Changed on 12/04/2021
Titulaire de la Chaire Innovation technologique Liliane Bettencourt du Collège de France de 2011 à 2012, membre de l’académie des sciences dans la section « Sciences mécaniques et informatiques et Intersection des applications des sciences » et cocommissaire scientifique de la nouvelle exposition « Robot » à la Cité des sciences et de l’industrie, Jean-Paul Laumond vient de rejoindre l’équipe projet Willow commune à l'ENS, le CNRS et Inria. Ce spécialiste des mouvements robotiques entend ainsi faire avancer sa discipline grâce à l’expertise d’Inria en matière d’intelligence artificielle et de vision artificielle.

Le parcours de Jean-Paul Laumond est représentatif de sa discipline, la robotique : une histoire née il y a trente-cinq ans et qui n’a eu de cesse de se réinventer.
Rien ne prédestinait pourtant cet ancien professeur de mathématique à une trajectoire académique. « Après cinq ans à enseigner en collège et lycée, c’est par le hasard des rencontres que j’ai entendu parler de robotique. Une tendance nouvelle m’a fasciné en particulier : celle d’intégrer des notions de géométrie avancées dans des algorithmes des machines pour mieux définir leurs mouvements », raconte celui qui aime se définir comme un « géomètre de la robotique ».

Jean-Paul Laumond
Aquadarius [CC BY-SA 4.0] via Wikimedia Commons

Son intérêt pour ce champ de recherche naissant le pousse à se lancer au début des années quatre-vingts dans un doctorat sous l’égide des chercheurs Malik Ghallab et Georges Giralt. Ce dernier vient alors de créer l’entité destinée à devenir le groupe Robotique et intelligence artificielle du LAAS, dans lequel Jean-Paul Laumond sera embauché en tant que chercheur CNRS en 1985.

Ses travaux sur la planification de mouvements rencontrent rapidement un large écho. Bien avant l’avènement de la voiture autonome, Jean-Paul Laumond est l’auteur dès 1993 d’une publication renommée dans laquelle il décrit les algorithmes permettant au robot sur roue Hilare de se garer automatiquement… le tout avec une remorque ! Ces avancées trouvent par ailleurs des applications plus larges, qui conduiront Jean Paul Laumond à fonder la startup Kineo-Cam entre 2000 et 2003. Rachetée par Siemens en 2012, cette dernière applique la planification de mouvement aux simulations numériques industrielles. « Aujourd’hui, n’importe quelle pièce est modélisée avant fabrication, de l’écrou jusque à la voiture en passant par l’usine qui les fabrique. Mes algorithmes permettaient de s’assurer que les mouvements des différentes pièces étaient compatibles au sein du système modélisé », détaille le chercheur.

Après cette parenthèse entrepreneuriale, Jean-Paul Laumond revient à sa carrière de chercheur pour appliquer l’algorithmique du mouvement à un domaine aussi émergent que prometteur : la robotique humanoïde.

 

Dès que l’on considère un robot à deux bras et deux jambes, le seul maintien de l’équilibre constitue déjà un problème bien plus complexe que le mouvement d’un véhicule sur roues ! 

 

 

Un défi qui l’amène à convoquer des disciplines connexes comme la biomécanique ou la neurophysiologie, « car il faut d’abord comprendre le mouvement humain pour le reproduire », poursuit le roboticien. De 2005 à 2008, Jean-Paul Laumond devient ainsi le codirecteur du laboratoire franco-japonais de robotique humanoïde CNRS-AIST JRL .

Sa nomination à la Chaire Innovation technologique Liliane Bettencourt du Collège de France de 2011 à 2012 marque une reconnaissance : « pas seulement de mes travaux personnels, mais aussi de la robotique en tant que science à part entière, dotée de ses problématiques propres », se félicite le chercheur.

Son plus grand défi actuel : parvenir à faire évoluer les robots dans la vie de tous les jours, bien au-delà des univers bien cadrés et délimités comme les environnements industriels qu’ils ont déjà conquis.

 

L’avènement de robots véritablement autonomes passe par leur capacité à comprendre et évoluer dans un univers non clos et chaotique… Ce qui revient en quelque sorte à acquérir un sens de la Physique comparable à la compréhension intuitive que nous autres humains avons de notre environnement

 

 

Ce problème de taille, sur lequel bute l’ensemble de la robotique actuelle, constitue d’ailleurs l’une des raisons pour lesquelles Jean-Paul Laumond a choisi de rejoindre l’équipe Willow en janvier 2019. De fait, les algorithmes de type deep learning  (ndlr : apprentissage profond), sont au centre des récentes et spectaculaires avancées de l’intelligence artificielle dans des domaines variés comme le jeu de go, la reconnaissance automatique d’images ou la conduite des voitures autonomes. « Mais toutes ces applications consistent en du traitement de données pur. Le défi supplémentaire avec la robotique sera de combiner la vision artificielle avec des interactions dans le monde physique », prévoit Jean-Paul Laumond.

 

Je souhaitais voir ce que peuvent apporter les méthodes d’apprentissage automatique sur lesquelles Inria possède une grande expertise

Fort de cette expertise, mais aussi de ces questionnements, le chercheur est l’un des deux cocommissaires scientifiques de l’exposition permanente "Robots"  de la Cité des Sciences, en partenariat avec le CNRS et en coopération avec Inria, ouverte depuis le 2 avril 2019. Le visiteur peut y découvrir les rouages essentiels d’un robot, du capteur aux algorithmes, ainsi qu’une sélection de machines très variées. Mais l’exposition invite aussi à se questionner sur ce qu’est un robot, et en quoi il diffère d’une simple machine. « Ma définition réside justement dans le mouvement : à la différence d’une machine dont tous les mouvements sont définis à l’avance, un robot doit effectuer des mouvements pour lesquels il n’a pas été explicitement programmé », résume Jean-Paul Laumond.

Expo robots

5 date-clés :

  • 1985 : Entrée au CNRS en tant que chercheur
  • 2000 : Création de la startup Kineo-Cam  
  • 2005-2008 : Codirection du laboratoire franco-japonais de robotique humanoïde CNRS-AIST JRL.
  • 2011-2012 : Titulaire de la Chaire Innovation technologique Liliane Bettencourt du Collège de France de 2011 à 2012
  • 2019 : Intégration au sein l’équipe projet commune Willow (CNRS, ENS, Inria), cocommissaire scientifique de l’exposition permanente "Robots" de la Cité des Sciences

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