Partenariats européens

TAILOR : un réseau européen pour des IA fiables

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Mis à jour le 24/06/2022
Soutenu par le programme européen Horizon 2020, TAILOR met en réseau 55 partenaires scientifiques et industriels de 21 pays différents. Leur objectif : faire émerger de nouvelles solutions dans le domaine de l’intelligence artificielle de confiance en favorisant la méthode dite hybride, qui mêle approche symbolique, optimisation et apprentissage. Présentation avec Marc Schœnauer, directeur de recherche au centre Inria de Saclay.
Illustration intelligence artificielle
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L'IA au cœur d'une coopération scientifique inédite

Comment gagner la confiance des utilisateurs dans les systèmes d'intelligence artificielle (IA) ? Telle est la question majeure qui anime la communauté scientifique européenne engagée dans TAILOR : Foundations of Trustworthy AI -Integrating Reasoning, Learning and Optimization. « L’objectif est de faire émerger des idées et des solutions nouvelles dans le domaine de l’IA de confiance en favorisant les échanges, les rencontres et les collaborations inédites entre chercheurs », résume Marc Schœnauer, directeur de recherche en charge de l’IA à Inria et responsable de l’équipe TAU. Conférences, workshops, écoles d’été mais aussi challenges et hackatons rythment ainsi la vie du réseau. Lancé en septembre 2020 et piloté par l’Université de Linköping (Suède), TAILOR réunit des experts de l’IA neurosymbolique, de l’IA de confiance ou encore des systèmes multiagents, des industriels ainsi que quatre équipes d'Inria : LACODAM, MULTISPEECH, ORPAILLEUR et TAU. Le projet rassemble pas moins de 55 partenaires européens de 21 pays différents. « La coopération européenne permet non seulement de trouver de nouvelles solutions mais aussi de proposer des conditions favorables aux jeunes talents et de lutter contre la fuite des cerveaux. »

TAU, une équipe engagée dans la recherche européenne

TAILOR n’est pas l’unique projet européen auquel contribue TAU. L’équipe est par exemple aussi engagée dans TRUST-AI. Ce projet de recherche sur l’IA de confiance porte sur une technique particulière d’apprentissage : la programmation génétique (genetic programming) qui permet « de suivre l’ensemble des choix faits par l’algorithme » et ainsi d'obtenir des modèles intelligibles et explicables. L’équipe TAU s’implique plus spécifiquement sur le thème de la prédiction des consommations énergétiques. Autre action européenne dans laquelle TAU est partenaire : ADRA-e. Cette Coordinated support action (CSA) vient en soutien du projet de partenariat public-privé AI Data Robotics. Le rôle d’ADRA-e est d’épauler les partenaires privés du projet et d’organiser, à destination de ces derniers, des rencontres, des workshops ou encore des conférences. Piloté scientifiquement par Marc Schœnauer, ADRA-e doit débuter en juillet 2022.

Développer des IA fiables

La principale thématique de recherche réunissant les partenaires de TAILOR concerne le développement d’une IA de confiance (Trustworthy AI). Plusieurs facteurs – qui sont autant d’axes de travail pour les chercheurs – caractérisent une IA de confiance : il s’agit d’une IA robuste, transparente et explicable, équitable et non discriminante, respectueuse des données privées, responsable et impactant positivement la société.

Image
Portrait Marc Schoenauer
Verbatim

Si les systèmes sont opaques, biaisés, facilement perturbés par des bruits ou attaqués et que leurs résultats ne sont pas explicables, il est impossible que la société accepte les IA.

Auteur

Marc Schoenauer

Poste

Responsable équipe-projet TAU

Le développement d’une IA de confiance est un prérequis indispensable à la présence de machines intelligentes dans nos vies. « Si les systèmes sont opaques, biaisés, facilement perturbés par des bruits ou attaqués et que leurs résultats ne sont pas explicables, il est impossible que la société accepte les IA, insiste Marc Schœnauer. Idem pour l’économie : aucun industriel ne va se jeter à corps perdu sur une technologie à laquelle il ne fait pas confiance. Or, le transfert vers l’industrie est un enjeu majeur pour éviter d’être complétement dépendant des États-Unis ou de la Chine. Sur les grandes plates-formes de recherche c’est trop tard, mais nous pouvons encore tirer notre épingle du jeu dans des secteurs comme la santé ou la logistique. »

Learning ou reasoning ?

