InBio : l'interdisciplinarité récompensée

Date:
Mis à jour le 08/04/2021
Des chercheurs de l’Institut Pasteur et d’Inria, en collaboration avec le CNRS, l’université Paris Diderot et l’Institut de science et technologie en Autriche, publient deux articles dans Nature Communications sur le contrôle par ordinateur de processus cellulaires, des avancées scientifiques rendues possible par l’alliance entre deux disciplines aujourd’hui complémentaires : la biologie et les sciences du numérique.
EPI InBio
© Inria / Photo C. Morel

L’étroite collaboration entre l’Institut Pasteur et Inria, formalisée par la structure commune de recherche InBio dont l'objectif est de développer un cadre méthodologique permettant une compréhension quantitative du fonctionnement des processus cellulaires, confirme l’utilité d’une recherche interdisciplinaire où se mêlent approches expérimentales et développements méthodologiques. 

En effet, dans ces deux articles sur le contrôle par ordinateur de processus cellulaires, les chercheurs et chercheuses démontrent comment des plates-formes expérimentales hybrides, combinant microscope et logiciel, permettent d'interfacer à un niveau cellulaire le vivant avec des algorithmes de contrôle temps réel. Les deux articles illustrent que ces solutions permettent d’obtenir des comportements nouveaux et aisément reprogrammables pour les populations de cellules contrôlées. Ce contrôle externalisé du vivant deviendrait un formidable outil de recherche pour la compréhension fine du rôle biologique de certaines protéines et pour l’optimisation de processus de bioproduction.

  • Article 1 : Shaping bacterial population behavior through computer-interfaced control of individual cells , in Nature Communications , 16 novembre 2017
  • Article 2 : Balancing a genetic toggle switch by real-time feedback control and periodic forcing , in Nature Communications , 17 novembre 2017

L’informatique aux commandes de la biologie ou comment contrôler une population de cellules par ordinateur

La biologie de synthèse qui allie la biologie et l’ingénierie a pour but de (re)programmer les cellules pour qu’elles améliorent leur rendement dans une tâche précise ou qu’elles accomplissent efficacement une tâche nouvelle. Un des enjeux de la biologie de synthèse est donc de contourner les limitations des systèmes biologiques existants. Il est par exemple difficile d’obtenir la même expression des gènes d’une cellule à l’autre même si celles-ci sont cultivées dans un même milieu. Grâce à ces technologies de pointe, les chercheurs parviendraient à contrôler de façon très homogène un processus cellulaire sur une longue période.

Les chercheurs et chercheuses de l’institut Pasteur, d’Inria, du CNRS, de l’université Paris Diderot et de l’IST ont mis au point deux plates-formes connectant un microscope à un ordinateur. Les cellules sont placées dans un dispositif microfluidique permettant de leur imposer des variations dans leur environnement chimique ou des stimulations lumineuses. Le programme informatique décide des modifications à apporter à l’environnement chimique ou lumineux de la cellule en fonction de son comportement courant et de l’objectif désiré quant au comportement cellulaire. L’ordinateur gère également l’acquisition d’images par le microscope et leur analyse pour connaitre en temps réel les réponses cellulaires.

Dans le premier article, les chercheurs et chercheuses de l’unité InBio - Méthodes expérimentales et computationnelles pour la modélisation des processus cellulaires (Institut Pasteur / Inria) et d’IST Austria ont utilisé l’optogénétique pour activer l’expression d’un gène grâce à une exposition à la lumière. L’utilisation d’une protéine fluorescente permet de mesurer la quantité de protéine produite. Un contrôleur utilisant un modèle du système permet alors de choisir en temps réel les perturbations dynamiques à appliquer en tenant compte du comportement futur des cellules. Grâce au programme informatique créé par les chercheurs et les chercheuses, on a acquis la possibilité de contrôler chaque cellule individuellement de différentes façons, ou de créer des communications entre plusieurs cellules qui se passent des messages dans un ordre aisément reconfigurable.
« Nous sommes parvenus à créer une plate-forme expérimentale partiellement biologique et partiellement virtuelle. Les parties virtuelles de ces circuits peuvent être modifiées arbitrairement pour explorer rapidement les comportements cellulaires, même au-delà de ce qui était jusque-là biologiquement possible », commente Jakob Ruess, copremier auteur de l’article 1.

Dans l’article 2, Grégory Batt, codernier auteur, responsable de l’unité InBio , explique comment ils sont parvenus à amener un système cellulaire dans une configuration instable :

 

Nous avons conçu un programme informatique qui vise à forcer les cellules à prendre des décisions binaires de manière aléatoire. Pour ce faire, les cellules sont entraînées dans une région d'instabilité - comme des alpinistes sur une ligne de crête - puis on les laisse évoluer librement vers l'une des deux configurations stables possibles. De manière inattendue, nous avons constaté qu'une même stimulation, si elle était bien choisie, était capable d'entraîner et de maintenir des groupes de cellules différentes dans la région d'instabilité. Ces résultats peuvent aider à mieux comprendre comment des populations de cellules prennent collectivement des décisions robustes sans coordination individuelle.