Changed on 02/11/2023
Des chercheurs du centre Inria de Paris et de l’Institut du cerveau et de la moelle épinière (ICM) ont découvert, pour la première fois, des altérations cérébrales et cognitives très précoces, presque invisibles, chez des personnes dont on sait qu’elles développeront plus tard une démence fronto-temporale (DFT) ou une sclérose latérale amyotrophique (SLA). Ils cosignent un article sur le sujet dans la revue médicale JAMA Neurology du 2 décembre 2017. Une avancée notable pour la recherche thérapeutique.
Interprétation des résultats et du traitement statistique d’images médicales
© Inria / photo C. Morel

Plus connues sous les noms de maladie de Pick et maladie de Charcot, les dégénérescences fronto-temporales (DFT) et la sclérose latérale amyotrophique (SLA) sont des pathologies neurodégénératives liées à la perte progressive de neurones dans les lobes frontaux, temporaux et des régions motrices du cerveau. Elles se manifestent dans le premier cas par des troubles du comportement, dans le second cas par une paralysie musculaire progressive. Il n’existe pas de traitement pour les guérir. Une fois les symptômes déclarés, il est trop tard : le processus de destruction des cellules cérébrales, amorcé des années plus tôt, est bien engagé. Les recherches thérapeutiques portent donc plutôt sur des traitements préventifs, capables de freiner le développement des lésions avant l’apparition des premiers signes cliniques.

Il faut donc agir quand il n’y a pas encore de symptôme ni d’altération visible en imagerie médicale. Comment, dès lors, savoir si les molécules testées sont efficaces à un stade où il n’y a pas encore de marqueurs de la maladie ? C’est à cette question que souhaitaient répondre le Dr Isabelle Le Ber, neurologue à l’Institut du cerveau et de la moelle épinière (ICM), et le Dr Anne Bertrand, neuroradiologue à l’hôpital parisien de la Pitié-Salpêtrière, quand elles ont fait appel à l’équipe-projet Aramis du centre Inria de Paris. Celle-ci développe des outils mathématiques pour l’étude du cerveau et de ses pathologies.

Découverte de microscopiques lésions neurologiques

Les chercheurs se sont intéressés à un groupe de sujets particulier : les individus porteurs de la mutation génétique C9orf72. Parce que celle-ci est dominante, elle conduit dans tous les cas au développement de lésions qui seront responsables, selon les cas, d’une DFT ou d’une SLA. La cohorte étudiée, constituée par le Dr Isabelle Le Ber, est l’une des plus importantes concernant cette mutation au niveau mondial. 

En comparant les images médicales et les tests cognitifs de sujets porteurs et non porteurs de ce gène C9orf72, les chercheurs ont découvert que des altérations sont déjà présentes avant l’âge de 40 ans, soit une dizaine voire une vingtaine d’années avant les premiers symptômes. Ces signes sont très discrets et n’avaient jamais été observés. Il s’agit d’une difficulté à réaliser de petits gestes de motricité fine – toucher son auriculaire avec son pouce, par exemple – et de microscopiques lésions, invisibles à l’œil nu sur une IRM. Si les chercheurs ont pu les décrire avec précision, c’est grâce à un logiciel développé par l’équipe Aramis et baptisé Clinica.

Clinica, le logiciel qui a favorisé la découverte

« Notre logiciel permet de réaliser des traitements complexes d’images médicales dans le cadre d’études de recherche clinique », explique Olivier Colliot. « Les médecins n’ont pas toujours l’expertise nécessaire pour utiliser des enchaînements d’algorithmes sophistiqués. Clinica les aide à combiner les différents outils informatiques nécessaires. »  Une aide précieuse, qui peut faciliter d’autres analyses d’images menées dans le cadre d’études de pathologies cérébrales (maladie d’Alzheimer, épilepsie, etc.). C’est pourquoi l’équipe l’a mis gratuitement à disposition sur le site www.clinica.run.

Les travaux qui viennent d’être publiés font partie d’un programme plus large, PrevDemALS*, coordonné par le Dr Isabelle Le Ber, de l’ICM, et visant à mieux connaître la phase présymptomatique des DFT. Cofinancé par l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) et l’Agence nationale pour la recherche (ANR), ils ont aussi bénéficié d’un autre dispositif : le poste d’accueil Inria/AP-HP, qui permet à des médecins hospitaliers de Paris de consacrer 50% de leur temps, pendant un an, aux recherches qu’ils mènent en commun avec des équipes de l’institut. « Le fait que le Dr Anne Bertrand ait pu intégrer l’équipe à mi-temps a permis d’arriver plus vite à des résultats », confirme Olivier Colliot.

Olivier Colliot
Olivier Colliot - Équipe-projet Aramis

Comment voyez-vous évoluer votre domaine de recherche ?

Le traitement des images médicales est en pleine mutation. Bientôt, notre travail ne consistera plus seulement à extraire des informations dans les images mais à les intégrer avec d’autres types de données – cognitives, biologiques, génétiques – caractérisant les maladies, afin de construire une vraie médecine numérique. Nous espérons concevoir des algorithmes capables d’identifier les pathologies dès les stades présymptomatiques et de prédire leur évolution. Cela pourrait être décisif pour la découverte de nouveaux traitements. 

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