Modélisation et Simulation

Plongée au cœur de la simulation cardiaque : quand le HPC éclaire les mystères des arythmies

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Mis à jour le 24/09/2025

Derrière chaque battement de cœur se cache un phénomène électrique aussi précis que vital : l’électrophysiologie cardiaque. Ce mécanisme coordonne la contraction harmonieuse des milliards de cellules musculaires du cœur. Mais lorsqu’il se dérègle, il peut entraîner des arythmies cardiaques parfois graves. À l’occasion de la Journée mondiale du cœur, nous plongeons dans les recherches menées par l’équipe-projet Carmen du Centre Inria de l’université de Bordeaux et de l’IHU Liryc, où simulation cardiaque de pointe et HPC (calcul haute performance) conjuguent leurs forces pour mieux comprendre ces troubles.
Simulation cardiaque
© Freepik

Comprendre les arythmies : une mécanique cellulaire d'une complexité extrême

Le cœur est bien plus qu'une simple pompe : c'est un réseau électrique ultracomplexe. Chaque cellule cardiaque, ou myocyte, génère de l’électricité à travers sa membrane grâce à l’activité coordonnée de dizaines de protéines spécifiques. Ces protéines, sensibles aux variations du potentiel électrique, interagissent pour produire des oscillations rythmées qui orchestrent chaque battement.

Cependant, divers facteurs peuvent perturber ce ballet moléculaire. Avec l'âge, des cellules musculaires disparaissent et sont remplacées par du tissu fibreux, incapable de transmettre le flux électrique. Certaines maladies – infections, anomalies génétiques ou cardiomyopathies – accélèrent également ce processus. Résultat : une désorganisation du tissu cardiaque qui ouvre la voie aux arythmies.

Simuler pour mieux comprendre : les défis du numérique en cardiologie

Face à cette complexité, la simulation numérique devient un outil incontournable pour comprendre les mécanismes invisibles de l’arythmie. Historiquement, les scientifiques modélisaient des morceaux homogènes de tissu, chaque élément du modèle représentant des centaines de cellules. Mais pour saisir les phénomènes fins à l’origine de ces troubles, il faut aujourd'hui descendre à l'échelle de la cellule individuelle.

Ce changement d’approche fait exploser les besoins en puissance de calcul. « Un cœur humain compte environ deux milliards de myocytes. Même pour modéliser un petit fragment de tissu malade, il faut mobiliser des ressources colossales, il nous faut donc utiliser le HPC et ainsi des supercalculateurs », explique Mark Potse, chercheur au sein de l’équipe-projet Carmen.

Les chercheurs et les chercheuses ont besoin des plus gros calculateurs de la planète, des machines exascalaires, pour réaliser ces simulations de plus en plus fines. L’objectif : représenter non seulement chaque cellule, mais aussi ses interactions complexes avec ses voisines, élément clé pour comprendre la genèse des arythmies.

Simulation cardiaque
© MICROCARD-2

À la frontière du calcul intensif : MICROCARD-2, un projet européen ambitieux

Pour relever ce défi, le projet européen MICROCARD-2 a vu le jour. Coordonné par Mark Potse, il réunit des chercheurs et chercheuses de différents pays pour construire un logiciel capable de simuler le comportement de chaque cellule individuellement.

La tâche est immense. Les modèles existants doivent être optimisés pour tirer pleinement parti des futurs calculs réalisés sur les supercalculateurs les plus puissants au monde. Outre l’optimisation logicielle, la modélisation géométrique du tissu est un véritable défi. Grâce aux efforts conjoints avec les développeurs de la plateforme MMG notamment, les chercheurs et chercheuses sont désormais capables de générer des maillages d’une complexité extrême, reproduisant la structure serrée et irrégulière du tissu cardiaque. « Ce sont des maillages particulièrement complexes. On fait donc des calculs qui dépassent parfois la limite du possible avec les outils existants. On améliore donc les outils au fur et à mesure, et pour MMG, après 2 ans de travail, ça fonctionne maintenant pour nos maillages ! » se félicite Mark Potse.

Repousser les limites de la recherche numérique et médicale

Au-delà du cœur, les avancées de MICROCARD-2 ouvrent des perspectives pour simuler d’autres tissus dans lesquels le comportement électrique cellulaire joue un rôle clé, comme le cerveau.

Mais l’enjeu immédiat est clair : mieux comprendre les arythmies pour donner aux médecins de nouveaux outils d’interprétation des électrocardiogrammes. « Il ne s'agit pas de créer un nouvel outil de diagnostic automatisé, mais de fournir aux praticiens une meilleure compréhension des mécanismes sous-jacents pour affiner leurs diagnostics » conclut Mark Potse. Pour atteindre cet objectif, les scientifiques travaillent main dans la main avec des physiologistes spécialistes du tissu cardiaque, assurant que les modèles restent fidèles à la réalité biologique.

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© MICROCARD-2