« Tout le monde travaille sur l’IA de confiance aujourd’hui, poursuit le chercheur. La particularité de TAILOR est de se concentrer sur l’approche dite hybride, combinant, grâce à l’optimisation (optimization), l’approche symbolique (reasoning) et l’approche subsymbolique ou numérique (learning). »

Verbatim

L’IA numérique réagit mieux aux "bruits" et à l’incertitude mais elle souffre encore de défaut d’explicabilité et de manque de certifications : c’est là que l’IA symbolique peut revenir dans le jeu.

Auteur

Marc Schoenauer

Poste

Responsable de l'équipe-projet TAU

Historiquement, les deux écoles se sont longtemps opposées. Populaire dans les années soixante, l’IA symbolique consiste à simuler le raisonnement humain par une suite d’opérations logiques. Basée sur le principe d’apprentissage (machine learning), l’IA numérique s’est surtout développée dans les années 2010 avec l’augmentation des volumes de données et la puissance des machines qui ont rendu possible l’avènement du deep learning. « L’IA numérique réagit mieux aux "bruits" et à l’incertitude mais elle souffre encore de défaut d’explicabilité et de manque de certifications : c’est là que l’IA symbolique peut revenir dans le jeu » explique Marc Schœnauer.

Inria en charge de la roadmap et des challenges

Spécialistes du natural language processing (NLP), de la prévision de série chronologique (Time-Series Prediction), de la causalité (causal modelling) ou encore des réseaux de neurones, sept chercheurs d'Inria s'impliquent dans différents défis scientifiques de TAILOR (WP 3, WP4, WP5, WP6, WP7). « Je suis par ailleurs responsable de l’un de ces axes transverses, le WP2, qui comprend deux volets, complète Marc Schœnauer. D’abord, la création d’une feuille de route stratégique (roadmap) qui vise à prioriser, à l’échelle européenne, les actions de recherche, de formation et de transfert vers l’industrie. Le second volet porte sur l’organisation de challenges sur la plate-forme Codalab, coordonnée par Isabelle Guyon, de l’équipe TAU. Ces "compétitions" et autres hackatons sont importants pour déterminer quel algorithme est le plus adapté pour résoudre un problème donné. »

Quatre réseaux européens pour une recherche d’excellence en IA

Avec ELISE, HumanE-AI et AI4Media, TAILOR est l’un des quatre réseaux européens financés dans le cadre de l’appel à projets Horizon 2020 Towards a vibrant European network of AI excellence centres. Son objectif : permettre à l’Europe « d’accroître ses capacités de recherche existantes […] en favorisant la coopération entre les meilleures équipes de recherche pour relever plus efficacement les grands défis scientifiques et technologiques de l'IA qui entravent le déploiement de solutions basées sur l'IA ». Derrière cette ambition, l’Europe entend garantir son autonomie stratégique dans « le domaine technologique critique qu’est l’IA ».

Marc Schœnauer, architecte de l’équipe TAU

Marc Schoenauer est directeur de recherche Inria depuis 2001. Diplômé de l’École normale supérieure, il débute sa carrière au CNRS, au Centre de mathématiques appliquées de l’École polytechnique. Depuis la fin des années quatre-vingts, il mène des travaux en intelligence artificielle, à la frontière entre optimisation "stochastique" et apprentissage automatique. Président de l’AFIA (Association française pour l’intelligence artificielle) de 2002 à 2004, Marc Schœnauer a participé au comité de rédaction de nombreuses revues scientifiques ainsi qu’à la mission Villani sur l’IA.

En 2003, il crée l’équipe-projet commune TAO (Thème apprentissage et optimisation) qui devient, en juillet 2019, l’équipe-projet TAU (TAckling the Underspecified) commune Inria, CNRS et Université Paris-Saclay au sein du Laboratoire Interdisciplinaire des Sciences du Numérique (LISN). Le programme de recherche de TAU porte sur le machine learning et s’articule autour de quatre axes de travail : l’IA éthique et robuste, l’approche hybride reasoning et learning, l’apprentissage autonome, et l’organisation de challenges. Les travaux de l’équipe s’appliquent en particulier à trois domaines : les sciences sociales computationnelles, la gestion des énergies et les modélisations numériques à partir de données.