Bourses ERC

Des méthodes numériques innovantes pour une simulation précise de phénomènes astrophysiques

Date:
Mis à jour le 31/01/2024
Les phénomènes astrophysiques sont souvent complexes et difficiles à modéliser mathématiquement. Les équations utilisées pour décrire ces phénomènes sont ardues et leur résolution peut être limitée en termes de précision et de fiabilité. Cependant, grâce aux avancées des méthodes numériques, il pourrait être possible d'obtenir des simulations plus précises, capables d’analyser toutes les variables du système étudié. C’est le défi que relève Elena Gaburro, chercheuse au sein de l’équipe-projet Cardamom du Centre Inria de l’université de Bordeaux qui vient d’obtenir une bourse "ERC Starting Grant" pour son projet ALcHyMiA.
Trous noirs
© ESA

Des méthodes numériques pour résoudre des équations complexes

Le développement de méthodes numériques avancées est un domaine de recherche qui vise à résoudre des problèmes complexes en préservant au niveau discret la structure des modèles physiques continus considèrés. Ces méthodes doivent être mathématiquement prouvées et permettre une résolution et une fiabilité supérieures à celles des simulations traditionnelles, en particulier pour des équations complexes.

Ainsi, dans ce cadre-là, Elena Gaburro développe de nouvelles méthodes numériques pour la résolution de tous types d’équations aux dérivées partielles hyperboliques. Cela correspond à une classe de formules mathématiques modélisant des phénomènes physiques très variés, de l’écoulement de l’eau dans les océans au mouvement des gaz dans l’atmosphère, en passant par la description de champs d’énergie ou de changements de phase. « Le but du projet ALcHyMiA, explique la jeune scientifique, est d’être capable de résoudre des équations, toujours hyperboliques mais vraiment complexes et nouvelles, qui décrivent tous ces phénomènes avec un seul modèle unifié. »

De l’équation d’Einstein à un nouveau modèle unifié

Afin de concevoir de nouvelles méthodes numériques vraiment puissantes, Elena Gaburro va s’inspirer des difficultés qui viennent de la simulation de l’équation de champ d’Einstein (principale formule mathématique à la base de la théorie de la relativité générale) qui décrit comment la matière modifie la géométrie de l’espace-temps et vice versa. « Il y a une nouvelle manière d’écrire l’équation d’Einstein dans cette formulation hyperbolique : grâce à ça on peut décrire de la même manière l’évolution de la matière et de la métrique de l’espace-temps ! » souligne Elena Gaburro.

Le fait de pouvoir traiter de manière unifiée et simultanée la géométrie de l’espace-temps et la matière est une grande avancée. « Cela nous ouvre la voie pour de nouvelles avancées sur de nombreuses applications, comme dans le domaine de l’astrophysique », ajoute la chercheuse.

Des équations pour étudier les ondes gravitationnelles

L'un des objectifs d’ALcHyMiA est d'étudier les ondes gravitationnelles. Ces dernières sont des oscillations dans la courbure de l’espace-temps produites par les phénomènes les plus violents du Cosmos, comme l’explosion d’une étoile ou encore la fusion de trous noirs. Pour cela, il est nécessaire de prendre en compte l'évolution couplée de la matière et de l'espace-temps. Cependant, ces processus instables peuvent présenter des caractéristiques complexes impliquant une énorme disparité d'échelles spatio-temporelles et de nombreuses difficultés de calcul différentes à gérer simultanément.


« Avec ALcHyMiA et les nouvelles méthodes que je développe, on serait en capacité de simuler le phénomène astrophysique souhaité, comme par exemple la collision entre des étoiles à neutrons, mais aussi d’extraire des informations concernant les ondes gravitationnelles générées », complète Elena Gaburro.

Des maillages spatio-temporels en mouvement

Pour aborder ces défis, la scientifique utilise une famille particulière de méthodes numériques d’ordre élevé appelée "schémas de Galerkin discontinus". Néanmoins, dans ce cadre déjà assez précis, l'utilisation d’ordres très élevés ou de maillages fins à eux seuls ne suffit pas. Il est nécessaire d'incorporer des techniques innovantes de préservation de la structure, capables non seulement de résoudre avec précision les équations aux dérivées partielles, mais aussi de garantir la préservation exacte, même au niveau discret, des invariants géométriques et physiques caractérisant les modèles étudiés.

Pour Elena Gaburro, le point de départ de ce travail va être l’utilisation de méthodes lagrangiennes. Ces dernières permettent de garantir certaines des caractéristiques géométriques des modèles étudiés et de les conserver en faisant bouger le maillage avec le fluide. Cependant, malgré ces avantages, il n'existe pas encore de schémas lagrangiens d’ordre élevé et vraiment robustes pour les écoulements complexes. « Dans le contexte de l’astrophysique par exemple, le maillage doit bouger avec le fluide pour des temps très longs et, si le fluide tourne, comme lors des disque kepleriens des trous noirs, le maillage risque de se détruire rapidement, ce qui réduit fortement la qualité de nos simulations, les rendant totalement inutilisables. »

C'est là que réside la principale étape de ce projet. L'idée clé de cette approche est d'étendre la connexion spatio-temporelle et l'intégration des équations aux dérivées partielles d'ordre élevé, même lorsqu'il y a un changement de topologie qui optimise la qualité du maillage en mouvement.

De nouvelles perspectives pour la compréhension de notre Univers

Avec le projet ALcHyMiA, la lauréate de la bourse "ERC Starting Grant" va pouvoir continuer ses travaux de recherches sur ces questions et passer de la 2D à la 3D. « Si je devais résumer mon projet, je dirais que mon travail va être de créer une nouvelle famille de méthodes numériques qui a toutes les caractéristiques de préservation des structures des équations étudiées, que ce soit géométriques ou physiques, pour la résolution d’équations hyperboliques avec comme principale application la simulation en 3D de nouveaux modèles complexes pour l’astrophysique », conclue Elena Gaburro.

Avec ce travail, la chercheuse va permettre une résolution et une fiabilité jamais égalées dans la modélisation des phénomènes astrophysiques. Grâce à leurs propriétés mathématiques démontrables, ses méthodes permettront d'étudier des événements astrophysiques extrêmement difficiles avec une précision accrue. Elles pourront alors ouvrir de nouvelles perspectives pour la compréhension et l'exploration de notre Univers.