Interactions humain-machine

Hélène Sauzéon, de la psychologie à la réalité virtuelle

Date:
Mis à jour le 02/08/2022
Après des études en psychologie à l’université de Bordeaux où elle obtient le titre de psychologue, Hélène Sauzéon commence par la clinique, puis s’oriente vers la recherche et entame une thèse au laboratoire de neuropsychologie expérimentale, à l’époque dirigé par le professeur Bernard Claverie. Son sujet : le vieillissement normal et les trajectoires développementales de la mémoire.
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© Inria / Photo G. Scagnelli

 

Hélène s’intéresse à une nouvelle approche du vieillissement et a pour objectif de montrer que le vieillissement correspond à des trajectoires qui doivent être interprétées de manière dynamique et développementale. Cela implique d’analyser, dès l’enfance, les liens entre les processus qui se mettent en place, ceux qui déclinent et ceux qui, tout au long de la vie, se développent.

De la clinique aux technologies (ré)éducatives, la construction d’une synergie entre sciences humaines et sciences du numérique

Malgré des recherches qui la passionnent, Hélène connaît un essoufflement dans les approches fondamentales de la psychologie. Les succès qu’elle rencontre représentent des avancées scientifiques mais elle se pose rapidement la question de l’impact et du sens qu’ont ces réussites dans la vie quotidienne des personnes. Cette préoccupation l’amène à s’intéresser à la réalité virtuelle.

Verbatim

Si je disposais d’un matériel qui permette de simuler les activités de la vie quotidienne, est-ce que je n’aurais pas des résultats plus tangibles ? Est-ce que les personnes âgées ne bénéficieraient pas plus de mes interventions ? 

Ce constat pousse Hélène Sauzéon à travailler avec Pascal Guitton, professeur d’informatique et responsable de l’équipe-projet IPARLA au centre Inria de Bordeaux, en 2008. Cette première rencontre lui ouvre les portes de la recherche en informatique. Son objectif : mettre à profit la réalité virtuelle pour développer des alternatives et des aides à la navigation en milieu urbain. Elle oriente ses travaux autour de la navigation spatiale et des troubles de la mémoire spatiale chez les personnes âgées ou cérébrolésées.

En 2012 à l’occasion d’un séminaire sur les assistances pour personnes avec des troubles cognitifs, elle rencontre Charles Consel et découvre les travaux de recherche de l’équipe-projet PHOENIX. En continuité avec ses thématiques de recherche sur le vieillissement, elle contribue à ses côtés à la création de DomAssist, une plate-forme d’orchestration logicielle d’objets connectés qui a pour objectif de monitorer in situ les activités de vie quotidienne de la personne âgée et d’offrir des aides à la réalisation de tâches au domicile.

Enfant tenant une tablette équipée de l'assistant scolaire DomAssist
© Inria / Photo G. Scagnelli

Trop souvent, les dispositifs d’assistance numérique sont conçus sans prendre en compte les nombreuses contraintes psychologiques et sociologiques liées aux utilisateurs. Il est donc indispensable de jouer la complémentarité entre les disciplines pour résoudre ce problème ; Hélène Sauzéon apporte donc une expertise singulière et un savoir méthodologique en facteurs humains et plus particulièrement sur le vieillissement et le handicap cognitif. Ses compétences en psychologie permettent de mieux définir la cible, d’analyser les besoins et de coconcevoir avec les parties prenantes les nouveaux dispositifs numériques à visée soit évaluative, soit réhabilitative (compensation ou assistance). Au cœur de ces recherches, il s’agit de créer des dispositifs originaux qui soient acceptables, faciles d’utilisation (faible charge cognitive ou physique des interactions avec le dispositif), et surtout, motivants et utiles pour la personne pour qu’elle se les approprie à long terme. Les travaux menés sont pluridisciplinaires et mêlent l’informatique, la psychologie et l’ergonomie cognitive aux capacités de chacun. La visée finale de ces travaux est de contribuer à une "cité" plus inclusive envers les personnes âgées et les personnes avec des troubles cognitifs.

