Visualisation de données

Vers de nouvelles expériences de visualisation pour mieux diffuser les savoirs

Date:
Mis à jour le 27/05/2024
Comment améliorer la compréhension de données et de phénomènes complexes grâce à la visualisation immersive et interactive ? C’est le défi d’une nouvelle équipe-projet Inria, dénommée Bivwac. À la clé, de nouvelles avancées scientifiques et des applications au niveau sociétal, notamment dans les domaines de l'environnement, de l'éducation et de la santé...
Membre de l'équipe Bivwac avec un casque de réalité virtuelle
© Inria / Photo G. Destombes

Interactions humain-machine et réalité mixte

Dans le sillage de l'équipe-projet Potioc – spécialisée dans les interactions humain-machine et la réalité mixte (fusionnant les mondes réels et numériques) – une nouvelle équipe-projet, commune au CNRS, vient de voir le jour au Centre Inria de l'université de Bordeaux. Dénommée Bivwac (Building immersive visualizations for welfare, awareness, and comprehension), elle va étudier de nouvelles formes d’expériences de visualisation immersives et interactives, avec un objectif : améliorer la compréhension par des non-experts de données et de phénomènes complexes. 

« Dans de nombreux domaines, dont celui de l'environnement, il existe aujourd'hui de grandes quantités d'informations que seuls les spécialistes peuvent explorer et analyser, précise Martin Hachet, qui dirige cette nouvelle équipe-projet, après avoir précédemment été responsable de Potioc. Pour les citoyennes et citoyens ordinaires, ces données, par exemple sur les émissions de tonnes de CO2, restent abstraites et lointaines. Notre challenge : inventer des outils permettant à tous et toutes de se les approprier pour prendre des décisions éclairées, sur la base de données fiables, transparentes et contextualisées. »

La réalité augmentée pour matérialiser des données complexes

Bivwac – dont le nom reflète la volonté de ses membres d'explorer des territoires méconnus – s'appuie sur quatre chercheurs permanents, une postdoctorante, sept doctorants et deux ingénieurs. Ceux-ci s'intéressent collectivement à la création d'outils de visualisation allant au-delà des solutions de datavisualisation les plus traditionnelles, pour la plupart basées sur de l'affichage de textes, de chiffres ou de graphiques. 

« Notre pari est de mettre au point des solutions ne servant pas seulement à synthétiser et à afficher des données, mais aussi à créer une expérience qui encouragera les utilisateurs à tester différentes hypothèses et à les partager, souligne Martin Hachet. La réalité augmentée peut par exemple nous aider à matérialiser des données pointues, afin de les rendre plus assimilables et engageantes pour les personnes qui les visualisent. Elle pourrait par là même faciliter la sensibilisation et l’investissement du grand public sur des sujets sociétaux importants. »

Étudier l'impact des expériences en immersion

Depuis leurs terrains d'expérimentation et d'observation, les chercheurs de Bivwac travaillent en étroit partenariat avec des spécialistes de nombreuses disciplines : chercheurs en psychologie et sociologie, en sciences comportementales, en sciences cognitives ou en sciences de l'éducation... Ensemble, ils vérifient l'impact des nouvelles formes de présentation des données sur les personnes qui les utilisent, tant en termes de perception que de comportement, ou de prise de décision. « Nous cherchons à savoir, par exemple, si une donnée diffusée en immersion à une personne active, permet une meilleure compréhension par rapport à une information de même type transmise sur écran à un spectateur passif, détaille Martin Hachet. Les humains sont des êtres émotionnels et nous vérifions aussi si une information communiquée par le biais d'une expérience immersive s’avère plus impactante qu'une donnée diffusée par le biais de chiffres ou de textes, par exemple sur le nombre de féminicides (avec une mise en regard de représentations incarnant des victimes). »

Le programme de recherche de l'équipe s’avère donc bien rempli. Il s'articule autour de trois piliers abordés de concert : la théorie et l'analyse du domaine (pour acquérir les fondements théoriques qui permettront de créer des prototypes), la conception et le développement d'interfaces humain-machine, et l'expérimentation. « Plutôt que de nous focaliser sur chacun de ces piliers de façon isolée, nous utilisons un processus itératif avec de multiples aller-retours entre la théorie et les observations, la création de technologies, et l’évaluation, souligne le responsable de Bivwac. Nous analyserons en effet chaque approche pour mesurer son efficacité, grâce à des études utilisateurs en laboratoire ou sur le terrain (par le biais de mesures objectives, d'entretiens semi-dirigés...). »

Des applications en environnement, éducation et santé

Les terrains d'expérimentation sont nombreux, tant à des fins d'information que de pédagogie. Par exemple, pour mieux sensibiliser le public aux problématiques environnementales, Bivwac a déjà créé deux nouveaux types de visualisation. La première, Arwav (Augmented reality waste accumulation visualizations), permet de visualiser dans son univers familier la quantité de déchets associée à ses actions. La seconde, Edo, aide les utilisateurs à se représenter les impacts carbone de certains choix nutritifs. À terme, rendre visibles les conséquences de nos agissements pourrait favoriser nos comportements vertueux.

Dans le domaine éducatif, la plate-forme Hobit vise, elle, à faciliter l'enseignement de l'optique ondulatoire et de la physique quantique. « Elle répond à une demande des enseignants qui cherchent de nouvelles façons de présenter ces sujets abstraits, sans pour autant avoir à réaliser des expériences complexes et coûteuses en laboratoire, précise Martin Hachet. Avec de la réalité augmentée et des interfaces tangibles [permettant d'interagir avec l'information numérique au travers de l'environnement physique], Hobit permet aux utilisateurs de visualiser rapidement des phénomènes physiques et de modifier un certain nombre de paramètres pour les faire évoluer. »

Dispositif Hobit
© Inria - Potioc / Photo M. Magnin

L'équipe-projet intervient aussi dans le champ de la santé. Elle travaille par exemple sur le projet Live-It, avec le laboratoire RAHP (Recherches appliquées sur le handicap psychique) de l'université de Bordeaux. Le principe : utiliser le potentiel des casques de réalité augmentée pour mieux faire connaître la schizophrénie aux étudiants en santé mentale et, à terme, à des professionnels (forces de l'ordre, enseignants...). Le but est de mieux percevoir et donc comprendre les symptômes de la maladie, ce qui peut notamment aider à lutter contre la stigmatisation des personnes souffrant de schizophrénie. 

Ces applications variées peuvent également contribuer à diffuser largement des connaissances. Elles ne devraient donc pas manquer d’intéresser d’autres publics (chercheurs, médias, entreprises...).