Remi Gribonval : mathématicien du son et de l’image

Date:
Mis à jour le 15/10/2020
Cette année encore, quatre jeunes chercheurs d’Inria ont décroché une bourse du très sélectif Conseil européen de la recherche (European research council , ERC) pour mener pendant cinq ans une recherche exploratoire, avec un budget de 1 à 1,5 million d’euros. Parmi les lauréats : Rémi Gribonval, membre de l’équipe-projet Metiss, au centre Inria Rennes - Bretagne Atlantique. Son projet "Please" vise à développer de nouvelles méthodes de traitement du signal avec des applications dans le domaine de l’audio et du biomédical.

Le cœur du projet Please est avant tout méthodologique. Il vise à explorer de nouvelles méthodes, au confluent du traitement du signal et de l’apprentissage automatique, en utilisant des modèles parcimonieux des données. Des recherches fondamentales certes, mais qui auront également deux principales applications.

« Nous testerons nos méthodes et modèles en audio et en biomédical,  souligne Rémi Gribonval. Jusqu’à présent, poursuit le mathématicien, mes travaux concernaient surtout le domaine de l’audio. "Please" innove aujourd’hui en s’ouvrant plus largement vers le biomédical et notamment vers l’imagerie médicale, en s’appuyant sur les compétences d’équipes existantes d’Inria dans ce domaine. Nos recherches dans le champ de l’apprentissage automatique pourraient déboucher, par exemple, sur la découverte automatique de biomarqueurs (structures spécifiques) à partir de collections d’images du cerveau (radiographies, IRM). Leur identification pourrait aider au diagnostic de certaines maladies neurodégénératives. » 

Visionnaire, Rémi Gribonval ? Une chose est sûre : son programme ambitieux s’inscrit dans la droite ligne des travaux qu’il mène depuis plus de dix ans au sein d’Inria sur le traitement du signal, en utilisant pour cela une approche novatrice exploitant la "parcimonie" des données.

Développer des méthodes parcimonieuses pour décrire de manière concise une grande collection d’images et de son.

Ancien élève de l’École normale supérieure (ENS) de Paris, Rémi Gribonval a d’abord préparé  une thèse sur les applications mathématiques dans le domaine du son à l’École polytechnique et à l’IRCAM de 1995 à 1999.
Pendant un an, à l’université américaine de Caroline du Sud, il a ensuite travaillé sur les aspects théoriques des algorithmes développés pendant sa thèse.
En postdoc, Rémi Gribonval rejoint Inria… et y reste.  Il s’intéresse déjà à la représentation parcimonieuse de données, qui s’avère décisive pour traiter de grands volumes de signaux et représenter des données de façon concise.

« Certains algorithmes permettent de reconstruire des données manquantes à partir d’un jeu de données incomplet. Je l’ai démontré théoriquement et testé en pratique dans le domaine de l’audio. » Les contributions théoriques de Rémi Gribonval se sont révélées cruciales pour diffuser la notion de parcimonie en traitement de signal et d’image. Mais ses recherches ont également porté sur plusieurs applications. Ainsi, le projet collaboratif Small qu’il coordonne depuis deux ans, financé par l’Union Européenne, a récemment débouché en matière d’imagerie médicale sur la mise au point de techniques d’échantillonnage compressé permettant d’acquérir des images de haute résolution avec des temps d’acquisition raccourcis. Des applications ont également été développées pour l’imagerie satellite radar, et l’astronomie. Dans la continuité, « "Please" s’appuiera sur les travaux de Small qui prendra fin l’année prochaine  », rapporte Rémi Gribonval. Très concrètement, « la bourse de 1,5 million d’euros que je viens d’obtenir va nous permettre de recruter trois doctorants, trois postdoctorants et d’inviter des chercheurs à venir participer au projet. » Un succès pour Rémi Gribonval qui souhaite enclencher une nouvelle dynamique dans son domaine scientifique.

"Please" : la parcimonie dans toutes ses dimensions : Signaux et images sont des données de très grandes dimensions - plusieurs millions de pixels par exemple. Pour les manipuler efficacement, la notion de parcimonie exploite le fait que ces données peuvent être considérées approximativement comme des combinaisons d’un petit nombre de formes de base (des atomes) tirées d’un dictionnaire. Cette approche traditionnelle de la parcimonie s’apparente à la construction d’objets de formes compliquées avec un petit nombre de blocs Lego simples. Alors que la parcimonie a profondément influencé le traitement du signal depuis dix ans, « des résultats du projet Small nous ont permis d’identifier le potentiel de nouveaux modèles parcimonieux, dits à l’analyse, par opposition à l’approche traditionnelle dite à la synthèse », souligne Rémi Gribonval. L’un des volets du projet Please est de développer et d’exploiter ces nouveaux modèles dont les liens avec certaines équations de la physique sont très prometteurs. L’autre grand volet consistera à déployer des techniques de projection aléatoire pour l’apprentissage automatique. « En imagerie médicale (IRM) ou en radioastronomie, les projections aléatoires ont permis de réduire les temps d’acquisition ou d’améliorer la qualité d’image. En compressant de grandes collections de données avec ces outils, Please permettra d’extraire plus efficacement l’information qu’elles contiennent. »