Lauréat ERC 2015 : Rachid Deriche

Date:
Mis à jour le 11/02/2021
Rachid Deriche, directeur de recherche de classe exceptionnelle à Inria Sophia Antipolis - Méditerranée, responsable de l'équipe-projet Athena, vient de recevoir la bourse européenne ERC (European Research Council ) dans la catégorie Advanced pour le projet CoBCoM au confluent des mathématiques, de l'informatique et de la neuro-imagerie.

S'attaquer à un domaine particulièrement excitant et plein de défis scientifiques, celui de l'exploration et de la compréhension  du dernier continent encore terra incognita : le cerveau humain.

Qu'est-ce que cette bourse signifie pour vous ? 

Cette prestigieuse bourse européenne est une superbe marque de reconnaissance du travail que j'ai pu effectuer à ce jour et une grande marque de confiance et de soutien pour mener à bien le projet proposé. 
C'est une bourse qui vient saluer mes efforts de recherche depuis près d'une trentaine d'années maintenant et ce, aussi bien dans les domaines de l'analyse  mathématique des images, de la vision par ordinateur que dans celui plus récent de la neuro-imagerie computationnelle.

Avoir obtenu cette bourse et mener le projet sous les couleurs de notre institut est tout à la fois un bonheur et un honneur pour moi. J'en profite donc pour saluer et remercier ici tous ceux et toutes celles avec qui j'ai eu le plaisir de travailler et en particulier, mes étudiants et étudiantes passés, les membres de mon équipe Athena, mes collègues chez Inria, mes amies et amis d'autres institutions aussi bien nationales qu'internationales et bien entendu toute ma famille à qui je dois plus que beaucoup pour son soutien et pour son encouragement constants.

Comment cette bourse va-t-elle vous aider concrètement dans vos recherches ?

La durée et le montant de cette subvention lui donnent un cachet véritablement exceptionnel et en font l'objet de rêve pour tout chercheur et toute chercheuse qui souhaitent s'attaquer dans la durée à des projets risqués sans avoir à se soucier des aspects liés aux financements, plus que chronophages et énergivores.

Cette bourse va donc me permettre en pratique de recruter plusieurs doctorantes et doctorants, postdoctorantes et postdoctorants ainsi que des ingénieures et ingénieurs qui viendront renforcer mon équipe et contribuer au développement et à la mise en œuvre des solutions permettant d'atteindre les différents objectifs annoncés. C'est aussi une bourse qui va me permettre d'inviter d'éminentes et éminents collègues soit pour participer à certains colloques à organiser soit pour des séjours chez Inria afin d'avancer ensemble et confronter nos solutions.

Qu'est-ce qui vous a attiré depuis toutes ces années dans ce domaine de recherche ?

Après une vingtaine d'années de recherche en imagerie et vision par ordinateur, c'est en 2000 que mon intérêt scientifique s'est tourné vers le domaine des neurosciences, et plus particulièrement vers celui de la neuro-imagerie.

Plusieurs raisons m'ont poussé à faire preuve de cette mobilité thématique : chez Inria, nos thèmes de recherche et  nos objectifs sont établis pour une durée maximale de douze ans, avec une évaluation tous les quatre ans par des expertes et experts internationaux, issus aussi bien du monde académique que du monde industriel. Après trois évaluations pleinement réussies depuis mon arrivée, avec mes collègues, sur le site de Sophia Antipolis en 1988, et surtout après la création en 1998 de la startup RealViz et du transfert réussi de nos travaux de recherche en imagerie et vision 3D à cette entreprise, il était très clair avec mes collègues, et en premier Olivier Faugeras avec qui j'ai eu le très grand plaisir de collaborer tout au long de ces années, qu'on tenait là une superbe opportunité pour faire preuve de mobilité thématique et s'attaquer à un autre domaine, bien plus complexe, particulièrement excitant et plein de défis scientifiques : celui de l'exploration et de la compréhension du dernier continent encore terra incognita : le cerveau humain ! Devant l'étendue des défis qui nous attendaient tous, c'est tout naturellement qu'avec mes collègues Maureen Clerc et Théodore Papadopoulo, j'ai créé l’équipe-projet Inria Athena en 2010 que Demian Wassermann a rejointe en 2014.

Un vrai renouveau ?

