Neurofeedback : la start-up Mensia commercialise un traitement contre les déficits attentionnels

Date:
Mis à jour le 10/04/2020
Traiter les troubles de l’attention et l’hyperactivité des enfants, à domicile, grâce au neurofeedback : c’est le pari de Mensia , start-up issue d’Inria. Le dispositif Koala est d’ores et déjà disponible pour les patientes et patients. Basé sur la technologie OpenViBE , mise au point par l’équipe Hybrid chez Inria, il s’agit du premier dispositif médical utilisant une interface cerveau-machine utilisable à domicile.
Openvibes
© Inria / Photo G. Maisonneuve

« 300 000 familles françaises sont touchées par le trouble de déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH). Il n’existe actuellement qu’un seul traitement, un médicament à base d’amphétamines. 200 000 familles refusent ce traitement. Il y a donc un besoin majeur  », explique Michel Du Peloux, PDG de Mensia .

Depuis une dizaine d’années, des chercheurs et chercheuses ont montré des résultats intéressants sur l’utilisation du neurofeedback , pour traiter les troubles attentionnels.
« Nous avons vu que c’était une piste et qu’il y avait des choses à développer, se souvient Anatole Lécuyer, chercheur Inria et cofondateur de la start-up . En 2012, Mensia a été créée avec l’idée de proposer des solutions plus innovantes et plus adaptées sans effets secondaires pour cette pathologie.  »
La start-up a donc mis au point Mensia Koala , un appareillage de rééducation cérébrale pour les enfants à partir de 6 ans. Reposant sur cinq technologies brevetées, il a été homologué comme dispositif médical classe IIa.

Comment ça marche ?
Après prescription médicale, le dispositif se loue sur le site de Mensia . Il est composé d’un bonnet avec des électrodes et d’une tablette tactile. Chaque séance d’entrainement dure une trentaine de minutes pendant lesquelles le patient ou la patiente essaiera de pêcher des poissons par la pensée ou de réussir des puzzles. Onze jeux sont disponibles au total.
« Le traitement est personnalisable, explique Michel Du Peloux. Il est adapté aux ondes cérébrales et à l’électro-encéphalogramme de l’enfant. Il y a également un seuillage automatique, qui fait en sorte d’augmenter l’effort dès que l’enfant réussit et de redescendre d’un niveau, s’il a des difficultés. L’important est que l’enfant apprenne à se concentrer et en fixe le mécanisme mental.  » Il faut en moyenne 3 à 4 séances par semaine pendant 4 mois pour obtenir des résultats probants. Après chaque entrainement, les résultats sont envoyés à un médecin qui suit la progression de l’enfant.

Une version 2.0. d’OpenViBE

Dès ses débuts, la start-up s’appuie sur le logiciel OpenViBE , piloté par l’équipe Hybrid au centre Inria de Rennes pour traiter les signaux cérébraux en temps réel. Disponible en open source , l’outil est utilisé pour les neurosciences en temps réel et les interfaces cerveau-machine.
Anatole Lécuyer, responsable de l’équipe-projet Hybrid explique : « Le logiciel traite les signaux récupérés par les électrodes pour pouvoir les filtrer, les nettoyer de tous les parasites qui peuvent les polluer. Ensuite il va interpréter ces signaux et essayer d’extraire des ondes cérébrales intéressantes. Il peut être un support pour des produits de neurofeedback. Là l’idée est de modifier certaines ondes cérébrales dont on sait qu’elles sont liées à des pathologies.  »

En 2015, Mensia et l’équipe Hybrid mettent en place un laboratoire commun, CertiViBE , pour améliorer et développer OpenViBE . « L’idée était de travailler ensemble pour codévelopper un OpenViBE 2.0, qui a été utilisé pour Mensia Koala. Cette version est plus stable, plus mature avec une vraie qualité logicielle. L’objectif était de poser les bases pour que Koala puisse ensuite obtenir la certification "dispositif médical". C’était une vraie prouesse et c’est très rare pour un logiciel open source. Par ailleurs, la collaboration avec Mensia, qui en a l’exclusivité, nous a permis d’enrichir le logiciel avec de nouvelles fonctionnalités.  »

Des premiers résultats prometteurs pour Mensia Koala

Mensia Koala a fait l’objet d’une étude clinique débutée en 2016. 179 enfants dans 10 hôpitaux et 5 pays en Europe ont testé le dispositif. Les résultats seront publiés début juin. « C’est la plus grosse étude jamais réalisée qui combine les données cliniques et les données neurofeedback », indique le CEO de la start-up.
Un rapport intermédiaire, réalisé sur 56 patients, a déjà été publié en mai 2017. Les résultats ont permis au dispositif d’obtenir la certification européenne.
Il en ressort que 75 % des enfants ont obtenu une évolution de leurs neuromarqueurs. Par ailleurs, les effets secondaires apparaissent comme minimes ; 0,02 % des patients ont montré des signes de fatigue ou une légère insomnie. « Cette étude a également démontré que l’électro-encéphalogramme à domicile est de qualité équivalente à celui réalisé à l’hôpital. C’est très important, car c’est la première fois au monde que nous faisons du monitoring live avec un électro-encéphalogramme à la maison », précise Michel du Peloux.

Mensia Koala a été présenté aux professionnels de santé lors du Congrès de l’encéphale du 24 au 26 janvier 2018. « Il y a une véritable attente autour de ce dispositif, que ce soit du côté des médecins ou du côté des familles car, aujourd’hui, en matière de traitement du TDAH il n’y a quasiment aucune alternative validée aux amphétamines.  »

À noter que la start-up penche déjà sur un nouveau produit qui pourrait traiter les douleurs chroniques du dos.

Un consortium pour OpenViBE
Quarante-cinq années hommes ! C’est le temps qu’il a fallu aux chercheurs et chercheuses, et ingénieur.e.s des équipes Inria pour développer le logiciel OpenViBE . Aujourd’hui, il est utilisé par des équipes de recherche partout dans le monde et a été téléchargé plus de 50 000 fois.
« Il est utilisé pour faire des choses très différentes, indique Anatole Lécuyer. Cela va du simple curieux, qui veut tester une interface cerveau-machine chez lui jusqu’au laboratoire académique prestigieux. Nous au sein de l’équipe Hybrid, nous utilisons openViBE dans tous nos travaux liés aux interfaces cerveau-machine : réalité virtuelle, jeux vidéo mais aussi rééducation en partenariat avec des hôpitaux et des médecins.  »
Pour assurer la pérennité du logiciel, l’équipe-projet souhaite créer un consortium. Toutes les instances intéressées par OpenViBE , (entreprises, laboratoires, hôpitaux…) sont invitées à devenir membre et prendre alors part aux décisions relatives à l’amélioration ou aux évolutions. ConsorViBE serait hébergé chez InriaSoft .