Amedeo Napoli : "Le malade n’est pas un humain en panne !"

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Mis à jour le 19/05/2021
On parle beaucoup d'intelligences artificielles au pluriel, comme si c'était des "créatures savantes", sans savoir ce que cela recouvre effectivement dans la réalité, il faudrait être plus circonspect. Amedeo Napoli, informaticien, travaille sur l'intelligence artificielle, la fouille de données et l'apprentissage machine. Sa spécialité est la "découverte de connaissances dans les données". Directeur de recherche CNRS et responsable de l’équipe de recherche Orpailleur, commune au centre Inria Nancy Grand Est et au LORIA, ses travaux s'appliquent en biologie, chimie et médecine, entre autres.

« Dans les années quatre-vingts, au temps des "systèmes experts", on a cru que le diagnostic médical ne serait plus qu’une formalité. En fait, cela a échoué car, si les systèmes de diagnostic de panne fonctionnent assez bien, l’humain n’est pas une machine et son diagnostic de dysfonctionnement est nettement plus complexe !

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© L.Verger - CHRU Nancy

Quelles études l'équipe de recherche Orpailleur mène-t-elle ?

Nous faisons de la fouille de données. Par exemple : prenons une table à deux entrées qui met en relation des individus et des caractéristiques. Nous cherchons à mettre en évidence les caractères qui discriminent les individus atteints, ou non, d'une maladie en cours d'étude. Ensuite, une fois identifiés, nous cherchons à savoir si certains caractères ou marqueurs discriminants sont prédictifs de la maladie. Ces deux tâches sont souvent très difficiles à mener. 

Quels sont les objectifs de vos travaux ?

Une des idées est de faire des analyses plus complètes pour mettre en place du dépistage de pathologie à grande échelle. Le problème, c’est que nous ne savons pas pendant combien de temps un marqueur va être discriminant et / ou prédictif. Le monde évolue dans des environnements fluctuants et, à un moment donné, tel facteur va prendre de l'importance dans la pathologie en s'associant avec certains autres marqueurs qui n'ont pas d'effets isolément. C’est très complexe de travailler sur la combinaison des marqueurs et leurs interactions avec l’environnement.

Sur quoi travaillez-vous actuellement ?

Beaucoup de choses ... Avec des nutritionnistes de Clermont Ferrand (INRA), nous cherchons des marqueurs prédictifs du diabète de type 2 dans une cohorte où sont enregistrées des données sur des personnes depuis plus de 20 ans. Cette étude est globale et tient compte de caractéristiques liées à la biologie, la génétique, les habitudes et les lieux de vie, etc.

Nous menons également des recherches sur les antibiotiques dont on sait que l’efficacité est remise en question par la résistance bactérienne. À tel point que l’Organisation Mondiale de la Santé en a fait une priorité. Nous disposons de bases de données d’antibiotiques existants  et des bases de molécules candidates pour devenir éventuellement des antibiotiques. S’y ajoutent d’autres molécules dont on aimerait savoir si elles ont des caractéristiques propres aux antibiotiques. Il faut alors tester des assemblages innovants qui peuvent donner des antibiotiques nouveaux, qu'il faut ensuite valider à la paillasse. Trouver de nouvelles stratégies informatiques pour combiner ces structures moléculaires devrait faire avancer l’état de l’art.

Grâce à un système qui s’appuie sur des principes d’intelligence artificielle ?

Ces recherches relèvent de la découverte de connaissances et sont de fait liées à l’IA. Longtemps les données ont été "opposées" aux connaissances. Clairement, l’aller-retour entre elles est permanent et naturel. D’un côté, les données peuvent être analysées pour révéler des éléments de connaissance. De l’autre, les connaissances peuvent intervenir en fouille de données et aussi être gérées et analysées comme des données. Aujourd’hui, il est bon de gommer certains clivages et de travailler de concert pour traiter des problèmes médicaux difficiles mais importants pour toute la société. »

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Article de Laurence Verger, Responsable communication recherche - CHRU de Nancy

pour le magazine © Re.Med. / nov.2018