Industries du futur

Spatial : Inria et le CNES s’allient autour de la construction des satellites du futur

Date:
Mis à jour le 08/04/2024
Le machine learning, la blockchain, le quantique, les technologies de stockage des données ou encore le calcul intensif sont autant de sujets que le secteur spatial se doit de maitriser pour préparer le futur. C’est pourquoi Inria et le CNES ont décidé de signer un accord stratégique leur permettant d’unir leurs compétences autour de la conception et la construction des satellites du futur.
Illustration d'un satellite
@NASA/JPL-Caltech/SwRI/MSSS/kevin M.Gill/VR2Planets/2023

Les sciences du numérique au cœur des enjeux du domaine spatial

La donnée spatiale a connu un essor considérable durant la dernière décennie, tant en diversité qu’en développement de son usage. Chaque donnée récoltée permet en effet de compléter avantageusement les observations in situ, aériennes et les modèles, et ainsi de répondre à des questions théoriques et sociétales, tout en ouvrant de nouveaux marchés. 

Ces données demandent aujourd’hui au secteur spatial d’être en mesure de comprendre et maitriser de nombreux sujets, à commencer par les technologies de stockage des données, le calcul intensif, ou encore le traitement de la donnée et l’intelligence artificielle, en passant par la blockchain et le quantique. Autant de domaines sur lesquels Inria a de grands atouts à faire valoir grâce à ses travaux de recherche.

Ce constat a poussé Inria et le CNES (Centre national d’études spatiales) à signer un partenariat visant à développer des nouvelles approches numériques (informatique, mathématiques appliquées, IA), notamment autour de la conception et la construction des satellites du futur

Verbatim

L’idée, c’est qu'en unissant nos forces il sera possible de faire naître de beaux projets communs autour des nouveaux satellites, et de les réaliser ensemble. Tous les domaines de l'informatique embarquée sont concernés, mais aussi des télécommunications et de l'intelligence artificielle car les nouveaux satellites reposeront fortement dessus pour les traitements de données qu'ils auront à effectuer.

Auteur

Alain Girault

Poste

Adjoint au Directeur général délégué à la science d’Inria en charge du domaine de recherche "Algorithmique, programmation, logiciels et architectures" et responsable du partenariat pour Inria

Le CNES et Inria ont, en particulier, identifié deux priorités stratégiques :

  • Jumeau numérique sémantique et valorisation de la donnée
  • Traitement et IA embarquée – frugalité

Faire du jumeau numérique un laboratoire d'intégration de données

Les jumeaux numériques de la Terre et des territoires permettent d’en décrire l’état actuel, de prédire leurs évolutions et d’explorer des scénarios. Pour la planification écologique, l’aménagement, la mobilité, la prévention des risques environnementaux et naturels, ce sont des ingrédients essentiels du développement de l’activité économique et de l’appui aux politiques publiques. Ces jumeaux, basés notamment sur des modèles d’assimilation de données, sont en plein essor et peuvent grandement bénéficier des données spatiales d’observation de la Terre. Ils sont au cœur des applications scientifiques et industrielles de demain. 

Ils font appel à de nombreux modèles de données et intègrent des sources de données très hétérogènes (différents formats, différentes représentations, différentes échelles, différents sujets, etc.). L'intégration de ces données est donc compliquée par la nature mais aussi par la variété des méthodes disponibles, leurs combinaisons possibles, le passage à l'échelle et les coûts induits. 

L'enjeu de cet axe de travail, porté du côté d’Inria par Florent Massegliaadjoint au Directeur général délégué à la science d’Inria, est ainsi la représentation, la production et la maintenance évolutive de (méta)données et de connaissances clés pour l'intégration dans le jumeau numérique sous forme d'un commun numérique ouvert.  L'objectif est de faire du jumeau numérique un laboratoire d'intégration de données permettant une navigation à la fois simple et efficace, dans des représentations 2D, 3D, ou plus.

Les travaux permettront notamment de proposer et évaluer les modèles et méthodes de représentation standard des jeux de données, de leurs métadonnées et de leurs liens d'interconnexion. Il s'agira également de créer des visualisations interactives de données géospatiales et associées pour des applications spécifiques. Cela permettra aux utilisateurs de sélectionner les données à afficher de manière flexible, de naviguer à travers ces données et les territoires à différentes échelles ou périodes, et offrira des outils de collaboration pour des utilisateurs, qu'ils soient dans le même lieu ou à distance. 

Il s’agira ainsi, dans les prochains mois, d’étudier la représentation des données et métadonnées sous forme de knowledge graphs et l'utilisation et l'extension des standards (RDF, SPARQL, SHACL, RDFS, OWL). Ce partenariat permettra également d’étudier les apports de l'IA symbolique (représentation, accès raisonnement, validation) et de l’IA non symbolique (augmentation, extraction, interaction) pour les tâches de gestion, exploitation et maintenance.

À plus court terme, pour ce qui est de l'interaction et de la visualisation, un ensemble de cas d'usages principaux visés par la collaboration sera déterminé, tandis que la préparation des données pour les rendre visualisables et interactives est prévu dans un second temps, pour pouvoir ensuite mettre au point des techniques dédiées.

Vers un apprentissage profond frugal

Avec l’arrivée de nouvelles capacités de calculs à bord des satellites et des améliorations dans les traitements des données, nous pouvons envisager de déporter une partie des traitements réalisés auparavant dans le segment sol des missions spatiales directement dans les capteurs à bord des satellites

Ces traitements embarqués ouvrent de nouvelles possibilités de réduire le débit du lien bord-sol, mais soulèvent de nouveaux défis : augmentation de la couverture spatiale en restreignant aux objets d’intérêt, programmation intelligente en pré-détectant à bord la zone à observer, etc. Pour ce faire, il est indispensable de développer des algorithmes capables d’être exécutés sur des calculateurs embarqués. 

Inria et le CNES coopéreront sur la définition d’algorithmes d’intelligence artificielle embarquables, qu'on qualifie alors de « IA bord », tout en y intégrant la question de la frugalité. « L'outil d'IA privilégié actuellement par le CNES pour ses qualités de détection est le l’apprentissage profond, mais nécessitant plusieurs centaines à plusieurs milliers de paramètres. L'enjeu est alors de tendre vers de l’apprentissage profond dit frugal, c'est-à-dire visant à réduire ce nombre de paramètres sans trop perdre en performance », explique Christophe Biernacki, ex-responsable de l’équipe de recherche MODAL du Centre Inria de l’Université de Lille, adjoint au Directeur général délégué à la science d’Inria et responsable scientifique de l’axe « Traitement et IA embarqué – frugalité » du partenariat Inria/CNES.

La première étape de ce partenariat consistera ainsi à explorer les pistes de recherche en IA frugale les plus prometteuses au regard des spécificités du CNES (matériels spatiaux spécifiques, objectifs pratiques prioritaires). « Inria apporte une expertise scientifique de premier ordre sur les fondements théoriques dédiés à la frugalité des algorithmes d'IA. Ainsi, la chaire IA de Rémi Gribonval (équipe OCKHAM) propose un compromis théorique entre efficacité, ressources et fiabilité. Pour une IA à grande échelle, fiable et efficace, l'ERC d'Alessandro Rudi (équipe SIERRA) propose par ailleurs un cadre théorique et algorithmique solide », conclut Christophe Biernacki.