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Inria Startup Studio : quel bilan trois ans après sa création ?

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Mis à jour le 11/07/2023
Inria Startup Studio posera ses valises du 14 au 17 juin prochain à Viva Technology, l’un des plus grands événements européens dédiés aux startups et à l’innovation. L’occasion pour Sophie Pellat, qui partage la direction du Startup Studio avec Hervé Lebret, de revenir sur les premières années du dispositif et la feuille de route de l’année à venir.
ISS
© Inria / Photo R. de Benguy

Dans quel cadre Inria Startup Studio a-t-il été créé en septembre 2019 ?

Le Startup Studio a été créé pour permettre à des scientifiques souhaitant devenir entrepreneurs de faire le premier pas en étant financés et soutenus par un environnement propice au sein d’Inria. Il est l’outil successeur des outils mobilisés par Inria depuis près de 30 ans pour soutenir cette action d’impact que réalisent les projets de startups. Il est inspiré de la philosophie entrepreneuriale développée au fil des années dans l’institut et se focalise sur l’élan entrepreneurial plutôt que sur l’actif technologique développé antérieurement.

Ce parti pris est lié à la spécificité de la propriété intellectuelle dans le numérique, au savoir-faire et aux possibles dont sont porteurs les scientifiques même s’il a peu ou pas de ligne de code à transférer (ex : IA) et enfin à la nécessité de construire un produit et de le proposer sur un marché pour espérer avoir un impact. 2019 était une année particulièrement propice à cela par la conjugaison d’un intense financement de la Deeptech par l’État français et par la montée en puissance d’une génération désireuse de se construire son propre avenir.

Quelles ont été les priorités d’Inria Startup Studio, depuis sa création ?

L’enjeu de ces trois années a été de construire l’objet Startup Studio et de lancer un nombre conséquent de projets dans le même temps. Construire le Startup Studio veut dire poser une philosophie, définir un programme en conséquence, mettre en place l’organisation et la ligne métier qui permettent la mise en œuvre de façon homogène dans tous les centres Inria. Cela veut dire aussi apporter une visibilité pour le dispositif auprès du monde académique, des écosystèmes de l’innovation, des investisseurs et des réseaux d’entrepreneurs. Et bien entendu soutenir des projets.

Notre mission était de changer d’échelle dans le soutien d’Inria aux projets Deeptech pour atteindre une capacité en volume de fonctionnement qui permette de donner une chance à un maximum de projets répondant à nos critères.

Quel regard portez-vous sur ces trois premières années d’activité ?

Un rush de trois ans ! Intense, créatif, complexe, avec de l’exploration et de la prise de risque. Avec des débats de fond, des échanges tous les mois avec toute la ligne métier (chargé des partenariats et des projets d'innovation des centres, codesigner Startup Studio) et avec tous les services d’Inria au siège comme dans les centres. Beaucoup de rencontres, de nœuds à démêler, d’adaptations de la structure à réaliser. Et aussi la formalisation et la diffusion d’une culture qui n’existait que par endroits. La création d’un beau programme pour les porteurs à l’échelle des 9 centres et des 30 projets annuels. Avec comme objectifs le partage, l’ouverture et la création d’une communauté active et porteuse pour les projets. Et bien sûr les rencontres de porteurs de projet passionnés et passionnants avec qui nous avons travaillé pour chacun une année durant. Ces trois années ont eu la densité des années de création et de fondation et la richesse d’un travail d’équipe à l’échelle d’une vingtaine de personnes (Service transfert, innovation et partenariat (STIP), Inria Startup Studio. On retient aussi forcément les sourires de ces porteurs qui ont, selon leurs dires, passé une année exceptionnelle.

Dans le COP 2019-2023 d’Inria, un objectif de 100 projets accompagnés par an par Inria Startup Studio à horizon 2023 avait été fixé. Qu’en est-il ?

L’objectif du COP, au-delà du chiffre, voulait dire changer d’échelle et ouvrir les possibilités à ceux qui le souhaitent. Nous avons répondu à cet objectif en créant l’outil et en lançant un nombre conséquent de projets – 100 en trois ans et non 100 par an. Ce chiffre n’était pas une obsession pour nous et nous l’avons pris comme une mission de changement d’échelle et de professionnalisation. Pour nous l’enjeu était de créer un élan et de voir quel était le vivier des porteurs possibles.

Notre ligne directrice a été de faire en sorte qu’aucun projet porté par un scientifique Inria répondant à nos critères ne reste sans financement.

Il y a le chiffre et il y a aussi l’enjeu pour chaque projet : faire émerger une startup Deeptech issue de la recherche est un travail long, difficile, anxiogène et demande ténacité et créativité – et c’est aussi enthousiasmant, mobilisateur, enrichissant. N’oublions pas cet aspect, il est essentiel.

Quels sont les projets les plus prometteurs accompagnés par ISS depuis sa création ?

Tous ceux qui ont travaillé /investi avec /dans des projets de startups vous le diront : il est très difficile de savoir qui est prometteur et qui ne l’est pas et il est encore plus difficile de se mettre d’accord à plusieurs sur ce sujet ! Le succès est si loin – parfois dix ans et il peut se passer tant de choses…  La technologie n’a peut-être pas de produit possible, il n’y a peut-être pas de marché, c’est peut-être trop tôt, l’équipe volera peut-être en éclats…  

Nous partons du principe que tous les projets sont prometteurs et que notre travail consiste à leur donner l’opportunité de faire le premier pas et d’espérer trouver de quoi faire le pas suivant.

