Une bourse européenne pour mieux gérer la circulation routière

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Mis à jour le 26/03/2020
Membre de l’équipe-projet Inria Opale, Paola Goatin vient d'obtenir la bourse 2010 de l'European Research Council (ou Conseil européen de la recherche) dans la catégorie "jeune chercheur". D’un montant d'environ 800 000 euros, cette bourse permettra à cette jeune scientifique de constituer l’équipe de son choix pour conduire un projet de recherche ambitieux sur cinq ans en modélisation mathématique dans le domaine du contrôle de trafic routier et piétonnier.

Mathématicienne, Paola Goatin est spécialiste des équations aux dérivées partielles et plus particulièrement des systèmes de lois de conservation. Des équations qui sont souvent utilisées pour décrire des phénomènes physiques comme la dynamique des gaz ou l’écoulement de fluides compressibles. D’où la possibilité de les utiliser également pour décrire l’évolution de la densité du trafic routier dans le temps et l’espace. Ce que Paola Goatin a proposé avec succès dans son dossier ERC.

Un parcours universitaire franco-italien

Originaire du nord-est de l’Italie, Paola Goatin a toujours adoré les maths. Après une maîtrise en 1995, à l’université de Padoue, en analyse des équations aux dérivées partielles, elle décide de poursuivre son parcours dans la recherche. « J’ai choisi de faire ce qui me plaisait, même si je me suis posé beaucoup de questions sur les perspectives de carrière qui s'offraient à moi en Italie à l’époque  ». Paola rejoint l’équipe du Pr Alberto Bressan à l'École internationale d'études supérieures avancées de Trieste, très réputée dans le champ de l’analyse fonctionnelle, où elle passe sa thèse sur les systèmes de lois de conservation.

En 2000, c'est en France, à l''École polytechnique, qu'elle fait son stage postdoctoral sous la direction de Philippe le Floch (université Paris VI, CNRS). Trois ans plus tard, elle obtient un poste de maître de conférences à l’université du Sud Toulon-Var et est rattachée à l’institut des sciences de l’ingénieur de Toulon.

Des équations aux applications

En dépit du temps important consacré à l’enseignement, Paola Goatin mène activement ses travaux de recherche. « Avec d’anciens collègues français et italiens, j’ai commencé à étudier des modèles de trafic routier : je me suis tournée vers les applications  », se souvient-elle. En 2008, elle demande une délégation à mi-temps à l’Inria pour travailler au sein de l’équipe-projet Opale où elle prépare son habilitation à diriger les recherches, auprès de spécialistes des techniques d'approximation en hyperbolique. « C’est ainsi que j’ai présenté mon projet européen, centré sur le trafic routier et piétonnier.  »

Au moment où elle présente son dossier au Conseil européen de la recherche, elle candidate également pour intégrer Inria : c'est maintenant chose faite ! « J’y apprécie l’organisation autour du travail de recherche et je me sens aidée dans mes démarches non scientifiques. C’est important. »

Optimiser le trafic routier et piétonnier

Comment concevoir les espaces publics pour minimiser les accidents en cas de mouvements de foule ou positionner des feux de circulation  pour assurer la meilleure fluidité possible au trafic routier urbain ? C’est à ce type de questions à forte implication socio-économique qu’entend répondre le projet présenté à l’ERC par Paola Goatin.

C’est un sujet intéressant par ses applications très concrètes en gestion de trafic, et plus largement en urbanisme et architecture, mais il soulève également des problèmes mathématiques théoriques passionnants.

La mathématicienne se démarque néanmoins des approches usuelles basées sur la modélisation du mouvement de chaque voiture ou piéton. « Cette approche permet d’étudier la circulation à un carrefour ou de gérer l’évacuation des avions ou des trains. Mais elle n’est pas adaptée à la description du trafic au niveau du réseau routier sur l’ensemble de la ville ou bien les mouvements de grandes foules.  » C’est pourquoi la chercheuse adopte une approche macroscopique, inspirée de la dynamique des fluides et adaptée pour tenir compte des contraintes spécifiques à ces problèmes. Il s’agit, dans le cas du trafic routier, de modéliser l’évolution de la densité de voitures dans un réseau, une approche qui bénéficie d’une théorie mathématique bien développée depuis les années cinquante.

Pour les piétons en revanche, un domaine beaucoup plus récent, on est confronté à une difficulté supplémentaire : les déplacements des piétons ne se font pas en une dimension (celle de la route) mais en deux dimensions car l’espace urbain n’est pas un couloir. La théorie mathématique correspondante n’est pas assez développée.

Autre avantage, autre défi scientifique : l’approche macroscopique permet d’étudier des problèmes de contrôle et d'optimisation dans le but d’améliorer la fluidité du trafic (par exemple en modulant le débit par des feux rouges) ou bien de prévenir ou minimiser les risques d’accident (par exemple en plaçant judicieusement des obstacles pour faciliter l’évacuation d’un bâtiment). Là encore, la chercheuse et son équipe devront concevoir de nouvelles techniques de contrôle optimal car les théories classiques ne sont pas adaptées aux solutions discontinues qui décrivent ces mouvements.