Algorithmes et informatique quantiques

Antoine Tilloy : un projet pour explorer les particules quantiques

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Mis à jour le 02/03/2023
Gage d’excellence scientifique, une bourse ERC Starting Grant a été attribuée à Antoine Tilloy, chercheur de l’équipe-projet commune Quantic (CNRS, ENS - PSL, Mines ParisTech - PSL, Sorbonne Université, Inria). À travers le projet QFT.zip, il va explorer un sujet innovant en physique théorique sur les réseaux de tenseurs et leur application aux particules quantiques. Des recherches fondamentales dont les résultats intéressent la chimie et l’ordinateur quantiques.
Antoine Tilloy
© Vincent Montigny

Développer une recherche exploratoire en mécanique quantique

Antoine Tilloy, chercheur en physique théorique à Mines ParisTech - PSL et membre de l’équipe-projet commune Quantic (CNRS, ENS - PSL, Mines ParisTech - PSL, Sorbonne Université, Inria) au Centre Inria de Paris, est lauréat de la prestigieuse bourse ERC Starting Grant pour le projet QFT.zip, consacré à la mécanique quantique. Destinées à de jeunes scientifiques, les subventions du programme ERC (European Research Council) leur donnent l’opportunité de constituer leur équipe de recherche autour d'un thème original et d’engager une recherche exploratoire d’une durée de cinq ans. Avec QFT.zip, Antoine Tilloy va ainsi poursuivre des travaux sur les réseaux de tenseurs et leur application aux particules quantiques.

Comment le jeune chercheur s’est-il intéressé à ce sujet émergent en physique ? « Après mes études d’ingénieur à l’École polytechnique, je me suis tourné vers la physique théorique et j’ai suivi la voie classique dans ce domaine, décrochant un master et un doctorat de l’ENS, avec des recherches en mécanique quantique. J’ai poursuivi mes travaux sur cette thématique à l’occasion d’un postdoctorat de longue durée à l’institut Max Planck de Munich, en approfondissant mes connaissances sur les réseaux de tenseurs. »

Décrivant le comportement de systèmes de taille microscopique, comme des molécules, des atomes ou des particules élémentaires, la physique quantique utilise une large palette d’outils mathématiques. Les réseaux de tenseurs en sont un exemple : ils permettent d’étudier comment plusieurs petits objets de ces systèmes, par exemple des particules, se combinent et se comportent en grand nombre.

Décrire le comportement des particules quantiques

La physique quantique a permis le développement d’innovations technologiques dont nous bénéficions quotidiennement : des lasers utilisés en médecine aux capteurs à haute définition de nos appareils photo numériques, en passant par les circuits intégrés de nos ordinateurs. Explorant les propriétés de la matière à de très petites échelles, elle ouvre la voie à des avancées technologiques très prometteuses. Ainsi, en comprenant les propriétés des molécules, la chimie quantique va permettre de concevoir de nouveaux composés, rendant des traitements médicaux plus efficaces ou des procédés de production plus performants. L’ordinateur quantique, quant à lui, va contribuer à réaliser des simulations actuellement hors de portée des scientifiques, grâce à sa puissance de calcul décuplée.

Toutes ces avancées nécessitent de comprendre le comportement d’une forte quantité de particules, comme l’explique Antoine Tilloy : « Dans ces deux champs d’application de la physique quantique, il s’avère nécessaire d’étudier la dynamique des systèmes quantiques constitués d’un grand nombre d’éléments en interaction, qu'il s'agisse des q-bits de l’ordinateur quantique ou des atomes d’une molécule complexe. Or, ces objets physiques présentent une difficulté : le nombre d’états à prendre en compte pour décrire avec précision leur comportement augmente de façon exponentielle avec le nombre de particules… Rapidement, la quantité d’informations à traiter dépasse les capacités de calcul dont nous disposons ! »

Ne conserver qu’une information pertinente

Cependant, les réseaux de tenseurs offrent aux physiciens une parade, car ils leur permettent de compresser le volume d’informations à manipuler pour modéliser un système quantique. « Un réseau de tenseurs fonctionne à l’instar des algorithmes de compression de fichiers d’images, de sons ou de textes, qui permettent d’échanger et de stocker de l’information sans altérer son contenu, explique le chercheur. C’est d’ailleurs de là que vient le nom du projet ! Pour la physique quantique, cette compression consiste, en quelque sorte, à ne conserver que les combinaisons d’états les plus intéressantes pour comprendre le système dans son ensemble. »

Dans l’univers informatique, on sait qu’un algorithme de compression d’images peut-être très performant… mais au prix d’une perte de résolution et d’information. Son paramétrage permet donc de choisir entre qualité de restitution et efficacité de compression. Dans le monde quantique, les enjeux sont semblables, avec plusieurs interrogations à la clé. Dans quelles conditions cette compression d’états quantiques est-elle efficace ? Est-elle valable pour tous les systèmes physiques ? Quelle erreur introduit-elle ? Selon quels critères paramétrer cette compression ? Autant de questions théoriques auxquelles Antoine Tilloy et son équipe tenteront d’apporter des réponses…

Appliquer les réseaux de tenseurs aux modèles de la physique quantique

Le projet ambitionne même de pousser l’usage des réseaux de tenseurs bien au-delà de la description de systèmes quantiques complexes. L’objectif : explorer les applications possibles aux modèles mêmes de la mécanique quantique (la théorie quantique des champs, ou en anglais Quantum Field Theory - d’où le sigle du projet).

« Les recherches en physique des particules, comme celles réalisées au CERN, se fondent sur la théorie quantique des champs. Afin de simuler les collisions de particules, les scientifiques cherchent à résoudre les équations de la QFT en utilisant des méthodes statistiques, très coûteuses en temps de calcul.

L’un des objectifs de notre projet QFT.zip est donc de comprendre et montrer comment les réseaux de tenseurs permettraient de simuler plus efficacement cette physique…

Le travail à accomplir dans les cinq prochaines années s’annonce particulièrement conséquent, tant le sujet recèle de difficultés théoriques et numériques ! Avec un budget d’un peu plus d’un million d’euros, Antoine Tilloy pourra compter sur le renfort de deux doctorants et de deux postdoctorants, dont le recrutement s’avère imminent.

Il est impossible de s’attaquer seul à des problèmes aussi complexes que ceux que pose la physique théorique, confie avec lucidité le jeune chercheur. Mais une équipe, même réduite, peut disposer des ressources pour mener un travail de recherche long et intense sur ce sujet ambitieux et espérer apporter des réponses à des questions difficiles…

Innover au sein d’une équipe

Développer une vision globale des recherches tout en dirigeant plusieurs sous-projets, assurer la montée en compétences de jeunes scientifiques tout en intégrant leurs contributions originales : Antoine Tilloy a déjà en tête une vision très claire de ses futures responsabilités d’animateur d'un groupe scientifique.

Il anticipe aussi quels bénéfices ses collègues pourront tirer de son projet : « QFT.zip va permettre d’approfondir des questions fondamentales dans le domaine étudié. Je pense que nos travaux seront utiles à l’équipe Quantic, en particulier sur des problématiques encore ouvertes en contrôle des systèmes quantiques… », souligne-t-il.

Aujourd’hui, il est encore trop tôt pour envisager des applications directes de QFT.zip à la chimie ou à l’informatique quantiques… mais nul doute qu’avec un groupe piloté par ce brillant chercheur, le potentiel d’innovation sera au rendez-vous !  

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