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ReBrain, du chercheur à l'entrepreneur

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Mis à jour le 25/11/2021
Nejib Zemzemi, chercheur au sein de l’équipe Carmen du centre Inria Bordeaux – Sud-Ouest est devenu cofondateur avec son collègue chirurgien Emmanuel Cuny, de la startup ReBrain. Le chemin, du moment de la rencontre entre les deux hommes à l’aventure de l’entrepreneuriat, n’est pas un long fleuve tranquille. Découvrez le parcours de ce scientifique en santé numérique et les nouveaux défis qu’il se lance.
Portrait Nejib Zemzemi

Du cœur au cerveau

Nejib Zemzemi est chercheur Inria dans l’équipe-projet CARMEN depuis 2012. Pendant ses premières années au centre Inria Bordeaux - Sud-Ouest, ses recherches portent essentiellement sur l’activité électrique du cœur. Il se penche sur des problèmes inverses en électrocardiographie. « Ce sont des problèmes qui essaient d’expliquer les sources des arythmies cardiaques en se basant sur des mesures », nous explique le chercheur. Afin de comprendre toute la dynamique du cœur et de son fonctionnement, il s’intéresse aussi aux méthodes numériques pour développer les simulateurs de l’activité cardiaque. Pour ce faire, et comme beaucoup d’autres membres de l’équipe CARMEN, il travaille avec l’IHU Liryc (institut de rythmologie et modélisation cardiaque).

Parallèlement, Emmanuel Cuny qui est PUPH (professeur des universités - praticien hospitalier) au CHU de Bordeaux / université de Bordeaux, cherche à améliorer le quotidien des patients souffrant de tremblements grâce à la stimulation cérébrale profonde. L’une de ses problématiques de recherche réside dans la manière de trouver "géographiquement" le bon endroit pour installer les électrodes dans le cerveau. La principale technique pour l'heure utilisée pour atteindre la zone – qui bien qu’elle soit connue est difficile d’accès – consiste en une opération lourde et assez traumatisante pour le patient. En effet, ce dernier est éveillé pendant une grande partie de l’opération. L’objectif étant de voir sa réponse aux stimulations pour trouver la zone exacte où implanter les électrodes. 

Comment améliorer cette technique ? C’est la question que se pose Emmanuel. Peut-on partir de données préopératoires pour définir au millimètre près l’endroit où il faudra mettre les électrodes ? En mathématiques appliquées, c’est ce qu’on appelle un "problème inverse".

C’est en partageant sa problématique avec des cardiologues de l’IHU, qu’il est mis en relation avec l’équipe-projet CARMEN connue pour ses recherches en mathématiques appliquées au monde de la santé et plus particulièrement sur les problèmes inverses. Nous sommes en 2015, le début de l’histoire s’écrit.

Vidéo de présentation de la startup ©Rebrain-Oursicate

De la recherche au transfert

Les recherches pour résoudre ce défi débutent par des travaux autour des "méthodes d’apprentissage". Nejib Zemzemi, fort de son expérience avec cette méthode en cardiologie tente cette approche avec le cerveau. En quoi consiste cette méthode ? L’idée est de fournir suffisamment de données à un algorithme pour qu’il puisse apprendre de ces données et proposer des résultats efficaces si on le questionne avec un nouveau jeu de données.

Leur atout principal : la quantité de données qui leur est accessible pour "entrainer le modèle". Grâce aux informations des patients déjà traités avec l’électrode, notamment les imageries pré et postopératoires, l’algorithme peut aider de manière fiable les chirurgiens. L’outil numérique peut ainsi déterminer, pour chaque nouveau patient, où implanter, avec précision, le dispositif de stimulation dans le cerveau. Les prédictions réalisées par le prototype se révèlent exactes. En 2018, les chercheurs décident donc de développer un logiciel qui pourra être utilisé en clinique.

Mon but était de faire en sorte que ce que nous produisions puisse être utilisé par le neurochirurgien, nous confie Nejib Zemzemi.

Le logiciel, appelé alors OptimDBS, permet au neurochirurgien de réaliser un marquage spécifique sur l’IRM du patient malade pour obtenir une prédiction de l’emplacement où installer le stimulateur. Cette IRM marquée est alors transmise à une "station de planification" et l’opération peut débuter à l’aide d’un robot chirurgical.

Pour construire le logiciel, les scientifiques ont pu bénéficier du soutien d’Inria, notamment au travers de dispositifs internes, spécifiques à l’accompagnement au transfert et au développement technologique.

