Erwan Faou : révéler les secrets mathématiques des lois de la physique

Date:
Mis à jour le 15/10/2020
Cette année encore, quatre jeunes chercheurs d’Inria ont décroché une bourse du très sélectif Conseil européen de la recherche (ou European Research Council , ERC) pour mener pendant cinq ans une recherche exploratoire, avec un budget de 1 à 1,5 million d’euros. Parmi les lauréats : Erwan Faou, mathématicien, membre de l’équipe-projet Ipso. Rencontre.

Si pour beaucoup les mathématiques restent un mystère, pour Erwan Faou, c’est du grand art, au même titre que la musique ou la peinture. « La recherche en mathématiques est un métier extraordinaire, au cours duquel on peut produire de très belles choses, s’enthousiasme-t-il. Il faut beaucoup travailler, ça empêche de dormir parfois… mais c’est exaltant ! » Normalien (ENS Cachan Bretagne), agrégé de mathématiques, il a intégré en 2001 l’équipe Ipso (Inria Rennes - Bretagne Atlantique) pour inventer et analyser rigoureusement de nouvelles méthodes numériques, capables de simuler des phénomènes physiques tels que le repliement des protéines, l’évolution des planètes, ou les modélisations météorologiques, océanographiques, aéronautiques, etc.

Les équations de la physique qui régissent ces phénomènes - comme celles de la mécanique quantique, de la dynamique moléculaire ou de la mécanique des fluides  - sont très compliquées du point de vue mathématique, explique le chercheur. Nous utilisons la simulation numérique pour analyser les phénomènes physiques sous-jacents et finalement trouver des modèles numériques aussi proches que possible des modèles physiques.

La simulation peut ainsi remplacer de coûteuses expériences de laboratoire.

Avec son projet ERC, Erwan Faou veut convaincre les mathématiciens les plus théoriques que ces modèles numériques peuvent être considérés comme des modèles à part entière et non comme de simples outils d'approximation, qu’ils sont aussi importants que les équations traditionnelles de la physique. En les étudiant de la façon la plus poussée possible, avec tous les outils de l'analyse mathématique moderne, il compte aussi découvrir de nouveaux phénomènes physiques et mathématiques et améliorer les performances de ses algorithmes.

Les modèles numériques peuvent être considérés comme des modèles à part entière.

« Je vais m'intéresser à l'approximation numérique de phénomènes physiques évoluant sur des temps longs, comme un système moléculaire, un condensat ou un plasma », précise-t-il. Une tâche particulièrement ardue du point de vue mathématique. Elle repose sur la reproduction des propriétés de ces équations (comme la conservation de l’énergie au cours du temps pour l'équation de Schrödinger en mécanique quantique) par des méthodes numériques baptisées intégrateurs géométriques (cf ci-dessous). « Pour les équations aux dérivées partielles comme l'équation des ondes, de la mécanique des fluides ou les équations faisant intervenir des termes aléatoires, l'élaboration et l'étude de ces intégrateurs géométriques reste encore balbutiante, reconnaît-il… tandis que les applications sont gigantesques.  »

Grâce à sa bourse, Erwan Faou pourra encadrer une équipe de doctorants et postdoctorants, et organiser des rencontres interdisciplinaires par exemple entre spécialistes de l’analyse numérique et mathématiciens purs, spécialistes des mathématiques probabilistes et déterministes.

De belles pistes à explorer, autant d’équations à disséquer, de démonstrations à discuter… pour ce véritable passionné de mathématiques tant théoriques qu’appliquées.

Des structures mathématiques incontournables

Que ce soit en mécanique classique ou en mécanique quantique, les équations de la physique possèdent généralement une structure mathématique dite hamiltonienne ou symplectique. Elle détermine le comportement des solutions de ces équations pour des temps longs, des milliards d'années pour les planètes, une seconde pour une molécule. Depuis une trentaine d'années, il est acquis que les méthodes numériques préservant cette structure mathématique – au moyen d’intégrateurs symplectiques – permettent les meilleures simulations. Les physiciens (pour l’astronomie) et les chimistes (en dynamique moléculaire) les utilisent très largement. Ces intégrateurs commencent aussi à être appliqués en mécanique quantique et en mécanique des ondes. Tout ou presque reste néanmoins à faire en mécanique des fluides et des plasmas.