Bourses ERC

De la Terre au Soleil : ce que les ondes sismiques nous révèlent

Date:
Mis à jour le 28/09/2023
Certains milieux, comme l’intérieur de la Terre ou encore du Soleil, sont difficiles à étudier car les scientifiques ne peuvent y accéder directement. Il faut donc disposer de méthodes non intrusives permettant de reconstituer ces milieux. C’est le défi que tente de relever Florian Faucher, chargé de recherche au sein de l’équipe-projet Makutu du Centre Inria de l’université de Bordeaux qui vient d’obtenir une bourse "ERC starting grant" pour son projet INCORWAVE.
Faucher Florian
© Inria / Photo B. Fourrier

Les problèmes inverses à la base de la reconstruction des milieux

Pour étudier des milieux auxquels il n’a pas accès, Florian Faucher résout ce que l’on appelle des "problèmes inverses". En sciences, la solution d’un problème inverse consiste à déterminer les causes d’un phénomène à partir des observations de ses effets.

« Le projet se concentre sur l’étude de la Terre et du Soleil. Il faut à la fois reconstruire les structures internes des objets auxquels nous n’avons pas accès, et également surveiller leur évolution, tout ceci sans les altérer. C’est un point important des problèmes inverses que je regarde : il faut développer une méthodologie non intrusive pour la caractérisation et le monitoring des milieux. »

La magie des ondes sismiques

Pour réussir à reconstituer des milieux sans y avoir directement accès, le lauréat de la bourse ERC Starting grant va utiliser des ondes. « Les ondes qui se propagent interagissent avec l’intérieur du milieu, leur propagation est donc impactée par les structures rencontrées, ce qui nous permet de retirer des informations sur les milieux qu’elles ont traversés », souligne le chargé de recherche de l’équipe-projet Makutu hébergé au sein de l’Université de Pau et des Pays de l’Adour.

Dans son projet, le scientifique se concentre sur des ondes sismiques : « Que ce soit pour la Terre ou le Soleil, les ondes sismiques sont mesurées en surface, mais nous devons reconstruire les différents milieux  qu’elles ont traversés en profondeur ». Ainsi, à partir des champs d’ondes (mesurées par des instruments au sol ou par des satellites pour le Soleil), il faut déduire les propriétés physiques des structures internes, et détecter aussi d’éventuelles anomalies signalant un changement dans le milieu, par comparaison des jeux de données.

Des sources naturelles ou contrôlées

Plusieurs phénomènes sont à l’origine de la propagation d’ondes dans un milieu. Il y a les sources non contrôlées voire naturelles, comme la microsismicité par exemple. « La Terre, est constamment en train de vibrer, et c’est toutes ces petites vibrations que l’on peut mesurer. On peut parfois se servir du trafic, comme lorsqu’un train va passer sur des rails. Cela va générer des vibrations qui vont se propager à l’intérieur de la Terre. Quant au Soleil, les ondes sont stochastiquement générées par la convection turbulente. »

Traditionnellement, des ondes dont l’origine est contrôlée sont utilisées pour des expériences ciblées. « L’utilisation d’ondes dont la source est contrôlée permet d’avoir plus de maîtrise sur les phénomènes. Cependant, c’est sur l’utilisation de sources naturelles que va se concentrer mon projet de recherche et, bien sûr, nous n’avons de toute façon pas cette option pour le Soleil ! », précise cependant le chercheur.

Pour extraire de l’information à partir des oscillations qui sont mesurées et analysées, le projet INCORWAVE s’appuie plus particulièrement sur la corrélation des signaux d’ondes sismiques, « utiliser la corrélation d’ondes nous permet en quelque sorte de nous affranchir de la connaissance précise des sources qui génèrent les ondes mesurées, en faisant ressortir la signature de l’interaction de l’onde avec le milieu. Cela nous ouvre de nouvelles perspectives quant à une utilisation plus complète des signaux mesurés ».

Modèle PREM pour la vitesse des ondes P dans la terre et simulation élastique avec le code hawen

Un compromis entre précision et pertinence des informations

La première étape est de développer des outils numériques pour simuler la propagation des ondes. « Les simulations doivent être les plus fidèles possible à la physique du milieu, et, en même temps, il faut trouver les bonnes hypothèses pour ne pas surdéterminer le système : c’est un compromis entre la précision et la pertinence des approximations », détaille le jeune scientifique. Le coût de calcul peut devenir un facteur prohibitif. « Un de nos objectifs est de simuler les ondes en considérant des flots 3D pour le Soleil en entier, c’est un défi numérique qui nécessite des méthodes appropriées, exploitant efficacement les ressources de calcul. »

Après les simulations d’ondes, la deuxième étape consiste à reconstruire les propriétés des milieux. « Nos simulations d’ondes dépendent des paramètres physiques du milieu, et dans le cadre de l’inversion, nous devons en quelque sorte retrouver les propriétés qui permettent de reproduire au mieux les observations. »

Pour une reconstruction précise des milieux, on ne peut cependant pas toujours simplifier les modèles, au risque de perdre de l’information. « Dans le projet, nous souhaitons avoir une approche hiérarchique, pour reconstruire progressivement les milieux. En augmentant la complexité des modèles étape par étape, nous pourrons obtenir une reconstruction plus détaillée. La clé est d’avoir une progression pertinente et précise, c’est-à-dire qui prenne en compte les différents phénomènes physiques en commençant par les plus importants. Il faut aussi des contrôles sur la convergence de nos méthodes et la précision des propriétés physiques reconstruites. »

Une nouvelle manière de reconstruire les milieux

« Avec ce projet, on espère reconstruire les milieux de façon plus précise, en utilisant au mieux les données disponibles », conclut le chargé de recherche. « Pour la Terre, les applications seront notamment pour le monitoring du sous-sol, par exemple avoir une idée de comment les réservoirs souterrains vont évoluer avec le temps, comment on va pouvoir anticiper ses changements, etc. Pour le Soleil, on va essayer de mieux comprendre sa dynamique, de mieux comprendre les différents phénomènes qui se passent à l’intérieur et de manière générale, la physique qui le régit. »