Changed on 19/10/2020
En associant leurs forces, ils ambitionnent de révolutionner la santé au travail avec leur projet baptisé Numii® qui offre la possibilité de mieux détecter et analyser les troubles musculosquelettiques (TMS). Rencontre avec des quasi homonymes très complémentaires : David Daney, chercheur chez Inria et responsable de l’équipe AUCTUS, et Cyril Dané, président de la société AIO.
Test d'un exosquelette pour faciliter les mouvements
© Inria / Photo M. Magnin

Quel a été le point de départ de votre collaboration ?

David Daney : Ce qui nous a reliés dès le départ, c’est une réflexion commune sur la pénibilité au travail. Pour ma part, le but de l’équipe AUCTUS est de concevoir des robots en assistance à l’humain. Et pour cela, il nous faut bien connaître l’humain et les situations où il se trouve en fragilité pour ensuite concevoir l’interaction humain-robot la plus ajustée.

Cyril Dané : Chez AIO, nous nous sommes lancés dans l’aventure autour d’un constat : en vingt ans, peu de choses ont changé dans l’industrie pour les opérateurs et opératrices et, plus généralement, sur la pénibilité au travail. Et pourtant les conséquences sont très importantes. Selon l'Agence européenne pour la sécurité et la santé au travail, la mauvaise qualité des conditions de sécurité et de santé au travail représenterait 3,3 points de PIB et coûterait 467 milliards d'euros à l'Union européenne chaque année !

En quoi préfigurez-vous l’usine du futur avec Numii ® ?

Cyril Dané : Numii® est le premier objet connecté industriel générant la première base de données sur le travail humain. Placez-le à proximité d’une personne qui travaille, et en un clic mesurez en temps réel ses gestes et ses efforts. Il permet alors de visionner instantanément les positions d’inconfort et donc de proposer des solutions d’amélioration. Il rend également possible le suivi individualisé de chaque salarié à l’aide d’un tableau de bord. Mais cela va plus loin car toutes les données collectées seront ensuite retraitées et anonymisées pour constituer cette base de données au profit du monde scientifique et de la santé pour tous. C’est pourquoi nous avons fait le choix d’un modèle économique singulier qui favorise la collecte massive d’informations. Les collectivités ou les entreprises paieront ainsi un prix modeste – de l’ordre de 20 à 30 euros – pour l’usage et les données collectées seront ensuite partagées de manière ouverte avec la communauté scientifique. Notre ambition en 2018 est de collecter plus d’un million de mesures !

David Daney : Cette solution représente effectivement un pas important dans la réduction de la pénibilité, notamment pour des secteurs très exposés comme le bâtiment ou l’industrie. Mais j’insiste également : Numii ® va plus loin que le produit. C’est tout le sens de ce modèle économique qui ouvre des perspectives scientifiques énormes. Grâce à lui, il nous sera possible d’observer l’opérateur sur le long terme. Avec cette analyse globale, nous allons affiner notre connaissance de la pénibilité. Nous pourrons donc ensuite concevoir des robots de manière beaucoup plus adéquate. Mais les bénéfices ne s’arrêtent pas là. Pour l’individu, cela signifie de meilleures conditions de travail. Pour l’entreprise, une meilleure productivité qui prend en compte le bien-être de l'humain. Pour la Sécurité sociale, moins de dépenses de santé. Leur valeur scientifique et sociétale est inestimable.

Quelles en sont les prochaines étapes ?

Cyril Dané : Nous revenons du CES de Las Vegas, où nous avons présenté Numii ®. Les retours sont très positifs et nous nous lançons ces jours-ci dans une campagne de démonstrations auprès d’entreprises des secteurs de la logistique, de l’industrie et du bâtiment. Notre objectif à court terme est de livrer au printemps l’industriel français avec qui nous avons développé Numii ®. Nous avons encore quelques adaptations à réaliser. Car ne l’oublions pas, Numii ® devra avoir toutes les qualités d’un produit industriel avec une vraie qualité d’usage pour l’entreprise qui l’utilisera.

David Daney :  Et si l’on voit à plus long terme, de nombreux challenges scientifiques sont identifiés mais beaucoup sont encore à découvrir. Car plus il y aura de données collectées, plus nous serons en mesure d’identifier de nouvelles problématiques – notamment sur les stratégies de travail. Cela pourra représenter des axes de recherche très fructueux à l’avenir. 

Pour conclure, au-delà du projet Numii ®, qu’est-ce que cette première collaboration a modifié dans votre travail ?

Cyril Dané : Le travail avec l’équipe AUCTUS et David est très enrichissant. Leur miroir et la qualité de leur questionnement nous ont réellement fait changer d’avis sur beaucoup de sujets techniques lors du développement de Numii ®.

David Daney : Nous sommes fondamentalement d’accord sur la finalité et la philosophie du produit. Nous nous challengeons donc surtout sur ses fonctionnalités, son implémentation, le type de capteurs à utiliser, etc. C’est sur cette base que nous construisons nos itérations à l’aide de POC (proofs of concept ) qui doivent être viables du début à la fin du projet. Et c’est peut-être ce qui a été le plus nouveau pour moi : mener en même temps une recherche sur le long terme mais avec des livrables intermédiaires – les POC – toujours valorisables. 

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