Éducation et numérique

Un projet Art et Science en résidence au collège Blanqui de Bordeaux

Date:
Mis à jour le 17/06/2021
Soutenu par la Délégation académique à l'éducation artistique et culturelle, Inria, la région Nouvelle-Aquitaine et la Fondation Blaise Pascal, le projet Louis 14.0 franchit un nouveau pas en termes de médiation en milieu scolaire. Porté par Juliette Chabassier, chargée de recherche au centre Inria Bordeaux Sud-Ouest et membre du collectif Les Précieuses, il a intégré le projet d’établissement "Résidence d’artistes" du collège Auguste Blanqui situé à Bordeaux. Un parcours interdisciplinaire qui montre l’intérêt des projets scientifiques en matière d’éducation artistique et culturelle.
Les Précieuses
© Les Précieuses

Comment trouver la fréquence d’un son ? Calculette à la main, les élèves qui assistent à l’atelier "résonnance et modes" tentent de résoudre ce premier problème posé par Juliette Chabassier, hautboïste et mathématicienne appliquée. La formule éclaircie, ils observent alors que plus la fréquence d’une note est haute, plus le son est aigu. Et si cette fréquence dépendait de la longueur du tuyau de l’instrument utilisé ? Nouveau calcul ! Avec comme application concrète : la flûte de Pan.

Ce jeudi 6 février marque le début d’une semaine au programme inhabituel pour les deux classes de quatrième du collège Auguste Blanqui qui participent au projet "Baroque 2.0 ?". Un parcours musical, scientifique et théâtral qui fait partie intégrante du projet d’établissement "Résidence d'artistes" soutenu chaque année par la Délégation académique à l'éducation artistique et culturelle (DAAC). Menés et conçus par Claire Gaucherand, professeure d’éducation musicale, Hervé Dicharry, professeur de mathématiques, et l’ensemble Les Précieuses, qui réunit six musiciennes et une comédienne, les huit ateliers proposés ont pour objectif de rendre accessible à ces jeunes la culture scientifique et artistique. Ils découlent du projet Louis 14.0, un spectacle parsemé d’explications mathématiques et physiques qui permettent de comprendre le jeu musical. 

Un projet interdisciplinaire

En cinq ans d’exercice dans cet établissement, c’est la première fois que Claire Gaucherand conduit un projet qui mêle autant de disciplines.

L’enseignement est malheureusement trop cloisonné et la musique est souvent considérée comme un divertissement alors qu’elle est une manifestation de ce qui se passe dans la société. Elle traduit les différents mouvements de pensée et je suis convaincue qu’elle participe de la construction de l’intelligence.

Juliette Chabassier
© Inria / SCM Bordeaux

Soucieuse d’établir des ponts entre sa matière et les mathématiques, l’enseignante décide avec son collègue de monter un projet autour du baroque et du numérique. La DAAC fait alors le lien avec Les Précieuses, qui avaient inauguré la Semaine des mathématiques l’année précédente.

L'objectif de ces résidences d'artistes est d'amener les élèves au processus de création artistique à travers le chant, la danse, la performance ou encore l'écriture.

précise Eric Boisumeau,  conseiller académique Art et culture scientifique au Rectorat de l'académie de Bordeaux.

Sur les vingt-deux résidences retenues cette année en Gironde, trois sont scientifiques. Le parcours proposé au collège Blanqui en fait partie.

ajoute Sophie Mouge, déléguée académique pour la culture scientifique au rectorat de l'académie de Bordeaux. Une action qui s’inscrit de surcroît au programme de l’Année des mathématiques.

Sortir des sentiers battus

atelier organologie
© Inria / SCM Bordeaux

 

Depuis septembre 2019, ce sont ainsi quarante-quatre élèves qui vivent au rythme du baroque. La résidence artistique et scientifique en est le temps fort. Un défi dans cet établissement classé REP+, situé dans un quartier prioritaire de la politique de la ville de Bordeaux, où le taux de décrochage est élevé. Cependant, les élèves se prêtent au jeu. Chant, rhétorique, théâtre, danse, rythme et périodicité, hauteur des sons… c’est par petits groupes qu’ils plongent dans l’univers des XVIIe et XVIIIe siècles. Susan Edward, violoncelliste, donne le tempo de l’atelier organologie face à des non-musiciens. À travers les époques et la place de la musique dans la société, elle propose un regard détaillé sur la lutherie des instruments à cordes. Quelles sont les technologies utilisées ? Quel impact sur leur sonorité ? Comment les mathématiques permettent-elles de créer des sons ? Le message commence timidement à passer. Les élèves auront d’ailleurs l’occasion de découvrir les possibilités offertes par la simulation numérique au cours de la semaine et de travailler sur un clavecin modélisé. Susan s’empare alors de son violoncelle et se met à jouer. Le Carnaval des animaux de Camille Saint-Saëns. L’assistance reste saisie. À la fin du morceau, Juliana ose : « On dirait un oiseau, Madame ». Pourquoi la mélodie lui évoque-t-elle cet animal ? Susan l’encourage. « Je ne sais pas. C’est gracieux ». « C’est un cygne ! », s’exclame Tessa.

L’émotion peut-elle être considérée comme un indicateur pour évaluer l’impact d’une action pédagogique ? Si l’incidence immédiate est difficilement mesurable, Delphine Guéry, professeure de flûte traversière, a déjà noté des répercussions :

Le plus beau dans tout cela, là où nous pouvons dire que nous avons gagné une grande partie de notre mission de transmission, c’est qu’une élève rêve de faire du violoncelle à présent, que deux autres veulent reprendre le théâtre en dehors du collège et qu’un dernier a pris conscience de ses capacités rythmiques qui pourraient l’inciter à faire de la percussion.

Autre satisfaction, la réussite du spectacle Louis 14.0 auquel vingt-quatre élèves ont participé en donnant la réplique aux artistes le vendredi 14 février à la salle du Point du Jour et qui marquait le dernier acte de cette résidence en milieu scolaire.