Partenariats industriels

Berger-Levrault et Inria lancent une équipe dédiée au génie logiciel

Date:
Mis à jour le 17/07/2023
L'éditeur français de logiciels Berger-Levrault, très présent dans le secteur public, s'est rapproché du Centre Inria de l'Université de Lille pour créer une équipe-projet commune, dénommée EVREF. Son credo ? Le génie logiciel, et plus précisément tout ce qui touche à la modernisation et à la réingénierie des anciennes infrastructures logicielles.
Rmod génie logiciel EVREF
© Inria / Photo C. Morel

Des infrastructures logicielles pérennes

Une vie éternelle est-elle possible pour les programmes informatiques ? C'est en tout cas l'objectif recherché par une nouvelle équipe-projet commune au Centre Inria de l'Université de Lille et au service de recherche et de développement de l'entreprise française Berger-Levrault, spécialisée dans la création de logiciels et de services numériques, principalement pour le secteur public. Son nom : EVREF (Évolution réflexive des systèmes logiciels éternels).

Elle vient renforcer le partenariat existant entre Inria et Berger-Levrault. Elle s'inscrit aussi dans la continuité d'une précédente équipe-projet Inria, dénommée RMoD, qui se concentrait sur l'analyse logicielle et la conception de langages de programmation, facilitant le développement, la modification et la maintenance d'applications orientées objet, dont Pharo. Les principaux axes de recherche d'EVREF portent sur trois domaines : la modernisation logicielle, les outillages pour le développement et les machines virtuelles.

Une alliance stratégique

Les deux partenaires viennent d'obtenir un soutien financier de l'État français, dans le cadre du Plan France relance : il leur a permis de recruter deux ingénieurs de recherche. Leur alliance stratégique a aussi été facilitée par la compréhension mutuelle entre les chercheurs de l'ex-équipe RMoD et ceux de Berger-Levrault, qui travaillent régulièrement ensemble depuis 2019. Stéphane Ducasse, responsable de l'équipe-projet EVREF, explique :

Côté Inria, nous avons toujours eu un pied dans le monde industriel, notamment pour les tests et la mise à disposition de nos solutions d'analyse. Nos interlocuteurs de Berger-Levrault ont, eux, un pied dans le monde de la recherche : ils comprennent parfaitement qu’Inria n’est pas une société de services, mais que nous sommes bien des chercheurs, qui travaillons sur le long terme et proposons des idées et des prototypes…

Car depuis sa création (en 1676 !), dans les secteurs de l'imprimerie et de l'édition à l’origine, « Berger-Levrault s'inscrit dans un processus de transformation permanent », souligne Christophe Bortolaso, responsable de la recherche. « Parmi les ETI (entreprises de taille intermédiaire), la société, qui compte 2 200 salariés, est ainsi l'une des rares à disposer de sa propre équipe de chercheurs (46 collaborateurs), travaillant aussi bien sur des sujets liés à la modernisation logicielle, qu'à l'intelligence artificielle ou à la sociologie. » Une partie d'entre eux participe directement aux travaux d'EVREF, qui déboucheront sur des publications communes et la mise en ligne de nouvelles solutions open source, accessibles au plus grand nombre.

La modernisation des infrastructures logicielles, une nécessité

« Pour Berger-Levrault, qui gère plus de 150 applications, le but est de développer de nouvelles technologies qui l'aideront à moderniser plus rapidement son parc de solutions installées », indique Christophe Bortolaso. « Il s'agit le plus souvent de très gros logiciels (plusieurs millions de lignes de code), qui sont déployés dans le secteur public. » Pourquoi ne pas les remplacer ? Parce qu'ils remplissent leur fonction et ne peuvent être arrêtés, tout d'abord. « Les administrations et entreprises utilisatrices ont également souvent investi lourdement dans ces logiciels très spécifiques, qui permettent par exemple de traiter l'état civil en mairie ou de gérer la comptabilité », relève Stéphane Ducasse. « Ce sont des actifs qu'elles souhaitent préserver. »

Pour autant, il est nécessaire de faire évoluer régulièrement ces outils pour qu'ils puissent rester compatibles avec leur environnement applicatif sous-jacent (les systèmes d'exploitation, les navigateurs, les librairies de programmation…), et conformes aux règles de sécurité actuelles. « Dans la mesure où les cyberattaques visant les collectivités tendent à se multiplier, les programmes doivent être modifiés plus souvent, à chaque découverte d'une nouvelle faille », ajoute de son côté Nicolas Anquetil, chercheur permanent dans l'équipe-projet EVREF. Il est enfin impératif qu'ils puissent évoluer au gré des évolutions réglementaires et des nouvelles procédures.

 

Des outils de migration d'interfaces graphiques

Une première réussite partagée est liée à la thèse de Benoît Verhaeghe, codirigée par Nicolas Anquetil et Anne Etien, au sein d'EVREF, et publiée fin 2021 : « Elle a mené à la conception d'outils de migration semi-automatiques ou automatiques d'interfaces graphiques utilisateur (GUI) », se félicite Christophe Bortolaso. « Ces outils sont déjà en production chez Berger-Levrault et sont très précieux pour nous. » D'autres travaux de thèse sont en cours, au sein d'EVREF : Younoussa Sow étudie par exemple actuellement les possibilités de migration automatisée du code écrit en ESOPE ou Fortran77 (un langage destiné au calcul scientifique) vers un équivalent orienté objet plus récent (Fortran2003), tandis que Gabriel Darbord prépare une thèse sur la génération automatique de tests.

« Il est essentiel de travailler sur de nouveaux outils de validation et de génération automatisées de tests pour en finir avec le stress lié aux évolutions, qui conduit souvent les développeurs à éviter au maximum les modifications », juge Nicolas Anquetil. « L'enjeu est d'arriver à un processus industriel de validation, compatible avec des systèmes qui sont utilisés par des milliers de collectivités et ne peuvent absolument pas souffrir la moindre panne. »

Moose, une plate-forme d'analyse en open source

Les outils développés dans le cadre d'EVREF sont progressivement intégrés à la plate-forme d'analyse logicielle et de réingénierie Moose, mise à disposition en ligne et en open source par Inria. « Elle réunit déjà un certain nombre d'extensions développées en langage Pharo et destinées à des tâches précises, comme la migration automatisée d'interfaces, l'analyse de code, le debugging et la génération automatisée de tests », explique Stéphane Ducasse.

En outre, Moose devrait accueillir prochainement d'autres extensions, notamment pour l'extraction de règles métier, permettant de définir ou de contraindre les actions à effectuer pour un processus, et la cartographie logicielle. Pour Stéphane Ducasse, l'idée serait à terme de proposer des outils permettant aux développeurs de passer au rayon X les logiciels, et ainsi d'obtenir une carte qui les aidera à comprendre comment ils sont structurés, comment ils sont utilisés, et où sont localisées leurs éventuelles interfaces de communication… Une nécessité comme le souligne Christophe Bortolaso : « Aujourd’hui, il est impossible d'analyser des systèmes qui comportent des millions de lignes de code avec un éditeur de fichier texte. » La solution ? Inventer de nouvelles formes de représentation du code de ces systèmes. Un défi passionnant pour EVREF.

Titre

Christophe Bortolaso, responsable de la recherche chez Berger-Levrault

Image
Christophe Bortolaso Berger-Levrault
Verbatim

Notre but est de proposer aux développeurs des technologies qui leur permettront de gérer plus facilement les évolutions des logiciels existants. Très peu d'outils permettent pour l'instant de gérer le code des logiciels patrimoniaux.