Bourses ERC

Florence Marcotte : explorer les champs magnétiques des étoiles

Date:
Mis à jour le 07/09/2023
Existe-t-il des champs magnétiques cachés au cœur de l’espace, dans certaines étoiles ou planètes ? Comment se forment-ils ? Quels sont leurs effets ? Voilà trois questions fondamentales pour les astrophysiciens. Florence Marcotte, chercheuse en mécanique des fluides au Centre Inria d'Université Côte d'Azur espère bien y répondre grâce à la bourse européenne ERC Starting Grant qu’elle vient d'obtenir ! Elle nous explique ce challenge.
Portrait de Florence Marcotte
© Aurélie Macarri - Université Côte d'Azur

La bourse ERC décernée par le Conseil européen de la recherche vous octroie un million d’euros sur cinq ans. À quoi destinez-vous ce financement ?

Il va me permettre de recruter des doctorants et postdoctorants pour travailler en équipe sur un sujet dans la continuité de mes recherches : la dynamique de fluides conducteurs d'électricité, qui peuvent engendrer dans les systèmes stellaires un champ électromagnétique par un processus qu'on appelle l'effet dynamo.

Nous en avons un exemple sous nos pieds avec le champ magnétique terrestre. Mais si ce dernier est relativement bien compris, il existe par exemple des étoiles dans lesquelles l'existence d'un champ magnétique est suspectée, mais dont l'origine, la structure et l'impact sur le plasma stellaire sont inconnus. Or, ce sont des questions fondamentales en astrophysique, car l'existence d'un champ magnétique peut fortement influencer l'évolution d'une étoile, en modifiant sa rotation par exemple.  

Concrètement, comment comptez-vous explorer l'origine des champs électromagnétiques dans l’espace ?

Le projet que va financer la bourse ERC utilisera une théorie mathématique, celle du contrôle optimal. Dans certains objets astrophysiques, la formation de champs magnétiques dépend crucialement des conditions initiales. Mathématiquement, cela signifie que les équations non linéaires qui gouvernent leur évolution peuvent admettre plusieurs solutions, et que selon la perturbation magnétique initiale, le système évoluera spontanément vers un équilibre plutôt qu'un autre : par exemple une solution dynamo, c'est-à-dire que l'objet développera un champ magnétique persistant et auto-entretenu, ou au contraire une solution non magnétique.

Identifier directement un équilibre dynamo est très difficile en raison de la nature de ces équations et nécessite souvent d'avoir une idée assez précise de la solution recherchée… ce que justement nous n'avons pas ! La théorie du contrôle optimal permet de contourner cet obstacle, comme nous l'avons montré dans un article récent dans la revue PRL (Physical Review Letters) : on cherche les perturbations initiales qui maximisent l'énergie du champ magnétique à un temps donné, puis à l'aide de simulation numérique classique, on vérifie a posteriori que ces "graines initiales" sont capables de déclencher une instabilité dynamo, et on suit leur évolution jusqu'à atteindre l'équilibre recherché. Cela peut cependant ne pas marcher à tous les coups… c'est la partie risquée du projet !

À terme, quelles applications pourraient découler de vos recherches ?

Nous allons essayer de suivre cette méthode pour modéliser les zones radiatives des étoiles, dans lesquelles les possibles mécanismes dynamo sont encore mystérieux. Par exemple, un problème intrigant est l'existence du "désert magnétique" des étoiles de masse intermédiaire : les champs magnétiques détectés à la surface de ces étoiles sont soit très intenses, soit extrêmement faibles… et personne ne sait pourquoi ! C'est un défi intéressant de tenter de comprendre comment des objets à l'origine semblables peuvent suivre deux évolutions magnétiques aussi distinctes. Nous testerons aussi notre approche sur la question de l'origine de la turbulence des disques protoplanétaires (disques de gaz et de poussières qui donnent naissance aux planètes).

Vous êtes mécanicienne des fluides, chercheuse au sein d'une équipe de mathématiques appliquées, travaillant sur des sujets d’astrophysique… Comment conjuguez-vous ces différents champs ?

Il faut beaucoup discuter avec des collègues de divers domaines, afin de trouver un langage commun. Quand je suis arrivée au sein de l'équipe Castor d’Inria en 2019, je n'utilisais d'ailleurs pas les mêmes termes que les mathématiciens pour parler pourtant des mêmes méthodes. Mais à force de lectures d'articles, de collaborations avec les astrophysiciens, notamment à l'Observatoire de la Côte d'Azur, j'essaie de faire le lien entre les trois communautés. Et j'apprécie vraiment la chance que j'ai de pouvoir mener mes recherches dans un laboratoire qui combine mécanique des fluides et mathématiques appliquées !

En savoir plus

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Public expert :

Florence Marcotte

Dates clés dans le parcours de Florence Marcotte

  • 2009-2013 : Ingénieure civile des Ponts-et-Chaussées, Paris.
  • 2012-2013 : Master recherche en mécanique des fluides, Université Pierre et Marie Curie & École Polytechnique, Paris.
  • 2013-2016 : Doctorat au Laboratoire de radio-astronomie de l'École Normale Supérieure & Institut de Physique du Globe, Paris
  • 2017 : Postdoctorat à l'Université de Cambridge, Department of Applied Mathematics and Theoretical Physics (DAMTP)
  • 2019 : Chargée de recherche Inria dans l'équipe commune Castor (Centre Inria d'Université Côte d'Azur /Laboratoire JA Dieudonné, Nice)