Jumeau numérique

Santé : un écosystème européen consacré au jumeau numérique

Date:
Mis à jour le 27/05/2024
La médecine attend beaucoup du jumeau numérique. Ses promesses ? Pouvoir tester de nouvelles idées en santé, faire évoluer les pratiques, personnaliser les traitements, explorer les interactions entre les organes ou les médicaments... Au niveau de l’Europe, un programme dénommé EDITH (European Virtual Human Twin) vise à fédérer tout un écosystème autour de ce double virtuel. L’équipe-projet SimbiotX du centre Inria de Saclay y contribue activement.
Virtual Twin Inria
© Inria / B. Fourrier

De multiples applications du jumeau numérique en santé

Savez-vous ce qu’est un jumeau numérique dans le champ médical lorsqu’il s’applique à une personne ? « C’est une représentation mathématique simplifiée d’un individu donné, explique Irène Vignon-Clémentel, coresponsable avec Dirk Drasdo de l’équipe-projet SimbiotX. Ce double virtuel est paramétré à partir des données spécifiques d’un patient, pour aider les cliniciens à mieux comprendre son état de santé et son évolution. »

En médecine cardiaque par exemple, si l’on applique les mesures de débit sanguin et de pression dans la circulation du sang sur un jumeau numérique, on peut évaluer certains paramètres du cœur difficilement analysables autrement. En orthopédie, l’usage d’un double virtuel permet de savoir si une prothèse est bien adaptée à un patient. Ce jumeau numérique sert aussi à prédire l’effet d’un traitement, d’une chirurgie ou d’un médicament. Les applications peuvent ainsi se multiplier à l’infini…

Trouver la solution la mieux adaptée au patient

Son utilisation s’avère de plus en plus indispensable au vu des évolutions actuelles : « Avec la durée de vie qui s’allonge, les médecins observent davantage de comorbidités chez les patients, remarque Liesbet Geris, directrice exécutive de l’institut VPH (Virtual Physiological Human Institute) et pilote du programme européen EDITH. Les interactions entre les maladies, entre les organes et entre les médicaments, sont difficiles à appréhender. Par ailleurs, les soignants ont accès à de plus en plus d’informations, parfois complexes à prendre en compte ensemble. »

Les jumeaux numériques ne remplacent pas le médecin, mais ils apportent des réponses. Leurs atouts : ils permettent d’intégrer plus aisément les différentes données et de trouver la solution la mieux adaptée au patient. À noter, ces doubles sont aussi utiles dans le cadre de la prise en charge des maladies orphelines ; les cas étant peu nombreux, il reste difficile d’effectuer des essais cliniques pour tester de nouvelles molécules, mais avec les jumeaux numériques, on peut facilement ajouter des patients virtuels. 

19 partenaires d’EDITH pour un jumeau numérique commun

VPH Institute (Belgique), Lynkeus (Italie), ACC Cyfronet AGH (Pologne), Athena (Grèce), BSC (Espagne), DigitalEurope (Belgique), Empirica (Allemagne), EPFL (Suisse), FORTH (Grèce), HITS (Allemagne), Inria (France), Jülich (Allemagne), PI School (Italie), QMUL (Royaume Uni), RWTH (Allemagne), ULiège (Belgique), UNIBO (Italy), UvA (Pays-Bas), Vito (Belgique)

Réunir l’écosystème du jumeau numérique pour la médecine du futur

Avec le programme EDITH, la Commission européenne a clairement saisi les enjeux de ce domaine en plein essor. « Elle nous a sollicités pour faciliter le déploiement des jumeaux numériques en Europe, précise Liesbet Geris. 

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Liesbet Geris
Verbatim

Ce n’est pas un programme de recherche, mais une mission de coordination et de soutien pour mettre en commun les travaux de l’écosystème impliqué dans le développement des jumeaux numériques, évaluer les barrières juridiques, aborder les questions de propriété intellectuelle... 

Auteur

Liesbet Geris

Poste

Directrice exécutive de l’institut VPH (Virtual Physiological Human Institute) et pilote du programme européen EDITH

Ainsi, depuis fin 2022, EDITH et ses partenaires (voir encadré) déploient une dynamique collective, à travers des réunions régulières et un partage des dernières informations sur les jumeaux numériques.  « Pour aborder l’ensemble des enjeux, plusieurs groupes de travail ont été créés : étude des jumeaux numériques existants en Europe, réalisation d’une cartographie complète des acteurs, des initiatives, ou des freins, construction d’une feuille de route pour évoluer vers un jumeau numérique européen, mise en place d’un référentiel et d’une plate-forme de simulation en fonction de cas d’usage, » détaille Irène Vignon-Clémentel.

Une implication forte d’Inria

Très investie, l’équipe SimbiotX contribue à chacun de ces groupes de travail. Et elle est particulièrement engagée dans la constitution de l’écosystème. À titre d’exemple, elle a organisé le premier workshop d’EDITH à l'Institut Polytechnique de Paris en janvier 2024. « Près de 200 personnes de toute l’Europe y ont participé : médecins, patients, juristes, acteurs du monde académique et de l’industrie…, indique Irène Vignon-Clémentel. Elles ont croisé leurs visions lors des sessions de brainstorming» 

Un deuxième workshop est prévu en juillet 2024 à Amsterdam, avec l’espoir d’attirer encore plus d’acteurs intéressés et de futurs partenaires. L’objectif ? Faire germer les bonnes idées et avancer ensemble. 

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Irène Vignon Clémentel
Verbatim

Chaque acteur impliqué dans le jumeau numérique est un arbre isolé. Pour vivre, chaque arbre a besoin d’une forêt, avec des racines et des branches, des pollinisateurs, un microbiote dans le sol... C’est cette forêt qui permettra de construire un jumeau numérique commun, interopérable et utile à tous et toutes

Auteur

Irène Vignon-Clémentel

Poste

Co-responsable de l'équipe-projet SimbiotX

Un manifeste, des cas d’usages et une feuille de route

D’ores et déjà, le socle de cet écosystème a été posé, avec la rédaction d’un manifeste pour résumer les axes de travail du programme EDITH, afin de favoriser l’adoption des jumeaux numériques dans les systèmes de soins. « Près de 100 parties prenantes ont déjà signé ce manifeste grands groupes et startups, universités et associations, se réjouit Liesbet Geris. Elles s’engagent ainsi à travailler avec la Commission européenne sur le sujet. »

En parallèle, le consortium développe une plate-forme collaborative de connaissances et de sources de données. Sa finalité : accélérer l’émergence du jumeau numérique européen en santé à partir de données sûres et sécurisées. Cinq premiers cas d’usage ont été sélectionnés – cancer, maladies cardiovasculaires, soins intensifs, ostéoporose, cerveau – et un appel à contributions est ouvert pour proposer d’autres cas d’usage. 

La fin du programme EDITH est prévue en décembre 2024.  « D’ici là, nous devrions avoir bouclé notre feuille de route, qui se concrétisera par la publication d’un livre blanc, dont l’objectif est de diffuser et vulgariser les connaissances sur le jumeau numérique en santé, annonce Liesbet Geris. Un chapitre entier présentera des préconisations d’actions à lancer par la Commission européenne et ses pays membres, pour que tous, ensemble, travaillent à la réalisation d’un référentiel unique de jumeaux numériques pour la santé, en matière de données, de pratiques et de modèles partagés. »  Avec, à l’horizon, une médecine sur mesure pour les patients.

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