Science du vivant

Une ''Mosaic'' d'expertises pour décrypter la morphogenèse

Date:
Mis à jour le 08/04/2021
Créée en janvier 2018, l'équipe Mosaic travaille main dans la main avec des équipes de biologistes pour comprendre les principes fondamentaux du développement des organismes vivants.
Illustration plante
© Inria / Photo C. Morel

 

Le recours à la génétique pour la création de nouvelles variétés végétales afin d'obtenir un meilleur rendement ou des caractères plus qualitatifs n'a rien de récent. Mais jusqu'à ces dernières décennies les méthodes restaient largement empiriques. « Pour les sélectionneurs, les plantes restaient des "boîtes noires" que l'on améliorait par croisement jusqu'à l'obtention des traits désirés. Faute de connaissances suffisantes, il n’était simplement pas question de s’appuyer sur la compréhension des mécanismes biologiques sous-jacents, explique Christophe Godin, directeur de recherche de l'équipe Mosaic (Inria Grenoble Rhône-Alpes). La question de la façon dont les gènes régulent le développement des formes vivantes restait peu explorée et sa formalisation mathématique n'était tout simplement pas d'actualité, même si des pistes sérieuses avaient été clairement envisagées dès le début des années cinquante dans les travaux pionniers d’Alan Turing sur la morphogenèse. »

Des plantes aux animaux

Aujourd'hui cette question est le sujet central des recherches menées par l'équipe Mosaic, créée en janvier 2018 dans le prolongement de l'équipe Virtual Plants (Inria Sophia Antipolis - Méditerranée).

«Au sein de Virtual Plants les travaux portaient essentiellement sur la modélisation des plantes fondée sur l'étude détaillée du fonctionnement et de la production des zones tissulaires de croissance baptisées méristèmes, poursuit Christophe Godin. Pour Mosaic – Simulation et Analyse de la Morphogénèse in siliCo – l'objectif principal est d'identifier les principes clés qui gouvernent le développement des formes vivantes en nous appuyant sur des modèles mathématiques. »

Pour cela, la jeune équipe n’hésite pas à puiser son inspiration dans l’observation des mécanismes provenant également du règne animal. Par exemple, le mécanisme d'inhibition latérale caractérise une situation dans laquelle l'expression d'un gène dans une zone "interdit" aux gênes des cellules voisines d'adopter le même comportement. Il se trouve que des cas particuliers de ce mécanisme général ont été observés chez les plantes comme chez les animaux…

« Dans Mosaic, nous souhaitons utiliser les ressorts de l'informatique et de l'abstraction mathématique pour comprendre en quoi ces différents systèmes mettent en jeu un principe commun à la morphogénèse du vivant. Pour ce faire nous nous concentrerons sur quelques espèces modèles bien connues des chercheurs en biologie, comme les ascidies chez les animaux ou les arabettes chez les plantes », souligne Christophe Godin.

Un laboratoire au croisement des disciplines

S'ils sont administrativement rattachés au centre de recherche grenoblois, les quatre chercheurs permanents "et demi" de Mosaic œuvrent au quotidien dans les locaux de l'ENS Lyon.

« Nous constituons l'une des 9 équipes du laboratoire de Reproduction et de Développement des Plantes, une structure portée par 5 instituts (Université de Lyon, ENS de Lyon, Université Claude Bernard Lyon 1, CNRS, INRA) en partenariat avec Inria et qui conjugue approche biologique classique et expertises multidisciplinaires (biophysique, bio-informatique, modélisation mathématique…) pour développer une meilleure compréhension du développement et de l'évolution des structures végétales », ajoute Christophe Godin. La composition de l'équipe elle-même est le reflet de cette approche transversale, puisqu'on y trouve un biophysicien, un statisticien, un informaticien et un spécialiste en mathématiques appliquées, sachant qu'un collaborateur du CNRS partage son temps entre Mosaic et une autre équipe du laboratoire RDP.

Avec l'expérience, ce brassage de spécialités devient une véritable richesse


 

« À force de travailler ensemble, et avec nos partenaires biologistes, nous développons une culture et un langage communs. C'est un atout de taille dans la collaboration au quotidien avec les biologistes dont l'univers est assez éloigné de celui des mathématiques. Aujourd'hui je crois que nous parvenons à un état de symbiose où chaque entité peut s'appuyer sur les savoir-faire des autres pour mieux explorer les mécanismes du vivant tout en enrichissant nos propres disciplines. C'est un travail de longue haleine mais le jeu en vaut certainement la chandelle ! », conclut Christophe Godin.