariat avec l'IGN

« L’Institut national de l’information géographique et forestière – IGN – est un institut de référence au niveau international qui produit une information géographique d’excellente qualité, souligne Ioana Manolescu. Il est en outre chargé de construire à l’échelle mondiale un référentiel de position de la croûte terrestre. » Pour cela, l’IGN dispose de capteurs, implantés un peu partout sur la planète à des endroits stratégiques et qui détectent justement les mouvements de sa surface.

« Ces capteurs permettent d’obtenir une série temporelle avec des données réceptionnées sur des dizaines d’années », précise Ioana Manolescu. La difficulté étant de pouvoir interpréter correctement ces données, c’est-à-dire d’en exclure les anomalies. Celles-ci peuvent être causées par des tremblements de terre, des changements de capteurs… ou le passage d’une vache cognant dans l’un d’entre eux. Le projet mené par l’équipe Zenith, d’Inria Sophia Antipolis – Méditerranée, vise ainsi à utiliser l’IA pour identifier ces anomalies et nettoyer les séries de données afin de pouvoir interpréter correctement les signaux des capteurs… et donc les mouvements de la croûte terrestre.

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Illustration symbolisant la justice : balance et marteau

Que la justice soit la même pour tous

Il existe en France six chambres de la cour de cassation, qui chacune rendent leurs jugements. Régulièrement, les magistrats des différentes chambres se retrouvent pour identifier et remédier aux divergences de jurisprudence, afin de s’assurer que le droit soit le même pour tous sur l’ensemble du territoire.

Un travail fastidieux, qui pourrait profiter de l’aide apportée par l’intelligence artificielle. Le projet retenu dans le cadre du Lab IA vise ainsi à mettre au point un outil numérique de traitement du langage naturel qui sache reconnaître les caractéristiques communes entre les dossiers des différentes cours.

Il permettra d’attirer l’attention des magistrats sur ces convergences et d’assurer finalement l’harmonisation des jugements. Un défi que s’attache à relever l’équipe Almanach, d’Inria Paris.

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Bulles dans de l'eau

Cartographier le fond des océans

En partenariat avec le Service hydrographique et océanographique de la Marine

Connaître le relief au fond des océans et les éventuels obstacles qui s’y trouvent est un enjeu majeur pour la navigation et pour l’aménagement du territoire. C’est pourquoi le Shom (Service hydrographique et océanographique de la Marine) a notamment pour mission de cartographier en 3D le fond des mers.

Pour y parvenir, l’organisme fait appel à des avions, qui envoient des rayons laser en direction de l’eau. À l’instar d’un radar, qui capte les ondes renvoyées par les objets, ces avions détectent le retour du rayon une fois qu’il a touché le fond de l’eau. Le souci est que l’océan n’est pas vide ! « Le rayon peut se refléter sur un poisson, des algues, de la boue soulevée sur le fond, etc., illustre Ioana Manolescu. Le signal récupéré par l’avion est donc bruité. » Il correspond plutôt à un nuage de points, qu’il faut nettoyer pour savoir où se situe vraiment la surface du fond marin.

C’est à cette clarification que va s’atteler l’équipe DataShape, commune aux centres Inria Sophia Antipolis – Méditerranée et Inria Saclay – Île-de-France. L’objectif : apprendre à un outil d’intelligence artificielle à différencier le bruit de la donnée réelle et pouvoir ensuite utiliser le dispositif  pour nettoyer automatiquement le signal. Une entreprise s’y était déjà essayée sans succès. À Inria de relever le défi.

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