Véronique Cortier : Prix Inria - Académie des sciences du jeune chercheur

Date:
Mis à jour le 08/04/2021
Spécialiste des protocoles de sécurité, Véronique Cortier imagine aujourd'hui les solutions qui permettront demain de sécuriser notre vie numérique. Elle développe notamment un système de vote électronique open source, appelé Belenios. Son credo : faire confiance à son ordinateur est globalement une mauvaise idée…

« Je suis contre le vote électronique pour les élections politiques !  », lance d'entrée de jeu Véronique Cortier, directrice de recherche CNRS et membre de l'équipe-projet CASSIS, à Nancy. Paradoxalement, ce sont pourtant ses travaux sur la sécurisation des protocoles de vote électronique qui ont le plus contribué à sa renommée croissante au niveau européen. « Le vote électronique est utilisé de plus en plus fréquemment pour des scrutins de moindre envergure, dans le monde associatif, syndical ou universitaire, explique-t-elle. Mais le principe gagne du terrain et, tôt ou tard, le vote électronique concernera les élections politiques majeures. La démocratie en ligne va dans le sens de l'Histoire. La sécurisation des protocoles de vote est donc un enjeu majeur pour nos sociétés. Il est de ma responsabilité de mettre mes connaissances au service de l'émergence de protocoles fiables et réellement sécurisés, garantissant à la fois l'intégrité et la confidentialité des votes. »

Sécuriser la vie en ligne

Fille de deux professeurs de mathématiques, Véronique Cortier a rapidement été séduite par la dimension ludique des mathématiques. « Dès le collège, j'aimais résoudre des énigmes et faire des concours de jeux mathématiques dans les magazines spécialisés  », raconte Véronique Cortier. Un intérêt qui l'a finalement conduite jusque sur les bancs de l'ENS de Cachan. C'est là que sa passion pour les mathématiques a trouvé un prolongement dans l'informatique. « Nous avions un cours obligatoire d'informatique, qui m’a ouvert les yeux sur l'intérêt des algorithmes et leur caractère ludique. » La jeune étudiante découvre le monde de la recherche lors de sa thèse, un univers par lequel elle se sent très vite attirée. « J'étudie les logiciels critiques, ceux pour lesquels l'absence de bogues ou de failles de sécurité est particulièrement déterminant, précise Véronique Cortier. Cela concerne le monde bancaire, le commerce en ligne, mais également une part croissante de tous les actes de notre vie. Je m'intéresse aux protocoles de sécurité ou protocoles cryptographiques, utilisés pour le paiement en ligne, l'authentification et la sécurisation des échanges au sens large.  »

Entre académie et industrie

Les travaux de Véronique Cortier sur la vérification automatique de programmes et sur la sécurisation des protocoles, lui ont rapidement offert une forte visibilité et une reconnaissance sur le plan international. En témoignent deux prix de thèse (Specif et le Monde), une ERC Starting Grant, ainsi que deux conférences invitées au Collège de France, la dernière ayant eu lieu en mars 2015.

Parallèlement, Véronique Cortier joue un rôle moteur dans l'animation de la recherche conduite dans ce domaine. Elle est notamment fondatrice et responsable du groupe de travail Vérification du GDR Informatique-Mathématique, qui compte deux cents membres. Elle est également cofondatrice du workshop international Formal and Computational Cryptography. Ses travaux au sein de l'équipe-projet CASSIS ont débouché sur le développement d'outils de tests pour les protocoles de sécurisation, ainsi que sur un système de vote électronique open source, appelé Belenios, autour duquel plusieurs partenariats industriels ont été établis. Une plate-forme de vote sera mise en ligne dans le courant de l'automne, sous forme de ressource en accès libre, pour permettre à chacun de mettre en place une élection en ligne.

Un prix et un message

Devenue directrice de recherche à seulement 32 ans, en 2010, Véronique Cortier est la deuxième femme à recevoir le Prix Inria - Académie des sciences du jeune chercheur. « C'est une véritable reconnaissance de mes travaux, juge-t-elle. C'est également un accélérateur potentiel. Un tel prix est toujours un tremplin dans une carrière. »

Interrogée sur les recommandations qu'elle donnerait à de jeunes diplômés tentés par une carrière dans la recherche, elle préfère s'adresser aux décideurs du monde académique et politique : « Faisons attention aux jeunes générations de chercheurs et aux étudiants qui n'ont pas encore choisi entre recherche et industrie. Nous devons leur offrir des perspectives suffisamment attrayantes pour ne pas laisser partir nos talents. La réduction drastique des postes dans le monde universitaire, ainsi qu'une politique de recrutement en dents de scie, sont autant de mauvais signaux que nous adressons aux jeunes talents qui feront demain le succès de notre recherche. » Un message fort qui témoigne de son engagement dans notre société, à l’opposé des clichés sur les chercheurs enfermés dans leur bulle !

Témoignage

Martin Abadi
Martin Abadi, professor emeritus à l'Université de Californie Santa Cruz et principal scientist chez Google
« J'ai trouvé chez elle la rapidité d'esprit et la capacité de raisonnement qu'un tel domaine de recherche exige. Je l'ai invitée à plusieurs reprises à l'université de Californie Santa Cruz et nous avons publié ensemble une série d'articles sur la sécurité informatique et la cryptographie. Parmi ses qualités de scientifique, j’ai remarqué non seulement son grand talent technique mais aussi son goût du défi, son ouverture d'esprit, sa capacité à travailler en équipe et, en prime, à faire le lien entre un effort de recherche et les implications concrètes de ce travail dans notre vie de tous les jours. »

Bio expresse

  • 2003 - doctorat en informatique à l'ENS de Cachan ;
  • 2003 - chargée de recherche affectée au laboratoire LORIA au CNRS ;
  • 2009 -  habilitation à diriger des recherches en informatique ;
  • 2010 - directrice de recherche CNRS.
  • Fondatrice et responsable du groupe de travail Verif, au sein du GdR-IM
  • A l'origine de 21 publications scientifiques
  • Intervention à 53 reprises lors de conférences internationales.
Véronique Cortier
© Inria / Photo G. Scagnelli