Modélisation et Simulation

Objets connectés : un pas de géant dans la modélisation avec le corps humain

Date:
Mis à jour le 20/09/2021
L’équipe-projet Tonus et l’entreprise AxesSim ont réussi à modéliser l’effet des objets connectés sur le corps humain. Une prouesse rendue possible par le nouveau supercalculateur français Jean Zay. Ses milliers de cartes graphiques permettent un calcul haute performance qui trouve ici son application pour tous les chercheurs et industriels qui s’intéressent à la propagation des ondes électromagnétiques produites par les antennes bluetooth.
Mannequin anthropomorphe pour simuler le corps humain
© Axessim

Les objets connectés et notre corps

Montres, maillots pour la pratique sportive, gélules pour les applications médicales : les objets connectés font déjà partie intégrante de notre quotidien ! Ils ont aussi investi le secteur de la téléphonie mobile et de la domotique… Avec eux, la quantité d’objets émettant des ondes électromagnétiques (OEM) à proximité de notre corps va croissant. Comment modéliser la diffusion de ces signaux dans les tissus humains, pour adapter la puissance et le design des antennes ?

La plupart des programmes utilisés pour la simulation numérique utilisent la méthode dite "des différences finies" qui va représenter numériquement un objet comme un ensemble de petits cubes. Si cette approximation, assez simple à mettre en œuvre, convient pour une vision "à grosses mailles", elle ne respecte pas vraiment la géométrie de l’objet, surtout lorsque celui-ci comporte des courbes.

Améliorer la simulation pour mieux approcher la réalité

L’équipe Tonus développe depuis des années une autre approche, la méthode "de Galerkine discontinue", du nom de son inventeur, un mathématicien russe. Ici, l’approximation se fait par un pavage plus adapté aux géométries complexes, fait de triangles, tétraèdres… « Le maillage qu’elle permet est beaucoup plus respectueux de la géométrie des objets simulés, mais a un coût de calcul beaucoup plus important que la méthode précédente », précise Bruno Weber, ancien doctorant de l’équipe Tonus et ingénieur de développement logiciel chez AxesSim. Faire tourner une simulation de ce type demande alors de très nombreuses heures de calcul, jusqu’à plusieurs semaines…

L’accès à Jean Zay, un véritable atout

Ce temps de calcul a pu être réduit à une vingtaine d’heures grâce à l’adaptation du programme d’AxesSim pour le supercalculateur Jean Zay, dixième ordinateur le plus puissant du monde (voir encadré). Une opportunité offerte à l’équipe grâce à un appel à projet principalement porté par Matthieu Boileau, ingénieur de recherche CNRS à l’Institut de recherche mathématique avancée (Irma).

Côté déploiement sur Jean Zay, Marie Houillon, en thèse dans l’équipe Tonus jusqu’en novembre dernier, s’est chargée de la compilation du programme sur la machine cible.

Marie Houillon, une jeune doctorante enthousiaste

Marie Houillon tire un bilan très positif de sa thèse à Inria : « Pour moi qui me destine plutôt à l’industrie, aux applications concrètes, c’est une chance d’avoir pu travailler ainsi avec une entreprise. J’ai également beaucoup apprécié la liberté qu’offre Inria de mener un sujet à bien dans une équipe dont ce n’est pas la spécialité première. »

En tirant parti des spécificités du supercalculateur pour optimiser au mieux les calculs à effectuer, Marie Houillon a ainsi permis à l’équipe de faire tourner une trentaine de simulations. De quoi tester un certain nombre de paramètres pouvant affecter la propagation des OEM.

Vers un transfert industriel ?

Le simulateur permet de prendre en compte précisément de nombreux paramètres :  muscles, graisse, état de la peau (sèche ou humide), niveau de positionnement de l’antenne (au poignet, sur la nuque, dans l’abdomen), volume d’air dans les poumons, etc.

Si les résultats sont encore en cours d’exploitation, ces simulations devraient permettre d’identifier lesquels ont un effet réel sur la propagation des OEM et lesquels peuvent être négligés, ce qui diminuera le temps nécessaire pour faire tourner les simulations numériques.

Un gain de temps de calcul qui permet d’envisager l’utilisation de ces simulations comme outil de design et de validation des normes dans un processus industriel. Parmi les applications potentielles, une diminution de la puissance des antennes, ce qui garantirait une plus grande longévité aux batteries. Ce transfert, AxesSim espère le mener à bien après avoir, dans un premier temps, « exploité ces résultats pour mettre en avant les capacités du produit de simulation », détaille Bruno Weber.

Un exemple de la puissance de l’écosystème local

Car cette réussite est le résultat de l’étroit partenariat qui lie depuis des années l’équipe-projet Tonus, l’Irma et AxesSim, dont deux des salariés sont d’anciens doctorants de l’Irma, ayant bénéficié de thèses CIFRE cofinancées par la société. En finançant la thèse de Marie Houillon, le laboratoire d’excellence Irmia (Institut de recherche en mathématiques, interactions et applications) remplit pleinement ses objectifs « d’accroître la place des mathématiques strasbourgeoises dans l’environnement socio-économique », précise Nalini Anantharaman, sa directrice.

La pérennité de la collaboration Inria-Irmia-Irma-AxesSim participe ainsi à la dynamique du pôle strasbourgeois. Elle contribue à rapprocher informatique, mathématiques et applications, pour mieux affirmer le leadership français dans la simulation numérique et le calcul haute performance.

  • L'équipe Tonus se concentre essentiellement sur la modélisation mathématique appliquée à la simulation de la physique des plasmas.
  • AxesSim, spin-off de Thales fondée en 2007, développe des logiciels de simulation des ondes électromagnétiques pour sa clientèle industrielle et académique.
  • L’Irma est une unité mixte de l'université de Strasbourg et du CNRS dont fait également partie Philippe Helluy, le directeur de l’équipe-projet Tonus.

 

Pour en savoir plus sur les outils utilisés par les chercheurs