Hélène Sauzéon apporte son expertise à plusieurs équipes de recherche Inria. En 2016, elle collabore aux travaux de l’équipe POTIOC pour développer le logiciel Aïana qui permet de suivre un MOOC en adaptant son interface aux besoins et aux capacités des usagers. Dans le même temps, elle développe avec Pascal Guitton un MOOC sur l’accessibilité numérique qui engendrera plus de 13 000 inscriptions sur la plate-forme FUN. Un protocole d’évaluation a montré son efficacité ergonomique et pédagogique pour les personnes en situation de handicap tout en révélant qu’une telle expérience pour ces personnes génère un sentiment d’autodétermination augmentée (plus fort ressenti de compétence et d’autonomie pour apprendre).

Découvrez l'innovation Aïana

En parallèle, convaincue du rôle crucial de la motivation dans les apprentissages, Hélène Sauzéon collabore occasionnellement avec d’autres équipes-projet Inria et notamment avec l’équipe FLOWERS autour de Pierre Yves Oudeyer. Elle apporte sa contribution sur les projets KidLearn et KidBreath. Par exemple, en élaborant un protocole d’évaluation, ils parviennent à démontrer la valeur ajoutée d’un système tutoriel intelligent élaboré par Flowers pour l’éducation à la santé de jeunes enfants asthmatiques chroniques. Ce même système vient d’être utilisé avec succès auprès d’enfants avec troubles de l’autisme pour l’acquisition de la capacité à réaliser des calculs simples (additions et soustractions).

 

Clavier d'ordinateur représentant accessibilité numérique
© Inria / Montage A. Lacouchie

Souhaitant aller plus loin dans l’investigation du rôle de la motivation et en particulier de la curiosité, Hélène Sauzéon intègre en 2018 l’équipe-projet Inria FLOWERS, spécialisée en intelligence artificielle (IA) et apprentissage autonome avec pour approche la modélisation de l’apprentissage et du développement cognitif chez l’enfant à travers les mécanismes de curiosité. Si le rôle bénéfique de la curiosité dans les mécanismes d’apprentissage est de plus en plus démontré chez l’enfant, très peu d’études ont été réalisées chez les personnes âgées. C’est pourquoi, en lien avec ses premières thématiques de recherche sur le vieillissement, Hélène Sauzéon étudie plus précisément si les mécanismes de la curiosité peuvent être également un ingrédient essentiel à l’apprentissage tout au long de la vie.

Verbatim

J’interviens sur des études fondamentales en psychologie et neuropsychologie où il s’agit de voir en quoi la motivation intrinsèque et la curiosité sont des vecteurs et des leviers d’apprentissage tout au long de la vie ou en situation de handicap cognitif.

Cette approche correspond entre autres à un projet en réalité virtuelle, au sein de l’équipe FLOWERS, où l’objectif est de comprendre si la curiosité peut être un vecteur d’amélioration de la mémoire spatiale chez les personnes âgées ainsi que chez les enfants, en introduisant des objets motivationnels différents selon la génération.

L’applicabilité de la recherche comme principe de travail

Ce qui motive aussi Hélène Sauzéon au quotidien ?

La richesse des collaborations au sein de FLOWERS qui lui permet aussi de développer des études appliquées psychoéducatives ou rééducatives dont le résultat est facilement transférable auprès des partenaires privés (entreprises, associations, etc.) ou publics (Éducation nationale, hôpital, etc.). Il s’agit d’inventer de nouveaux dispositifs numériques et d’en démontrer la valeur ajoutée pour l’apprentissage ou la rééducation. Les contributions se font à la fois du côté des sciences du numérique et du côté des sciences humaines et sociales :

Verbatim

C’est ce qui m’intéresse : au départ, chacun a ses propres connaissances et questions disciplinaires, puis, l’autre nous offre une lecture différente, et on finit par atteindre une compréhension bien plus aboutie et donc plus porteuse de progrès social dans les solutions proposées ; et c’est d’autant plus motivant. 

Elle qui a toujours cherché à faire levier sur les innovations du numérique pour enrichir son domaine, s’épanouit pleinement dans cet environnement dynamique et soucieux d’avoir un impact sociétal et, où chacun voit et reconnaît la valeur ajoutée de la collaboration.