Des signes avant-coureur
La cafetière gargouille de plus en plus tard. Le four à micro-ondes ne bourdonne plus à heure fixe. La douche crépite un peu moins souvent. Ces petits glissements anodins dans la routine de tous les jours sont parfois les prémisses d'une perte progressive d'autonomie chez les personnes âgées. Peut-être le moment d'envisager une aide à domicile ou une adaptation du logement. C'est pour aider les familles à détecter tout de suite l'arrivée de ce nouveau cap que le projet Sonaide conçoit un nouveau service reposant sur l'analyse de certains bruits de la vie quotidienne.
L'histoire commence au centre Inria Nancy - Grand Est quand Nicolas Turpault entreprend une thèse de doctorat dans l'équipe de recherche MultiSpeech. « Les chercheurs de ce groupe travaillent presque tous sur la parole. Avec mes encadrants Emmanuel Vincent et Romain Serizel, on a voulu s’intéresser plutôt au bruit de fond. En théorie, avec les algorithmes d’intelligence artificielle, on arrive à reconnaître toutes sortes de bruits lorsqu’ils sont isolés. Mais en conditions réelles, on a constaté que ça ne fonctionnait pas si bien. Pour que l'algorithme fasse son apprentissage, il faut qu'il dispose de beaucoup de données déjà annotées par un être humain. Un travail fastidieux qui demande beaucoup de temps. Mes travaux de thèse ont permis de montrer que l'on pouvait quand même faire cet apprentissage avec peu de données et surtout peu de données annotées. Avec une centaine de bruits d'aspirateurs différents, on va reconnaître un aspirateur de manière générale. »
Impact sociétal
À l'invitation d'un de ses coencadrants, Nicolas participe aussi à l'organisation de DCASE, la grande compétition internationale de classification de sons ambiants. « Je me suis occupé de l'épreuve de détection de sons ambiants en environnement domestique. Cela m'a mis en contact avec des scientifiques du monde entier mais aussi les grandes entreprises qui travaillent sur ces sujets. Globalement, on pouvait dresser un constat : de ces travaux naissaient finalement peu d'applications utilisables par un vaste public. Or, justement, ce qui m'intéressait, au-delà de la recherche, c'était de produire quelque chose de susceptible de trouver une vraie utilité. Un service qui puisse avoir un vrai impact sociétal. Avant ma thèse déjà, à la sortie de l'école d'ingénieurs, j'avais déjà en tête le projet de créer un jour une entreprise. »
Une IA respectueuse de la vie privée
Avril 2022, nouvelle étape : recrutement d'un ingénieur deep learning. Il prend en charge le développement. Une première expérimentation va se dérouler dans une résidence senior de Vitré, en Ille-et-Vilaine.
Des micros partout ?
Verbatim
Non. On a juste besoin de signaux faibles liés au sommeil, à la dénutrition et à l'hygiène. Donc chambre, cuisine et salle de bain. Rien dans le salon par exemple. Et il ne s'agit surtout pas d'empiéter sur la vie privée. Les capteurs n'envoient aucune donnée sonore vers l'extérieur. Tous les calculs s'effectuent sur place, dans un boîtier contenant un micro-ordinateur. Quand l'analyse est terminée, le boîtier se contente d'envoyer un simple message texte pour rassurer les proches. Par exemple : « REPAS OK ».
Fondateur de Sonaide
L'IA de demain
Respectueuse de la vie privée, l'intelligence artificielle développée dans ce projet s'avère aussi plus frugale en calcul, donc en énergie. « Aujourd'hui, beaucoup d'entreprises conçoivent des modèles gigantesques qui ont un impact environnemental énorme. Les travaux de ma thèse portaient, au contraire, sur la capacité de faire des petits modèles capables de fonctionner avec très peu de données. » Un premier démonstrateur est en cours d'élaboration.
Parallèlement, Nicolas Turpault rencontre des associés potentiels. L'un comme directeur technique. L'autre comme responsable commercial. L'entreprise pourrait voir le jour fin 2022 ou début 2023. Des investisseurs seront alors approchés pour accélérer le projet.