Modéliser les horloges du vivant : hypothèses, rythmes et synchronisation
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Mis à jour le 10/07/2025
Les horloges circadiennes rythment l’ensemble du vivant. Présentes dans toutes les cellules du corps, elles régulent de nombreuses fonctions biologiques selon un cycle d’environ 24 heures. Mais comment les horloges périphériques parviennent-elles à se synchroniser ? Et quel rôle l’horloge centrale, située dans le cerveau, joue-t-elle dans cette coordination ?
Ces questions sont au cœur de cette thèse de doctorat dont l’objectif est de comprendre ces phénomènes à l’aide de modèles mathématiques, en s’appuyant sur des observations expérimentales récentes. Une approche interdisciplinaire, à la croisée de la biologie et des mathématiques appliquées.
Tout commence par un stage de fin d’études à Inria, dans l’équipe Macbes. Formée à l’INSA de Rouen en mathématiques appliquées, Odile Burckard découvre à cette occasion le travail à l’interface entre modélisation et biologie. Elle choisit de poursuivre en doctorat sur un sujet encore émergent dans la communauté scientifique.
Tout au long de la thèse, dirigée par Madalena Chaves, les échanges avec les biologistes de l’IBV jouent un rôle central. Les discussions permettent d’affiner les hypothèses, de mieux comprendre les mécanismes biologiques et de valider les résultats obtenus par la modélisation. Cette collaboration régulière, notamment avec Franck Delaunay, contribue à ancrer le travail dans la réalité expérimentale, sans perdre de vue la rigueur mathématique.
L’un des axes de la thèse s’appuie sur une publication expérimentale de 2021 portant sur les horloges circadiennes du foie chez la souris. L’étude observait l’effet de différents rythmes d’alimentation sur la synchronisation de ces horloges périphériques, y compris chez des souris sans horloge centrale fonctionnelle.
À partir de cette base, Odile Burckard construit un modèle mathématique pour tester l’hypothèse d’un couplage local entre horloges périphériques. Le but : reproduire les dynamiques observées et évaluer la probabilité de récurrence de ce mécanisme. Les résultats obtenus montrent que, sous certaines conditions, le modèle permet de retrouver les comportements expérimentaux. Cela renforce l’idée que les cellules du foie pourraient, dans certains cas, se synchroniser entre elles sans signal direct du cerveau.
Ce type d’approche, fondée sur des données existantes, permet de poser des hypothèses formalisées et de proposer de nouvelles pistes aux biologistes. C’est dans cette interaction que la modélisation prend tout son sens.
Cette thèse s’inscrit dans une dynamique de recherche collaborative plus large, impliquant plusieurs équipes, dont l’IBV et des partenaires basés à Paris. Elle apporte une contribution ciblée à un ensemble d’interrogations sur les mécanismes de synchronisation dans le vivant.
Les outils développés et les résultats obtenus viennent enrichir une réflexion collective, dans laquelle les approches théorique et expérimentale se nourrissent mutuellement. Le travail mené dans le cadre de la thèse s’intègre ainsi dans un écosystème scientifique en mouvement, où chaque avancée ouvre la voie à de nouvelles questions.
Cette thèse illustre ce que peut apporter une démarche interdisciplinaire conduite avec méthode : une meilleure compréhension d’un phénomène complexe, des hypothèses clarifiées, des échanges enrichis entre disciplines.
Le prix de thèse reçu vient reconnaître cet engagement scientifique rigoureux, au service d’un dialogue constant entre théorie et observation.
Modéliser, ici, c’est structurer une question pour mieux l’explorer. C’est proposer une manière de lire les rythmes du vivant, sans jamais les figer. Une approche utile, patiente, qui s’inscrit dans une science en construction.