Europe

ARIA : Un grand projet européen au service des industriels

Date:
Mis à jour le 16/08/2022
Modéliser les flux sanguins dans les anévrismes aortiques, simuler et optimiser l’aérodynamique d’une éolienne ou d'une voiture... Voici quelques exemples de recherches menées récemment dans le cadre du programme européen de recherche ARIA ("Accurate ROMs for Industrial Applications"), coordonné par le centre Inria Bordeaux – Sud-Ouest. Il fédère à ce jour quinze partenaires académiques et industriels à la pointe de l'innovation dans les domaines de la modélisation et de l’analyse numérique.
ARIA : Un grand projet européen au service des industriels
© Inria / Photo C. Morel

Un grand programme de recherche international

C'est en 2019 que le projet ARIA, proposé et coordonné par le centre Inria Bordeaux – Sud-Ouest, est devenu l'un des bénéficiaires du programme RISE de la Commission européenne, qui vise à soutenir financièrement la coopération scientifique internationale et intersectorielle, à travers des échanges de personnel de recherche. « Nous avons réussi à fédérer aussi bien des centres de recherche de pointe que de grands industriels, comme Volkswagen, des entreprises de taille moyenne, telle Valorem en France, et des startups intéressées par la modélisation », indique Angelo Iollo, coordinateur scientifique du projet, et responsable de l'équipe-projet MEMPHIS, commune au centre Inria Bordeaux – Sud-Ouest et à l'université de Bordeaux.

Les quinze membres fondateurs, rejoints en 2022 par l'université italienne de Brescia, ont en commun de s'intéresser aux modèles d'ordre réduit (ROM, pour "reduced-order models"). Concrètement, la modélisation de problèmes physiques (écoulements de l'air ou de fluides, autour d'un avion, d'une voiture ou d'une éolienne…) implique jusqu'ici de travailler sur des équations continues, qui prennent en compte tous les points d'un espace, et nécessitent des calculs complexes à l'aide de supercalculateurs. Avec leur travail sur les modèles d'ordre réduit, les centres de recherche qui participent au modèle ARIA « ne cherchent pas à diminuer la taille des modèles mais à réduire le nombre d'inconnues de chaque équation mathématique, en se basant sur les simulations qui ont déjà été effectuées pour des problèmes similaires », détaille Angelo Iollo.

Capitaliser les calculs déjà effectués

« Le but est par exemple d'arriver à identifier le socle commun des solutions de modélisation correspondant à des types de géométries de voitures (petite citadine, SUV…). On souhaite ensuite s'appuyer sur ce socle pour modéliser, avec peu de calculs, ce qu'il se passe autour d'une voiture ayant des caractéristiques assez proches », ajoute Angelo Iollo. Les écoulements et turbulences varient et changent de position, lorsque la géométrie des voitures évolue. Mais leurs caractéristiques restent essentiellement les mêmes et peuvent donc être capitalisées pour ne pas avoir à repartir d'une feuille blanche à chaque nouvelle modélisation. 

« Notre communauté de scientifiques et d'industriels travaille sur des méthodologies et des technologies qui vont permettre de rendre toutes les tâches de simulation numérique beaucoup plus efficaces et fluides, précise Angelo Iollo. Les concepteurs de véhicules, par exemple, devraient être en mesure de simuler en quasi temps réel les effets aérodynamiques d'un changement opéré sur un modèle, et donc d'effectuer plus facilement ce type de changement. Et contrairement aux modélisations habituelles, qui nécessitent des temps de calcul faramineux et sont donc très gourmandes en infrastructures et en énergie, les modèles d'ordre réduit sont aussi synonymes d'une forte baisse des émissions de gaz à effet de serre lors des phases de conception. Car ils réduisent considérablement les temps de calcul. »

Des collaborations fructueuses

Forts du soutien financier de la Commission européenne, qui prend en charge les coûts indirects des déplacements (transports, hébergement…), six chercheurs européens ont pu être accueillis au centre Inria Bordeaux – Sud-Ouest en septembre dernier pour travailler avec leurs homologues français sur des projets conjoints. « Les chercheurs de l'équipe-projet Memphis spécialisée dans la modélisation numérique ont pour leur part passé 30 mois chez des partenaires durant les deux premières années du programme », indique Linh Nguyen, responsable de ce projet au niveau d'Inria, en soulignant que ces voyages sont complémentaires de nombreux séminaires en ligne ou en présentiel (sur des projets expérimentés par Volkswagen, des travaux en lien avec les écoulements d'air, ou bien les interactions fluides-structures…).

Ces collaborations portent déjà leurs fruits. Entre autres exemples, les chercheurs sont parvenus à utiliser les ROM pour créer des modèles en mesure d'évoluer de façon fluide, à la manière de ce qui se fait avec le morphing dans le domaine de la vidéo (des effets spéciaux permettant de transformer progressivement une image en une autre image). La startup bordelaise Nurea, créée par un ancien doctorant de Memphis et spécialisée dans les logiciels d'imagerie médicale, utilise par ailleurs déjà les ROM pour proposer à ses clients une technologie permettant de modéliser, avec très peu de paramètres, des anévrismes aortiques. L'intérêt étant de pouvoir créer (et étudier) plus rapidement et facilement ces modèles.

Une gestion de projet millimétrée

Les collaborations vont se poursuivre et le programme a été prolongé. « Compte tenu de la pandémie, qui a interrompu les déplacements pendant un an, ce projet ne s'arrêtera pas en novembre 2023 mais il continuera jusqu'en novembre 2024, précise Linh Nguyen. Il fédère pour l'instant douze bénéficiaires en Europe, qui reçoivent un financement et participent aux échanges, et trois partenaires associés aux États-Unis, qui ne sont pas soutenus financièrement par l'UE mais accueillent régulièrement dans leurs centres de recherche des chercheurs intéressés par leurs travaux. »

Linh Nguyen indique qu'elle se charge « des tâches de gestion », du « suivi des documents administratifs et financiers requis par la Commission », de « l'organisation et parfois de l'animation des réunions officielles ». « Dans le cadre d'un grand projet européen comme celui-ci, il est à mon avis fondamental d'avoir un ou une "project manager", expert en gestion, pour que les chercheurs puissent se concentrer au maximum sur les aspects scientifiques », conclut Angelo Iollo. 

Les partenaires du programme ARIA

Le programme ARIA réunit quinze partenaires, dont cinq institutions académiques européennes de premier plan (Inria, Politecnico di Torino, Politecnico di Milano, Scuola Internazionale Superiore Di Studi Avanzati di Trieste et Universidad de Sevilla), trois partenaires américains associés (Stanford University, Virginia Tech et  University of South Carolina), deux partenaires industriels (Volkswagen AG et Valorem), et cinq startups spécialistes de la recherche industrielle appliquée ou de l’imagerie médicale (Optimad, ESTECO, Virtualmech, IEFLUIDS, et Nurea). Ils sont rejoints en 2022 par Università degli studi di Brescia, une autre université italienne, ce qui porte à seize le nombre de partenaires impliqués.