Par ailleurs, le Startup Studio prend des porteurs de projet très tôt, au stade où tout n’est qu’esquisse encore floue. C’est notre rôle de prendre le risque que ce flou ne se résorbe pas ou au contraire se résorbe au profit d’un projet construit.

ISS est-il un Startup Studio standard ? Le positionnement et les critères de "recrutement" d’ISS ont-ils par ailleurs évolué ces dernières années ?

Il y a plusieurs sortes de startup studio. ISS a toutefois une identité très particulière : au sein d’un institut de recherche, dédié à des scientifiques, centré sur l’émergence d’un flux de projet et non sur la rentabilité de chaque opération, mettant l’équipe de porteurs au centre de la construction et des décisions sur le projet, assumant le fait qu’un développement technologique sans porteur de projet ne sert à rien car la technologie ne se vend pas en tant que telle. Nos facteurs distinctifs sont essentiellement : le financement des porteurs de projet (au maximum deux personnes pendant un an) et notre capacité à travailler aussi bien avec des scientifiques qu’avec des acteurs du monde économique.

Les critères d’entrée à l’ISS pour une équipe sont : la motivation entrepreneuriale, la maîtrise de la technologie qui va être au cœur du produit imaginé et l’engagement à explorer le projet pendant un an à temps plein.

Quels grands projets rythment l’année 2023 d’ISS ?

Nous tirons cette année le bénéfice de tous les efforts de construction et pouvons commencer à nous installer dans une récurrence. Cela veut dire mettre en place de la qualité dans nos processus métier, faire évoluer le programme pour les porteurs pour l’ajuster au mieux à ce que nous pensons être leurs besoins : c’est un premier objectif. Le second objectif sera de rendre plus visible et compréhensible l’offre du programme aux porteurs de projet potentiels au sein d’Inria et des universités. Et si l’on parle de moments forts de l’année, nous avons un SpringCamp et un AutumnCamp pour les porteurs et une fête en fin d’année pour tous.

SpringCamp
@Inria / Photo M.Magnin

 

Quelques mots sur l’avenir, à plus long terme, d’ISS ?

Les grandes entités académiques dans le monde sont toutes dotées d’une entité interne ou très proche favorisant l’émergence de startups en lien avec leurs activités, comme l’est Inria depuis 30 ans.

L’ISS a trois ans mais ne fait que commencer son existence.

Notre travail consiste maintenant à installer l’ISS dans la durée, en affûtant son efficacité et en démultipliant sa visibilité et la valeur que cet outil peut apporter aux porteurs de projet, et bien sûr à connecter les entreprises issues des projets du Startup Studio aux nouveaux projets dans une dynamique de communauté d’entrepreneurs issus des sciences du numérique.

Les trois premières années d’ISS vues par François Cuny, directeur général délégué à l'innovation d’Inria

"Assumer que le transfert dans le numérique n’est pas qu’une question de maturation technologique et ne se résume pas au financement de la montée en version d’un logiciel n’est pas naturel car la majorité des mécanismes de soutien à l’innovation est construite autour de ces principes. Intégrer, au sein d’un institut de recherche national, un programme d’envergure qui assume pleinement l’enjeu de la maturation entrepreneuriale autour de porteurs de projet qui consacrent la totalité de leur activité à leur projet était donc notre priorité dans ces premières années d’Inria Startup Studio. Il a fallu pour cela, recruter une équipe pour accompagner la montée en charge, préciser le programme et le partager au sein de l’institut pour que les collègues puissent l’appréhender, opérer les actions pour dérouler effectivement le programme et faire la preuve du concept.

Cette dynamique enclenchée a permis de faire la preuve de concept et de valider notre capacité à monter en charge. Nous n’avons pas atteint le chiffre de 100 projets par an mais il est encore trop tôt pour connaître le potentiel réel de projets de startups Deeptech qui pourraient émerger des acteurs de la recherche. En effet si nous avons largement travaillé dans l’environnement Inria, la situation sanitaire a naturellement ralenti la dynamique interne mais elle a surtout retardé les discussions sur les accords avec nos partenaires académiques et ainsi impacté la diffusion du Startup Studio auprès des porteurs de projet dans l’écosystème académique de recherche.

L’objectif, à l’avenir, sera de renforcer la place d’Inria Startup Studio dans l’écosystème entrepreneurial Deeptech. L’État a par exemple, récemment, lancé un appel à projet pour accompagner la création de PUI (Pôles universitaires d’innovation) après une phase préfiguratrice autour de cinq pôles pilotes. Tous les centres Inria se sont impliqués en tant que fondateurs aux côtés des universités portant ces projets sur leur territoire et l’ensemble de ces propositions ont été sélectionnées et doivent maintenant préciser leur programme en faveur de l’innovation sur leur territoire. Inria va contribuer à ces programmes en mettant clairement au cœur de son action le dispositif du Startup Studio comme un outil au service de l’ensemble des acteurs académiques pour l’accompagnement de projets de startup Deeptech numérique. Ainsi, l’avenir pourrait voir émerger des Deeptech Startup Studio (DSS) possiblement « powered by Inria » dans chaque site".