Architecture systèmes et réseaux

Cloud Computing : Un PEPR pour repositionner la France sur un marché stratégique

Date:
Mis à jour le 10/04/2024
Ce 4 avril 2024 est organisé le lancement officiel du PEPR Cloud, copiloté par le CEA et Inria. Ce programme, doté d’une enveloppe budgétaire de 51 millions d’euros sur sept ans, s’articule autour de plusieurs enjeux : la souveraineté, la sécurité, et la frugalité.
PEPR Cloud
© Inria / Photo C. Morel

Soutenir une recherche souveraine autour du Cloud

De son émergence au début des années 2000 à son adoption massive pour le stockage de volumes de données aujourd’hui, le Cloud Computing est actuellement confronté à des défis technologiques de taille.

En tête de ces défis, le "Edge Computing", ou " informatique en périphérie de réseau", qui consiste à maintenir un continuum entre les Clouds (hébergés dans des "datacentres") et les périphériques IoT grâce à une fédération massivement géodistribuée de petits datacentres placés en bordure du réseau.  Un tel continuum est nécessaire pour permettre de traiter les données au plus près des usages et favoriser l’essor des applications informatiques de demain (villes intelligentes, e-médecine, véhicules autonomes, etc.) et offre de plus une opportunité majeure pour la reprise en main d’un marché dominé par les GAFAM, mettant en péril la souveraineté de l’Europe.

Les piles logicielles développées pour les infrastructures Cloud actuelles ne permettent pas de prendre en compte ces changements et ce pour la quasi-totalité des couches. En effet, ces solutions n’ont pas été conçues pour intégrer les caractéristiques intrinsèques à ce nouveau type d’infrastructure comme par exemple l’hétérogénéité, la mobilité des ressources de stockage et de traitement ou le paramètre que ces infrastructures soient gérées potentiellement par un ensemble d’opérateurs distincts. 

« Nous nous retrouvons dans une situation où ces datacentres, construits de manière conséquente, ne font plus sens face à nos enjeux de souveraineté et de sécurité. Nous sommes aujourd’hui face à de vraies problématiques de gestion de données et de réactivité. Paris et ses milliers de caméras en est un exemple frappant. Si nous devions faire un traitement pour analyser rapidement les informations issues de ces caméras, nous ne saurions pas faire puisque remonter la totalité des flux vidéo en permanence vers un datacentre centralisé n’est pas envisageable d’un point de vue technique», explique Adrien Lebre,  directeur du PEPR Cloud pour Inria. 

Par ailleurs, des dimensions transverses comme la sécurité ou l’énergie doivent être également renforcées. Du point de vue de la sécurité, les mécanismes classiques doivent être adaptés pour prendre en compte l’augmentation de la surface d’attaques induite par le continuum Cloud-Edge-IoT (plus de données, plus de datacentres hétérogènes, plus d’appareils connectés, une mobilité des utilisateurs et des ressources, une hétérogénéité des réseaux d’accès, etc.). 

Verbatim

Nous n’arrivons plus à appréhender ces infrastructures construites dans un continuum. Nous avons construit quelque chose qui nous dépasse chaque jour un peu plus.

Auteur

Frédéric Desprez

Poste

Directeur du Centre de recherche Inria de l'Université Grenoble Alpes

Du côté de l’énergie, les infrastructures Edge offrent plus d’opportunités et de leviers d’actions (énergies renouvelables, réutilisation de l’énergie dissipée par le refroidissement, réduction des mouvements de données, etc.) que les grosses infrastructures centralisées.  De même, il est prévu d’aborder plusieurs questions autour de la prise en compte et l’optimisation de l’empreinte énergétique de chacune des applications.

Un PEPR pour accompagner l’évolution des besoins dans le domaine

Une réflexion partagée par plusieurs acteurs du secteur, parmi lesquels Inria et le CEA, qui se sont vu confier en 2021 le pilotage du PEPR Cloud, lancé par le Gouvernement dans le cadre de la stratégie nationale Cloud. Ce PEPR, dont le budget substantiel s’élève à 51 millions d’euros, a pour objectif de poursuivre et intensifier l’effort de recherche française autour du Cloud, mais aussi faciliter le transfert des innovations et solutions issues de la recherche vers l’industrie et les principales communautés open source.

Verbatim

Les technologies évoluent, les besoins et les demandes aussi… Il est donc important pour la France d’accélérer dans la recherche sur le Cloud Computing au sens large, et notamment sur les applications que nous construisons ou plutôt construirons au-dessus (villes intelligentes, industrie du futur, télémédecine, réalité augmentée etc.) 

Auteur

Adrien Lebre

Poste

Directeur du PEPR Cloud pour Inria

Le CEA et Inria, qui ont décidé dès la création du PEPR de s’entourer de représentants du CNRS, de l’IMT, d’UDICE et de la CDEFI pour établir la feuille de route du programme, ont ainsi déterminé des axes de travail majeurs : gestion du cycle de vie des infrastructures  et des applications qui s’y exécutent, supervision, gestion des données sur le continuum, nouveaux équipements matériels et virtualisation, ainsi que les deux problématiques transverses que sont la sécurité et la maîtrise de la consommation énergétique. 

« L’objectif derrière ces axes de travail est d’étudier toutes les couches logicielles des clouds de demain, des couches les plus basses jusqu’aux plus hautes, et de faire tout cela de manière sécurisée et frugale : supervision de l’infrastructure, gestion de données, gestion de la virtualisation, récupération des informations, gestion de l’énergie à tous les niveaux, etc. Il faut tout prendre en compte », explique Frédéric Desprez. 

Une feuille de route en trois volets

La première étape du programme a été de cartographier la communauté de recherche, qui a permis de dresser un état des lieux complet des acteurs de la recherche dédiée au Cloud afin de les relier aux sujets définis comme stratégiques.

En parallèle, sept projets prioritaires ont été identifiés pour ce PEPR. Cinq d’entre eux concernent les couches logicielles nécessaires au déploiement des clouds distribués de demain, et deux s’intéressent aux aspects transverses autour de la sécurité des infrastructures et la maîtrise de leur consommation énergétique comme indiqué un peu plus haut. 

Un appel à projet construit autour de deux axes, le premier sur des travaux algorithmiques permettant d’optimiser certains critères de performances et de fiabilité des piles logicielles développées et le second sur l’impact de différents domaines d’applications sur la conception même de ces piles logicielles, est également prévu dans la feuille de route du PEPR. Enfin, le programme prévoit un banc d’essai sous forme d’une infrastructure expérimentale distribuée. « L’idée globale est de donner les clés au secteur pour effectuer une transition majeure, en passant d’un monde où l’on a quelques "méga" datacentres pilotés par les GAFAM, à un modèle plus décentralisé avec de ressources de traitements et de stockages au plus près des usages », conclut Adrien Lebre.