L’agriculture connectée, même là où il n’y a pas de réseau

Date:
Mis à jour le 13/12/2023
Créer des réseaux de capteurs capables de fournir aux agriculteurs une information complète, en temps réel et à moindre coût, sur les conditions météorologiques dans leurs champs. Et ce même dans les zones qui ne sont pas propices à l’Internet des objets. Tel est le but de la thèse que vient de démarrer Brandon Foubert au centre de recherche Inria Lille - Nord Europe, en collaboration avec l’entreprise Sencrop.
Pluviomètre connecté Raincrop
Photo Sencrop

 

Maîtrise des consommations d’eau et de pesticides, adaptation au changement climatique, aspiration à une meilleure qualité de vie… Les agriculteurs doivent aujourd’hui faire face à de nombreux défis. C’est pour les aider que l’entreprise Sencrop a développé des stations agro-météo connectées de proximité.

« Installés dans les champs, nos capteurs mesurent la précipitation, la vitesse du vent, la température, l’ensoleillement ou encore l’hygrométrie de l’air, puis envoient ces informations sur la tablette ou le smartphone de l’exploitant. Celui-ci dispose ainsi, en temps réel, de toutes les données nécessaires pour piloter chaque jour ses travaux (semis, traitements, irrigation, récolte, etc.). Cela lui évite d’avoir à se lever inutilement à l’aube pour découvrir que ce n’est pas le bon moment. Surtout, cela lui permet d’arroser et d’appliquer les produits phytosanitaires au bon moment pour obtenir de meilleurs rendements avec de moindres doses, donc un impact environnemental réduit », présente Michaël Bruniaux, cofondateur de cette startup.

Seul problème : « Le développement de nos stations est limité à la cinquantaine de pays couverts par l’opérateur de communication SigFox, dédié à l’Internet des objets, poursuit-il. Nous aimerions nous développer au-delà. C’est pourquoi nous avons noué une collaboration avec l’équipe-projet Fun, du centre de recherche Inria Lille - Nord Europe. » Celle-ci est spécialisée dans l’auto-organisation des réseaux ubiquitaires du futur, c’est-à-dire dans les systèmes de communication sans fil permettant à des objets connectés d’interagir entre eux. Afin de mener à bien ce projet, l’équipe a reçu une allocation de recherche du Fonds européen de développement régional (FEDER) et l’appui de l’I-SITE Université Lille Nord - Europe (ULNE), dont Inria est membre partenaire, pour accueillir un étudiant en thèse pendant trois ans. De son côté, Sencrop apporte un tiers de l’enveloppe budgétaire.

Pas de réseaux ? Pas de problème, grâce aux multisauts

« L’idée du projet est de combiner plusieurs technologies de communication sans fil (SigFox, LoRA, GSM, etc.) pour que les stations de Sencrop ne soient plus dépendantes d’un réseau et puissent être utilisées partout » indique Nathalie Mitton, responsable de l’équipe-projet Fun. « Le bon mix devra offrir une solution pour chaque pays, en fonction des systèmes utilisés localement. » Pour les zones blanches, par exemple les plantations isolées situées sur des reliefs, il faut également que les technologies choisies permettent et supportent les multisauts, c’est-à-dire qu’elles soient capables de router l’information d’un capteur à un autre, de proche en proche, jusqu’à atteindre la station météo ou un capteur qui, situé en zone couverte, pourra transmettre l’information à la station.

Le fait d’associer et de rendre interopérables des technologies hétérogènes permettra, en outre, d’utiliser à chaque instant celle qui assure le meilleur compromis entre délais de transmission de l’information et consommations d’énergie. « Les puces GSM consomment beaucoup d’énergie par rapport à l’autonomie limitée des capteurs, mais elles ont une portée et un débit qui leur permet d’envoyer très rapidement des données », explique Nathalie Mitton. « Elles peuvent donc être utiles pour les alertes. En revanche, les informations moins urgentes peuvent passer par des ondes radio, moins rapides mais plus économes en énergie. » L’usage de plusieurs canaux de communication permet par ailleurs de remonter plus d’informations, voire d’en faire redescendre vers les capteurs, pour les mettre à jour et/ou les programmer à distance.

À chaque type d’information, sa technologie de communication

Un autre point de la collaboration entre Inria et Sencrop consiste donc à typer les données et à développer un protocole local permettant aux capteurs de choisir à chaque instant, de façon autonome et dynamique, par quel biais envoyer l’information en fonction de sa nature. Une fois le projet terminé, la solution développée sera validée expérimentalement, en situation réelle, en vue de son transfert industriel.