Au-delà de ces raisons, je savais que j'allais vivre une expérience scientifique particulièrement excitante et unique : se lancer dans un domaine où les données à traiter sont hétérogènes, multiéchelles, multimodales et fort complexes, vivant sur des variétés comme le cortex, contribuer dans un domaine en pleine émergence et à fort potentiel dans le domaine médical, refaire ses classes au sein d'une communauté nouvelle où personne ne vous connaît, où les conférences et les journaux où vous devez publier sont nouveaux, où vous devez construire un nouveau réseau de partenaires académiques, cliniques et industriels pour créer des algorithmes à l’origine d’applications concrètes dans les domaines des neurosciences et de la neuro-imagerie....

Bref, se remettre à nouveau dans la peau du jeune chercheur que j'étais quand j'ai commencé mes recherches dans le domaine du traitement et analyse mathématique des images et mettre à nouveau à l'épreuve ma plasticité cérébrale, comme lorsque je suis passé au domaine de la vision par ordinateur, tout cela me semblait correspondre parfaitement à ce que je souhaitais à ce moment là. Et, in fine, c'est certainement une décision que je ne suis pas près de regretter.

Quel est l'objectif de recherche que vous avez proposé à l'ERC ?

Le projet de recherche CoBCoM "Computational brain connectivity mapping" porte sur la construction d'un réseau dynamique des connectivités structurales et fonctionnelles du cerveau humain.

Construire un réseau dynamique des  connectivités structurales et fonctionnelles du cerveau humain et ouvrir la voie au développement de nouveaux marqueurs.

Il s'agira de développer de nouvelles techniques d'analyse et d'imagerie principalement basées sur les données produites par l'IRM de diffusion pour l'aspect structural ainsi que par la magnéto-encéphalographie (MEG) et l'électro-encéphalographie pour l'aspect fonctionnel et de les appliquer pour cartographier de manière dynamique le réseau des connectivités cérébrales et ouvrir la voie au développement de nouveaux marqueurs pour l'imagerie cérébrale.

Quelle est l'originalité de votre approche ?

Les modalités d'imagerie sur lesquelles nous allons travailler (IRMd, MEG, EEG) permettent d'explorer le cerveau de manière non invasive et in vivo avec une bonne résolution spatiale (IRMd) et temporelle (MEG et EEG). On peut dire que l'IRM de diffusion est l'unique technique permettant de remonter aux faisceaux de fibres de la matière blanche et de reconstruire de façon non invasive les autoroutes de l'information du cerveau humain. De même, on peut dire que l'EEG et la MEG sont les techniques reines pour explorer l'activité cérébrale de façon non invasive.

Quel défi scientifique ?

L'acquisition de données en IRMd, EEG et MEG pose de nombreux problèmes liés à la quantité, à la complexité, et à l’hétérogénéité de ces données. Au-delà des modélisations et développements méthodologiques basés sur des outils mathématiques et informatiques intégrant aussi bien les méthodes variationnelles pour le traitement et l'analyse mathématique des signaux, que les techniques avancées de traitement et d'apprentissage statistique du signal, nous allons dans ce projet aller bien au-delà encore dans la modélisation avec l'élaboration d'un réseau dynamique des connectivités structurales et fonctionnelles.

Ces défis seront relevés via des modèles d'ordre supérieur et des outils de géométrie riemannienne et de théorie des graphes, tout en prenant en compte l'information de microstructure associée au réseau des fibres de la matière blanche et la physique de la formation des signaux. Le cœur de ce projet scientifique est avant tout méthodologique mais bien entendu, avec les membres de mon équipe nous allons aussi interagir et collaborer avec de nombreux champs disciplinaires et allons aussi œuvrer, avec l'aide de nos partenaires dans le domaine clinique, à ce que des retombées pratiques puissent concrétiser nos travaux en permettant le développement de nouveaux marqueurs pour l'imagerie cérébrale et les maladies neurodégénératives.

En conclusion

Ces recherches ont un impact sociétal et économique conséquent. Une étude européenne récente estime que plus d'un tiers des Européennes et Européens sont effectivement touchés par ce qu'on appelle des troubles mentaux.

Si la santé n'a pas de prix, elle a un coût et du fait d'une population de plus en plus vieillissante, il est très clair que c'est un défi immense que de développer des techniques pouvant permettre de mieux comprendre et diagnostiquer les maladies neurodégénératives.