Jumeau numérique

Anatoscope crée des doubles numériques de l’anatomie des patients

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Mis à jour le 26/11/2021
Lancée en 2015, la startup grenobloise et montpelliéraine Anatoscope est à la pointe de l'innovation dans le domaine de la médecine personnalisée, et plus précisément de la modélisation d'appareillages (prothèses, orthèses, appareils dentaires…). Elle a été fondée par cinq chercheurs dont trois viennent d'Inria.
Illustration : milieu médical
Jakkapan - adobestock.com

Une technologie permettant de copier virtuellement une anatomie

L'histoire d'Anatoscope débute en 2013 : François Faure, alors professeur à l’université Grenoble Alpes (UGA) et chercheur au sein de l'équipe-projet Imagine (depuis devenue Anima et dédiée à la recherche sur la création et la mise en scène des univers narratifs animés), a l'idée d'orienter ses recherches vers le transfert d'anatomie. « Je revenais d'un séjour sabbatique au Canada, au cours duquel j'avais travaillé sur l'anatomie, et j'ai créé avec d'autres chercheurs une technologie (Anatomy Transferqui permettait de reproduire, à partir de données d'imagerie, l'anatomie virtuelle de n'importe quelle personne »se rappelle le chercheur, aujourd'hui président d'Anatoscope. « Nous étions très satisfaits du résultat et un collègue chirurgien m'a assuré qu'il serait prêt à payer pour cette technologie, qui l'aiderait dans sa communication avec les patients. »

La modélisation d'appareillages pour une médecine personnalisée

Très intéressé par les transferts vers l'industrie, François Faure discute d'une éventuelle création d'entreprise avec deux collègues d'Imagine (Olivier Palombi, neurochirurgien et professeur d’anatomie, et Matthieu Nesme, ingénieur de recherche). Il sollicite le soutien d'Inria, ce qui débouche sur un accompagnement et un appui financier de l'ex-fonds d'amorçage IT-Translation (comptant Inria parmi ses créateurs et depuis repris par Elaia).

« Après avoir étudié le marché, nous nous sommes aperçus que la demande n'était pas suffisante pour lancer une entreprise sur la base de notre idée de départ – proposer une technologie de création de jumeaux numériques, précise François Faure. Notre envie de créer une entreprise restait toutefois forte et nous avons vu qu'il y avait du potentiel sur tout ce qui touchait à la modélisation d'appareillages personnalisés. » Les chercheurs pouvaient aussi s'appuyer sur les composants de la plate-forme open source SOFA, développée et régulièrement enrichie par plusieurs équipes-projets Inria, ainsi que sur un brevet de François Faure, déposé par l'université Grenoble Alpes. Ce brevet, qui décrit une « méthode de simulation du contact entre des objets rigides ou déformables », a depuis été racheté par Anatoscope.

De nouvelles solutions dédiées aux orthoprothésistes

Anatoscope a officiellement été cofondée en 2015 par François Faure, Olivier Palombi, Matthieu Nesme, et deux autres spécialistes de la modélisation 3D : Benjamin Gilles, alors chercheur au CNRS, et Frederick Van Meer, docteur en robotique médicale. La cible ? Les fabricants d'appareillages au contact du corps (prothèses, releveurs de pied…) qui doivent être personnalisés pour chaque patient par l’adaptation à sa morphologie. Les résultats sont vite au rendez-vous. Après avoir travaillé avec le fournisseur de matériel médical orthopédique Thuasne (sur la personnalisation d'une genouillère), Anatoscope, qui compte aujourd'hui 60 collaborateurs, collabore notamment avec EOS Imaging, un spécialiste de l'imagerie médicale, « sur une technologie de reconstruction virtuelle de tous les tissus mous (muscles, organes de la cavité abdominale…). »L'entreprise a aussi travaillé avec Safran (sur un système permettant de calculer les forces d'interaction entre un humain et un exosquelette) et elle s'est rapprochée de Chabloz Orthopédie (groupe Ottobock), un spécialiste isérois de la fabrication de prothèses, d'orthèses et de grands appareillages orthopédiques sur mesure.

« Nous cherchons à numériser au maximum notre production qui a longtemps été très manuelle, par exemple pour la conception des statues en plâtre sur lesquelles on venait concevoir l'appareil, ou pour l'usinage de la prothèse », souligne l'orthoprothésiste Marc Souply, membre de l'équipe de recherche de Chabloz Orthopédie.

Nous avons travaillé ensemble sur la conception de nouvelles solutions qui nous aident à obtenir une copie très précise du patient (comprenant ses muscles et son ossature), puis à créer sur cette base l'appareil adapté.

Les deux sociétés développent aujourd'hui conjointement ce service en ligne pour les prothésistes, dédié à la conception, la simulation et la fabrication d'appareillages par impression 3D.

Des offres destinées aux prothésistes dentaires

Dans la même veine, Anatoscope procède actuellement à sa première levée de fonds pour développer son offre destinée aux prothésistes dentaires. Exit les moulages, là encore. Les nouveaux services numériques développés, qui s'appuient sur le socle technologique d'Anatoscope, doivent aider ces professionnels à exploiter une empreinte dentaire numérique en 3D, et par là même à optimiser le processus consécutif de conception d'un dentier amovible, d'un bridge, d'une dent… Entre autres exemples, Anatoscope a collaboré avec le groupe français Biotech Dental, grand fabricant d'implants et de matériels dentaires, pour la mise au point d'un service cloud de modélisation et d'aide à la conception de prothèses.

Des modèles faciles à manipuler

Tant pour les prothèses orthopédiques que pour les implants et appareillages dentaires, la force du système d'Anatoscope tient à la possibilité pour les utilisateurs de repositionner de façon très intuitive les avatars numériques et les modèles en trois dimensions. Il est aussi possible de simuler l'effet (les forces de contact, les déformations…) des solutions envisagées. « Et donc de valider des projets de traitement avant de les appliquer », résume François Faure.

Autre atout : les systèmes Anatoscope ne nécessitent aucune installation de logiciels sur les serveurs de l'entreprise ou de l'institution médicale qui les utilisent. Ils sont entièrement hébergés sur le Cloud et accessibles depuis un simple navigateur. « L'utilisateur visualise et interagit avec les images 3D au travers d'un flux vidéo, et il peut donc le faire depuis n'importe quel ordinateur ou tablette », détaille le président d’Anatoscope. « Les calculs, gourmands en ressources serveur, se font sur le Cloud. » L'expertise du praticien, et sa bonne information, font le reste.

Un doctorant Inria engagé dans l’aventure

Nicolas Comte, doctorant au sein de l'équipe-projet Morpheo (capture et analyse de formes en mouvement), effectue actuellement des recherches sur la modélisation de la scoliose en partenariat avec Anatoscope et le CHU de Grenoble. Il s’agit d’un doctorat Cifre (Convention industrielle de formation par la recherche), un dispositif qui permet aux entreprises de confier à un doctorant une mission dans le cadre d’une collaboration de recherche partenariale avec un laboratoire public de recherche.

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