Initialement, l’équipe avait pensé transférer ses travaux vers un industriel et a donc déposé une demande de brevet autour de cette recherche avec l’aide de la société d’accélération de transfert technologique Aquitaine Science Transfert (SATT Aquitaine).

Au-delà du dépôt de brevet, la SATT Aquitaine a très vite vu les possibilités de transfert technologique. Notre souhait était alors de transférer notre recherche, tout en pouvant continuer à travailler sur le sujet scientifique, explique Nejib.

Aquitaine Science Transfert a en effet investi 226 000 euros depuis avril 2020 pour aider à la maturation de la preuve de concept technique et clinique du projet et financer la protection par brevet. Inria ayant pour sa part investi 100 000 euros en 2018 pour aboutir à une version utilisable dans un cadre clinique et procédé au dépôt du logiciel OptimDBS et de ses évolutions, indispensables pour garantir la pérennité de la technologie.

Une IA peut-elle nous aider à soigner la maladie de Parkinson ? Éléments de réponse avec les dirigeants de la startup Rebrain interrogés par Thomas Gouritin, de Regards Connectés.

La création de startup deeptech

Parmi les pistes possibles pour ce transfert, l’équipe a souhaité répondre à un appel à projet "Recherche Hospitalo-Universitaire", via l’Agence Nationale de la Recherche (ANR), appel qui permet entre autres choses aux structures académiques de travailler avec des structures industrielles pour développer des technologies et in fine les transférer à l’industriel. Malheureusement, cette piste n’a pu aboutir. Toutefois, la préparation de la réponse à cet appel à projet a permis aux chercheurs de faire avancer leur connaissance sur le sujet du transfert. À un point tel que, sur proposition de la SATT Aquitaine, les chercheurs ont décidé de partir eux-mêmes à l’aventure ! « Nous, on n’est pas formé à la création d’entreprise, on est des chercheurs, notre but est de faire avancer la recherche. Je n’avais pas du tout cette ambition de devenir entrepreneur », nous explique Nejib Zemzemi.

Après avoir cherché, en vain, un cofondateur au profil business et marketing, Emmanuel et Nejib se sont lancés "seuls" dans l’aventure. Seuls ? Pas vraiment ! Ils ont pu se faire aider, accompagner par l’incubateur de la SATT aquitaine : chrysa-link, et suivre des formations, notamment proposées par ce dernier mais aussi Inria Startup Studio (ISS). La crise sanitaire arrivant, le cursus commencé à l’École de Management de Lyon grâce à l’ISS a dû être annulé. En parallèle, l’école des hautes études commerciales (HEC) lançait un concours "HEC challenge plus" et, lauréats de ce concours les chercheurs ont pu recevoir une formation à la création d’entreprise.

Il faut admettre que la loi PACTE, sortie au moment de nos réflexions sur la création de startup, nous a permis de prendre la décision de l’entreprenariat plus facilement, confie Nejib.

 

La loi PACTE

La loi du 22 mai 2019, dite loi PACTE  (Plan d'action pour la croissance et la transformation des entreprises), est une loi qui vise à lever les obstacles à la croissance des entreprises, à toutes les étapes de leur développement : de leur création jusqu’à leur transmission, en passant par leur financement. Les scientifiques sont concernés par cette loi puisqu’elle leur permet, entre autres choses, de créer leur entreprise tout en restant, dans des propositions intéressantes, acteurs de la recherche publique.

 

Prochaine étape : entrepreneur à mi-temps

Une fois créée, la startup ReBrain a signé un contrat de licence pour exploiter le logiciel créé ensemble.

Notre startup doit nous permettre de valoriser ce logiciel tout en continuant de développer nos recherches. « Grâce à la loi PACTE, à partir du mois de juillet de cette année, je vais partager mon temps entre Inria et ReBrain. »

Bien que le logiciel soit déjà utilisé aujourd’hui, à des fins de recherche, un de nos challenges est de lui faire passer les étapes de certification comme "dispositif médical" pour qu’il puisse être utilisé comme outil clinique. Les exigences européennes et internationales sur ce type de matériels sont assez lourdes mais la startup s’est étoffée d’un ingénieur spécialisé dans ces questions de règlementations et, ensemble, ils ont bon espoir de passer ces étapes pour soumettre leur dossier de certification le 26 mai de cette année.

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